Depuis une quinzaine d’années, j’observe une tendance singulière chez nombre de dirigeants africains : lorsqu’ils s’adressent à leurs interlocuteurs occidentaux – qu’il s’agisse de journalistes, de responsables politiques ou de chefs d’État – ils adoptent très rapidement une posture de familiarité. Le tutoiement, l’usage du prénom, voire des expressions de camaraderie deviennent la norme, comme si cette proximité affichée était gage de modernité, de singularité ou d’efficacité relationnelle.
Pourtant, une telle pratique me gêne profondément, car elle n’est pas neutre. Elle n’est ni partagée, ni réciproque. Il suffit d’observer les journalistes européens interrogeant leurs propres chefs d’État : jamais ils ne se permettent de les appeler par leur prénom. Dans leurs relations diplomatiques, les représentants occidentaux maintiennent une distance codifiée, un ton de respect institutionnel, et ce même lorsqu’ils sont face à des homologues qu’ils connaissent depuis des décennies.
1. Les conséquences de la familiarité immédiate
Cette tendance africaine à réduire la distance a plusieurs effets indésirables :
Un déficit de crédibilité institutionnelle : la fonction présidentielle ou ministérielle perd de sa solennité quand elle est mise au même plan qu’une relation personnelle.
Une asymétrie relationnelle : alors que l’interlocuteur occidental garde la distance professionnelle, le dirigeant africain, lui, franchit la barrière, donnant l’image d’un déséquilibre implicite.
Un brouillage des rôles : en confondant relation personnelle et fonction officielle, on brouille la lisibilité du discours politique. La perception peut être celle d’un homme qui cherche l’amitié plutôt que celle d’un responsable défendant les intérêts de son peuple.
2. La nécessité d’une éthique relationnelle
Nos dirigeants doivent comprendre que les relations internationales sont un espace où la représentation institutionnelle prime. Derrière chaque mot, chaque geste, chaque nuance de langage, c’est tout un pays qui est engagé. Or, dans ce cadre, la distance respectueuse n’est pas froideur, mais garantie de professionnalisme. Elle évite que le message soit brouillé par des signaux affectifs ou des rapprochements mal interprétés.
Loin d’être un détail, la manière dont on s’adresse à l’autre traduit un rapport de forces. Garder la distance, c’est affirmer la dignité de la fonction, c’est dire que l’on représente quelque chose de plus grand que soi.
3. Une leçon à tirer des pratiques occidentales
Ce que font les représentants occidentaux n’est pas anodin. Ils peuvent être amis dans la coulisse, mais devant la presse, dans l’espace public, c’est toujours le protocole qui s’impose. Cette rigueur n’est pas artificielle : elle protège les institutions, elle rappelle aux citoyens que leurs dirigeants ne sont pas des individus ordinaires, mais les porteurs d’une responsabilité collective.
Par Magaye GAYE
Économiste international
ancien cadre de la banque ouest africaine de développement
GENERATED_OK
-
Consultez notre charte des commentaires
COMMENTAIRES
publicitéPLUS D'ARTICLES
-
Côte d'Ivoire. Citoyenneté et origine : Notre vraie carte d’identité
-
Côte d’Ivoire. « CREA-PAIX est notre manière de dire : nous choisissons la paix, et nous la construisons ensemble » (Euphrasie Kouassi Yao)
-
Le sort incertain des migrants ouest-africains expulsés des États-Unis vers le Ghana
-
Côte d’Ivoire- Législatives : Pas de meetings et manifestations publiques hors « du cadre du processus électoral »
-
Côte d’Ivoire. 11 morts pendant l’élection présidentielle : Ouattara demande d’«accélérer les poursuites judiciaires »
-
"Il savait à propos des filles" : pourquoi l'affaire Epstein embarrasse encore Donald Trump
-
Le plus long “shutdown” de l’histoire est terminé: Trump signe le budget provisoire
-
Côte d’Ivoire. Quatre centrales solaires locales pour accélérer l’électrification
-
L’Enquête du jeudi – Sape et maquillages : ces étudiant-es qui se concentrent plus sur l’apparence que sur les études
-
Côte d’Ivoire. Alassane Ouattara : un nouveau mandat pour mieux répondre aux attentes des populations
-
Côte d’Ivoire-Législatives : La Commission électorale ferme ses portes à 20 h
-
Détournements, blanchiment, luxe : tout ce qu’il faut retenir du procès du clan Bongo
-
Côte d’Ivoire. Bail : les frais à la charge du locataire
-
Côte d’Ivoire.L’Université polytechnique de Man célèbre la 9e édition de ses journées de l'excellence
-
Mali: un patron de bar libanais tué par un mercenaire russe
-
Auguste Miremont à Alassane Ouattara : Clore le chapitre de la RECONCILIATION, pour une grande Nation Ivoire
-
Côte d’Ivoire . Législatives : guerres des candidatures dans le camp présidentiel
-
Côte d'Ivoire. La baie polluée du Banco transformée en attraction touristique et marché moderne (Reportage)
-
Salim Eugène est parti...
-
Kibarou . Une nouvelle conférence sur le climat pour quels résultats ?
-
La Guinée lance la première édition de sa biennale culturelle
-
Côte d’Ivoire. Le parti de Laurent Gbagbo boycotte les législatives
-
Côte d’Ivoire. Damana Pickas sous mandat de dépôt pour « actes terroristes, assassinat, atteinte aux opérations électorales…»
-
Côte d’Ivoire. Le voleur des égouts d’Abidjan pêché par la Police
-
Côte d’Ivoire. Ce que nous attendons du Président Ouattara (Abidjan)
-
Prestation de serment – Paul Biya: « L’ordre règnera, le Cameroun continuera d’avancer »
-
Côte d’Ivoire. Ce que nous attendons du Président Ouattara (Alépé)
-
Etats-Unis : les projets du nouveau Maire de New York Zohran Mamdani seront pavés d’obstacles
-
Côte d’Ivoire.Bongouanou : Six blessés dont un bébé dans une violente collision sur l’axe Kotobi
-
SOS Prisonniers Gabon exige une enquête sur la visite controversée de magistrats chez la famille Bongo
-






