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Economie

L’enquête du jeudi. Côte d’Ivoire . À Anyama , capitale mondiale, la cola prend un goût de plus en plus amer

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« La cité de la cola », « la capitale de la cola ». Tels sont des attributs de la commune d’Anyama située au nord du district d’Abidjan, du fait du commerce de la cola qui s’y est développé depuis de nombreuses années. Elle demeure encore le centre névralgique de ce commerce. Mais les acteurs font face aujourd’hui à de nombreuses difficultés liées notamment à la variation des prix, aux gâchis du produit du fait des mauvaises conditions de conservation. Tout cela a pour effet d’orienter les producteurs vers la pratique d’autres cultures plus rentables.

Avec une production de 260 000 tonnes en 2016, dont 200 000 tonnes destinées à l’exportation, selon une publication du portail gouvernemental du 28 mars 2019, la Côte d’Ivoire s’est imposée comme premier producteur et exportateur mondial de la cola. La commune d’Anyama a toujours été considérée comme la « Cité de la cola ». Les nombreux magasins de vente, d’achat et de stockage de la noix de cola que nous retrouvons dans la ville en sont le témoignage palpant.

En effet, des magasins sont situés de part et d’autre de la principale voie qui traverse la ville, à partir du carrefour Cissé, situé à environ 200 mètres de la gare routière. Il s’agit de grands bâtiments pour certains composés de plusieurs magasins. Des sacs et des paniers de noix de cola y sont entreposés. Lors de notre passage dans ces magasins le 30 juin 2025, nous avons vu plusieurs personnes à la tâche. Pendant que certains trient les noix pour en retirer les mauvaises, d’autres préparent les emballages. Les noix sont emballées dans des feuilles du Thaumatococcus danielli appelées feuille d’Attiéké avant de les mettre dans des paniers ou des sacs, en vue de conserver l’humidité dont les noix ont besoin. Il y a également de grands hangars sous lesquels plusieurs commerçants entreposent leurs marchandises.

La cola exportée vers différents pays

Ces vendeurs de cola travaillent avec des personnes appelées pisteurs, qui vont acheter les noix de cola aux producteurs, dans les différentes zones de production. Ces derniers parcourent plusieurs localités du pays notamment le sud, le sud-est, le sud-ouest et l’ouest à la recherche des noix de cola. « Nous achetons la cola en provenance de Sikensi Soubré, San Pedro, Man », explique un commerçant que nous avons trouvé devant son magasin, en compagnie de bien d’autres.

Ces produits sont acheminés dans les magasins d’Anyama où ils sont traités, conditionnés, mis dans des camions pour être exportés vers différents pays. « Nous les exportons vers le Mali, le Burkina Faso, le Niger, le Nigeria », confie-t-il. Des commerçants viennent aussi de ces différents pays, pour acheter de grandes quantités de noix de cola. Ainsi, il n’est pas rare de voir tout au long de la voie, aux abords des magasins des camions remorques stationnés, attendant d’être chargés de sacs de cola. Une grande partie du produit est exportée vers le Nigeria où elles subissent une première transformation avant d’être acheminée vers l’Europe et surtout des Etats-Unis d’Amérique où, la cola rentre dans la fabrication de plusieurs produits de consommation, notamment les boissons. Plusieurs familles vivent ainsi de ce commerce à Anyama.

Variation des prix

« Actuellement, il n’y a pas de cola », confie Koné Siaka président du Conseil de gestion de la société coopérative de commercialisation d’Anyama. Le colatier produit à des saisons bien précises. Ce qui fait que la noix n’est pas disponible en grande quantité toute l’année. Ainsi, le prix du kilogramme de noix de cola varie en fonction de sa disponibilité. Deux autres exportateurs confirment les dires de Siaka. De plus, ils nous apprennent que« la cola n’a pas un seul prix. C’est souvent bas, c’est quelquefois élevé. Ça dépend aussi de la qualité du cola ». A certains endroits on peut l’avoir à 500 FCFA le kilogramme (kg). En d’autres lieux, le kg peut coûter 400 FCFA ou même 350 FCFA.

Cette variation du prix constitue une difficulté pour les commerçants. « La cola n’a pas de prix fixe. Tu peux acheter le panier à 20 000 et le revendre plus tard à 40 000 FCFA. Il peut arriver, en cas de chute du prix, de vendre ce panier à 10 000 FCFA. C’est une grosse perte qu’on fait dans ce cas », regrette un jeune commerçant. Il précise que c’est très souvent le cas. Dans ce commerce, c'est le producteur qui fixe les prix.Des commerçants que nous avons rencontrés souhaitent que les pouvoirs publics interviennent en vue de stabiliser le prix du kg de noix de cola.

