La grande faucheuse a encore frappé dans le monde des médias en Côte d’Ivoire. Tony Adiatou, ancien directeur des programmes de Radio Côte d’Ivoire, co-fondateur de la chaîne Fréquence 2, chef de production, enseignant dans les écoles de communication a définitivement arrêté son micro. L’éminent homme de radio, qui a souffert d’une longue maladie, s'est éteint le 13 septembre 2025 aux Etats-Unis, à l’âge de 75 ans. Il a bénéficié, dans un émouvant élan de compassion, d'un hommage retentissant de la part du cercle des médias. Le choc de sa disparition a été quelque peu amorti par le soutien de la communauté musulmane.
La longue carrière de Tony Adiatou a l’avantage d’être connue et célébrée par d’innombrables auditeurs de Radio Côte d’Ivoire, les enseignants et les étudiants de l’Institut Polytechnique des Sciences et Techniques de la Communication (ISTC) et une flopée de stations de radio de proximité dont il était le précieux conseiller ou formateur (voir le témoignage de Radio Al Bayane). La cérémonie de levée de corps, tout comme la prière du 7e jour, tenue le dimanche 19 octobre, ont été des occasions pour faire revivre intensément Tony, le passionné de radio.
El Hadj Cissé Djiguiba
Devant le parterre de responsables des médias, le ministre Danho Claude Paulin, des représentants d’institutions dont la Chambre de Commerce et d’Industrie de Côte d’Ivoire, El Hadj Cissé Djiguiba, Imam principal de la mosquée du Plateau, a rappelé les hautes qualités unanimement reconnues chez le journaliste Tony Adiatou. Il a soutenu que ce croyant s’est bien approvisionné en vertus essentielles pour l’humanité, c'est-à-dire, la piété et la bonté qui forment le viatique pour obtenir la miséricorde de Dieu et accéder à son paradis.
En guise de témoignage, l’Imam dit avoir rencontré le brillant animateur en 1987. Avec feu Kaba Taifour, ils ont animé l’émission islamique de la Radio nationale. Il retient, de cette relation, la fidélité en amitié démontrée par Tony Adiatou et son volontarisme pour la formation dont le groupe Al Bayane a profité.
Une référence morale
Les valeurs morales et professionnelles de Tony Adiatou continuent de marquer l’ensemble de ses confrères. Ahmed Touré, ancien directeur des Programmes de Radio Côte d’Ivoire lance : « Quand un grand producteur s’en va, il part avec son émission. On ne peut pas remplacer un producteur car il a tout fait avec le cœur ». « Très sérieux », poursuit son ex-patron qui précise : « Il prenait absolument son boulot au sérieux. Je justifie cela par le fait qu’il s’attachait aux détails. Par exemple, dans une émission de musique, il emmène son auditeur à connaître l’environnement de la création du morceau sélectionné. Ahmed Touré a observé Tony hors antenne. « Jamais vous ne le verrez papoter dans la cour, critiquer ou encore plaisanter avec les filles aux abords de la radio. En somme, l’homme respectait sa famille ».
Un musicien caché
Jean-Claude Bayala, celui qui a partagé le parcours de la formation au Studio Ecole de la RTI avec Tony Adiatou, Nicolas Sagou, Paul Alfred Kadio, Louis Adjé et Kacou Francois, rappelle des tranches de vie palpitantes. « Parmi nous, première promotion de cette école, témoigne-il, Tony Adiatou a été le premier à monter à l’antenne. Nous étions fiers pour lui et avions pris du plaisir à être parfois ses invités. Revenu plus tard de sa formation à l’Institut national de l’Audiovisuel de Paris (INA) comme chef de production, Tony Adiatou a formé, avec Pol Dokoui, le duo concepteur de Fréquence 2, la nouvelle chaîne de Radio Côte d’Ivoire.
Au-delà de cette expérience professionnelle, J.C. Bayala présente son confrère, très doué, comme un homme de service et un volontaire pour les causes sociales. On le retrouve en effet comme animateur de premier plan dans des associations. Il est Secrétaire général de la Mutuelle des agents de la radio et membre actif de l’association des journalistes de Yopougon. Au Cénacle des Journalistes Séniors de Côte d’Ivoire, il était Commissaire aux comptes, d’une incontestable utilité.
Bayala termine en dévoilant Tony, le bassiste de l’orchestre Les princes d’Adjamé dans les années 70. Rien d’étonnant sur ses connaissances en musicologie.
Eugène Kacou
Lorsque Eugène Kacou, figure emblématique, journaliste de radio et de télévision parle de Tony Adiatou, c’est pour le présenter sous un angle affectif. « Je le pleure comme un petit frère. Nous sommes tous d’Adjamé et il me rappelle la vie formidable dans ce quartier avec des amis comme Soumanou Tègbè qui est devenu le Directeur général de l’Enseignement technique ou Rachidi Naga. Il est mon jeune frère car il a fréquenté l’école St Michel avec mon cadet, le Professeur de médecine, Henri Dié-Kacou et Emmanuel Koffi, un homme de radio également. Quand Tony est arrivé à la radio, j’étais tout naturellement porté à l’encadrer. Il était plein d’humilité et méticuleux dans ses tâches. Lorsqu’il a créé la chaîne Fréquence 2, il n’hésitait pas à me demander des renseignements. Mais il en savait déjà beaucoup et surtout apprenait très vite. Il est logiquement devenu directeur des Programmes ».
Correspondance particulière de Clovis Séwa