Jusqu’où ira le président Donald Trump dans la révolution de la diplomatie américaine ? Fini le langage châtié de politesse et de bienséance du genre. Vive le franc-parler à la hussarde, à la limite de la réprimande, de la condescendance, avec de l’ignorance feinte ou réelle, devant des hôtes vassalisés.
Le bulldozer de la Maison Blanche, après ses engueulades du président ukrainien, ses réprimandes contre celui d’Afrique du Sud, en a remis une couche lors du mini-sommet avec 5 présidents africains. Les présidents du Sénégal, de la Mauritanie, de la Guinée Bissau, du Gabon et du Liberia invités à une réunion sur le commerce, l’investissement et la sécurité, le mercredi 9 juillet dernier, ont été réduits à jouer les agents commerciaux, vantant les potentialités de leurs pays devant Trump. Ce dernier aurait même commis l’impair de demander à ses hôtes de se présenter, poussant son ignorance simulée ou effective jusqu’à demander au président libérien, Joseph Boakaï, où est-ce qu’il avait appris l’anglais.
Il ne finira jamais, Trump, de nous tromper avec ses sorties de piste contrôlées du diplomatiquement correct. Il ne nous fera pas croire que le premier venu de stagiaire à la Maison Blanche ignore tout du Liberia, jusqu’à sa langue officielle. Encore moins un président américain qui en est à son 2e mandat et qui, sur la cinquantaine d’Etats que compte l’Afrique, en a trié 5 sur le volet pour une réunion sur la coopération sans savoir qui sont leurs présidents et quelles langues ils parlent. Ces coups de com de Donald Trump ne trompent plus. En effet, il a beau n’avoir pas choisi lui-même ses invités du jour, ses collaborateurs qui ont fait le casting savent qui devait participer à ce mini-sommet et pourquoi. Par ailleurs, ils ont dû faire un briefing à qui de droit.
La preuve que le président américain connaît bien les participants à ces concertations de 24 heures, c’est lui qui l’administre en expliquant aux médias que ces présidents viennent ‘’d’endroits dynamiques avec des terres de très grandes valeurs de supers minerais, de grandes réserves de pétrole et des gens merveilleux’’. L’Afrique « des gens merveilleux, des terres rares » nous change « des pays de merde » que le même Trump avait lâché lors de son premier mandat présidentiel. Il y a donc comme du progrès dans la perception de Donald Trump sur le continent. Sa nouvelle conception des relations internationales basée prioritairement sur le mercantilisme, c’est-à-dire des transactions commerciales dans un esprit de grand profit pour l’Etat, explique ce regain d’intérêt de l’administration Trump pour l’Afrique.
La réunion de mercredi dernier avec les 5 présidents africains vise à contrer l’influence commerciale et diplomatique de plus en plus grande de la Chine et de la Russie dans la région subsaharienne. De la Mauritanie au Gabon, en passant par le Sénégal, la Guinée Bissau et le Liberia, c’est le contrôle de la moitié septentrionale du golfe de Guinée, ses riches continentales et océaniques qui est un point de mire pour les stratèges de l’administration Trump. Alors ils y vont franchement comme ils le font déjà en RDC, quitte à ce que la méthode rugueuse de l’occupant du Bureau ovale transforme des présidents hôtes en vulgaires agents commerciaux des richesses de leurs pays. Où sont passés leurs ministres, leurs experts, les dirigeants d’entreprises, qui, chiffres à l’appui auraient pu expliquer à leurs homologues américains que le Sénégal, le Gabon, la Mauritanie, etc. , sont des pays à grands potentiels économiques, mieux que ne l’ont fait Bassirou Faye, Brice Nguema ou Mohamed Ould Ghazouani ?
N’allez pas dire à Trump qu’ils sont premiers magistrats dans leurs pays, pas des agents commerciaux qui, au cours d’un déjeuner, doivent présenter les atouts économiques de leurs pays pour appâter un grand acheteur. Diplomatie anticonformiste de théatre, quand tu nous Trump !
Zéphirin Kpoda
