Les travaux de «La Promenade de Port-Bouët », longue de 8 km, avaient été lancés en mai 2017, en présence de deux ministres : celui de l’Equipement et de l’Entretien routier ainsi que son homologue du Tourisme. Le budget : 6,7 milliards de francs CFA. L’inauguration était prévue pour 2020. Aujourd'hui les installations sont en état de dégradation avancée due à la corrosion. Le projet est à l’agonie.
La Promenade de Port-Bouet longe la bordure de mer sur tout le parcours qui commence au Carrefour Phare et va jusqu’à Anani, sur l’autoroute reliant Abidjan à la ville de Grand-Bassam, dans le Sud-Est du pays. Pensé par le gouvernement ivoirien à l’image de la célèbre Promenade des Anglais à Nice en France, le projet, qui a été financé par l’Etat ivoirien à coup de milliards, tombe peu à peu dans l’oubli. En témoigne l’état de l’espace vert qui prend l’allure d’une jungle, faute d’entretien. Le samedi 29 novembre 2025, nous y avons fait un tour pour nous imprégner de l’état de délabrement de cette promenade dont beaucoup attendaient impatiemment la fin.
La première image qui saute aux yeux, quand on descend à l’arrêt dit Casier, ce sont ces hautes herbes touffues qui longent la voie et barrent la vue de la mer. Vous croiriez peut-être avoir affaire à une forêt dense, oh que non ! Ces herbes géantes et touffues que vous verrez, étaient au départ, de toutes petites plantes innocentes aux allures de fleurs qui ont été plantées pour embellir le décor. Mais, faute d’entretien, aujourd’hui, elles sont devenues effrayantes.
« Au début, il y avait des jardiniers qui s’occupaient de l’entretien des lieux… »
Lorsqu’enfin vous osez pénétrer à l’intérieur, vous avez l’impression d’être dans un monde à part. Impossible de voir ce qu’il se passe dehors ; seuls les bruits des véhicules vous rappellent la présence de l’autoroute. On y croise des joggeurs, des promeneurs, des jeunes venus se baigner et même des amoureux sans gêne. Pire : ici, mieux vaut avoir les narines bouchées pour ne rien sentir, car il est quasi impossible de dissocier l’air frais de la brise des vagues, de l’odeur des nombreuses défécations mêlée à celle des urines.
Lancement des travaux de La Promenade de Port Bouet en 2017.
Un riverain du quartier Gonzague affirme : " Au début, il y avait des jardiniers, des ouvriers et même la présence de certaines forces de l’ordre qui empêchaient les gens d’y uriner et d’y jeter les sachets. Mais aujourd’hui, tout est sale, aucun employé, c’est la brousse". Ses propos sont corroborés par la présence de tas d’ordures déversés tout le long de la plage, du « Casier » jusqu’à l’arrêt dit « Terre rouge » où nous avons mené nos observations. Ces ordures proviennent principalement des commerçantes installées en bordure de l’autoroute, mais aussi des promeneurs qui jettent les sachets d’eau un peu partout.
« Le manque d’entretien et d’éducation civique ont tué le projet »
"Honnêtement, c’était très beau. J’y faisais du vélo les week-ends, les jeunes y jouaient toute sorte de jeux comme le football, le roller… Mais, le manque d’entretien et d’éducation civique ont tué le projet" s’indigne Ismaël qui vit non loin de là.
Un peu plus loin l’on remarque ce qui semble être des aires de détente perdues au milieu des hautes plantes. Des sachets d’eau, des bouteilles d’eau usées et des déchets d’autres genres traînent çà et là dans le gazon et les plantes. Les lampadaires ainsi que d’autres installations sont touchés par la rouille. Ne parlons surtout pas des bâtiments en dégradation, souvent occupés de manière sauvage. En lieu et place des hôtels, restaurants, café et autres loisirs prévus dans le projet, on retrouve seulement quelques commerçantes d’eau, de sucreries et d’autres boissons frelatées prisées par certains jeunes.
Agressions et vandalisme
Ce lieu, dans l’état actuel, attire des bandits et des consommateurs de stupéfiants qui en ont fait un fumoir, selon des témoignages de jeunes venus en balade. Cela favorise couramment des agressions comme en a été victime Franck H. qui dit avoir été agressé devant la clôture qui longe la voie. De plus, des actes de vandalisme sont visibles à travers les fils d’électricité coupés et emportés ; aucun câble électrique n’a été épargné. « Comme toujours l’Afrique innove, les idées sont là mais aucune éducation de suivi et de bonne gestion », s’insurge M. Kpli Gérard, enseignant à la retraite. Pour certaines personnes comme Koffi, il faut donner la gestion de l’espace à une entreprise privée qui pourra trouver les moyens pour son entretien.
Silence à l’Ageroute
Un contact au ministère du Tourisme révèle que le projet est actuellement aux mains du ministère de l’Equipement et de l’Entretien routier, qui est chargé de terminer l’aménagement avant de le céder au ministère du Tourisme pour l’exploitation. Mais à ce jour il ne leur a pas encore été cédé. C’est pareil pour la baie de Cocody dont l’exploitation doit revenir au ministère du Tourisme après les travaux, toujours selon notre source. En effet, une livraison partielle de ce projet était prévue pour fin 2020 mais jusqu’ici il n’y a que le 5e pont qui est achevé.
Nous nous sommes alors tournés vers le ministère de l’Équipement et de l’Entretien routier qui nous a renvoyés vers l’Agence de gestion des routes (Ageroute). Mais toutes nos tentatives pour avoir des réponses sont restées sans suite. C’est le lieu d’interpeller le gouvernement sur l’importance du suivi des projets à impacts économiques et environnementaux, comme ceux-ci.
Marie-Claude N’da