De nombreux gâchis

En plus de cette variation de prix, les commerçants font également face à de nombreux gâchis. La cola peut se détériorer dans des conditions où la chaleur est dominante. Ce qui est une lourde perte pour le commerçant. « Nous sommes habitués au travail de la cola, sinon c’est un travail de fou. Souvent le produit s’abîme. Et tu n’y peux rien », explique l’un d’entre eux. « Tu peux acheter la cola aujourd’hui. Et le lendemain ça peut se gâter », ajoute un autre. Malgré ces difficultés, deux sexagénaires parmi eux, que nous avons trouvés sous un hangar non loin de leur magasin, entendent poursuivre leurs activités. « On est né dedans, on va mourir dedans », ont-ils soutenu avec ferme conviction.

La conservation des noix de cola suit toujours la même technique. Et ce, depuis des lustres sans amélioration notable. On les emballe dans des feuilles d’Attiéké de sorte à garder l’humidité avant de les mettre dans des paniers ou des sacs. Et les sacs et paniers de colas sont ainsi entreposés à même le sol dans les magasins et sous des hangars. Est-ce que les gâchis sont liés à ces conditions d’emballage et d’entreposages ? Un autre commerçant que nous décidons d’appeler Hamed, que rencontré devant ses sacs de colas entreposés sous un hangar, soutien qu’il n’y a pas d’explication spécifique aux gâchis des noix de cola.

En effet, à l’en croire, la cola a besoin d’eau pour garder sa fraicheur. Cette même eau peut également être la cause de la détérioration des noix. Il y a des types de cola qui résistent à la chaleur, contrairement à d’autres. Mais les commerçants ne peuvent pas le savoir à l’avance, de sorte qu’ils sont souvent devant le fait accompli.

Les plantations se font rares

« Vous voyez ces sacs de cola. Apparemment, leur contenu est encore bon. Mais ça peut pourrir avant que ça n’arrive à destination. Alors qu’on pense l’avoir bien conservé », explique le commerçant. Il montre par la suite un tas de noix de cola dont la qualité s’est fortement dégradée au bout de six mois de conservation, et qui est en train d’être trié pour en retirer les noix abîmées. « Si c’était 20 sacs, après avoir trié, ce sont peut-être 13 sacs qu’on aura finalement. C’est une grosse perte, vu que le prix va également baisser du fait de la dégradation de la qualité », regrette Hamed. « Le travail de cola est très risqué. Je ne conseille même pas à mon ennemi de s’investir dans cette activité », averti-t-il.

Les plantations se font également rares. Car, affirme-t-il, les champs ne produisent pas toujours comme on le souhaite. « Personne ne se donne entièrement à l’exploitation d’une plantation de cola. C’est un travail qui est très difficile. Vous constaterez qu’un planteur qui possède 10 hectares de cacaoyer, n’a peut-être qu’un seul hectare de colatier ». Ce qui entraîne souvent la pénurie du produit sur le marché.

« On a commencé à s’organiser »

Pourquoi cette volatilité des prix ? Pourquoi les pouvoirs publics n’interviennent-ils pas dans la fixation des prix comme cela est le cas pour les filières café-cacao, coton et anacarde ? Des projets sont-ils en vue afin de mieux organiser la filière ? A ces questions, le président de la société coopérative de commercialisation de cola d’Anyama que nous avons pu joindre par téléphone, a répondu ceci : « On a commencé à s’organiser. La semaine passée nous avons élu notre président. C’est le président de tous les producteurs et des commerçants de cola ».

En effet, l’Inter cola cette faîtière qui regroupe les producteurs, les commerçants et les transformateurs de la noix de cola en Côte d’Ivoire, a tenu son assemblée générale le 27 juin 2025 au siège du Fonds interprofessionnel pour la Recherche et le Conseil agricole (FIRCA). A l’issue de cette assemblée, Kambo Yapo Sylvestre a été désigné président du Conseil d’Administration (PCA) de l’Intercola. Il a décidé de s’attaquer aux nombreux problèmes qui minent la filière cola en Côte d’Ivoire, notamment, la dégradation des vergers liée à la vétusté des plants, des débouchés commerciaux restreints.

« Les producteurs, confrontés à des récoltes difficiles à écouler, abattent leurs pieds de colatier pour se tourner vers des cultures plus rentables comme le cacao », a regretté Kambo Sylvestre, selon une publication du quotidien Fraternité Matin du 1er juillet 2025. Il entend donc mener des actions en vue d’une meilleure organisation des circuits de commercialisation de la cola, afin d’assurer aux planteurs un revenu décent. Il veut également rajeunir les plants de colatier à travers la replantation. Il a aussi trouvé nécessaire de transformer les produits localement, pour renforcer l’autonomie économique du secteur.

Nous avons tenté en vain de rencontrer des responsables de l’Inter cola avant la publication de notre enquête, afin d’en savoir plus sur la filière cola.

Diomandé Karamoko


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