« Quand tu lances des cailloux sur la case du voisin, assure-toi que la tienne n’est pas en paille. »
Depuis des mois, ils se prennent pour des oracles de la souveraineté, des soldats de la dignité nationale, des justiciers numériques en service commandé. Ils insultent les chefs d’État étrangers, crachent sur leurs peuples, rient de leurs institutions. Côte d’Ivoire, France, Sénégal, CEDEAO… rien ne trouve grâce à leurs yeux. Et voici que le vent tourne.
Mamadou Awa Gassama, membre du Conseil national de transition du Mali, ancien député, figure zélée du verbe sale et des propos incendiaires, a été interpellé et placé sous mandat de dépôt en Côte d’Ivoire. Il s’y était rendu, dit-on, pour une cérémonie de funérailles. Il en sortira peut-être avec des bracelets aux poignets. Car dans ce pays qu’il a tant outragé, les mots ont un prix. Et le prix du mépris, c’est parfois une cellule.
L’homme est accusé d’outrage, incitation à la haine, appel à la déstabilisation des institutions. Ce n’est pas un blogueur anonyme ou un petit provocateur de réseaux. C’est un membre officiel d’un organe de la transition malienne, donc en quelque sorte, une voix du régime. Celui-là même qui réclamait qu’on chasse Ouattara du pouvoir, qui appelait à des coups d’État contre des chefs d’État élus, qui a ravalé la diplomatie à un concours d’invectives. Aujourd’hui, c’est lui qui « va lire l’heure », comme on dit chez les ivoiriens. Et l’aiguille sera longue.
À Abidjan, les souvenirs sont encore frais. Les 49 militaires ivoiriens retenus au Mali pendant des mois en 2022 n’ont toujours pas été digérés. Humiliés, instrumentalisés, exhibés à la télévision comme du gibier de souveraineté malienne. Alors non, cette arrestation ne vient pas de nulle part. Elle n’est ni une surprise, ni une dérive. Elle est une réponse. Un rappel que la dignité est une monnaie à double face.
Et pourtant, voilà que les soutiens de Gassama montent au créneau. Ils hurlent à la persécution, crient à l’atteinte à la liberté d’expression. Eux qui, chaque jour, applaudissent l’arrestation de journalistes au Mali. Eux qui ont vu Issa Kaou Djim condamné à un an de prison pour avoir simplement mis en doute un coup d’État fictif au Burkina, qui applaudissait la fermeture de Djoliba Tv pour les mêmes motifs. Eux qui rient quand un opposant malien est muselé, mais qui pleurent quand l’un des leurs est rattrapé par ses propres vomissures.
« Quand tu ouvres ta bouche comme une rivière en crue, attends-toi à te noyer dans tes propres eaux. »
Ce n’est pas seulement l’affaire d’un homme. C’est le miroir tendu à une hypocrisie collective. Ces donneurs de leçons aiment la Russie, mais vivent en France. Ils chantent l’AES au micro, mais passent leurs vacances à Dakar ou à Abidjan. Ils crient que la CEDEAO est l’ennemie, mais supplient pour que leurs enfants y étudient. Ils prétendent défendre l’Afrique libre, mais mendient des visas pour les pays qu’ils vilipendent.
Et ils osent nous traiter, nous autres Maliens critiques, de traîtres et d’apatrides. Parce que nous dénonçons l’inefficacité, l’arrogance, l’enfumage des autorités maliennes. Parce que nous refusons d’applaudir le désastre. Selon eux, critiquer leur incompétent de président de transition, c’est haïr le Mali. Mais insulter Ouattara, Diomaye ou Emballo, c’est du patriotisme. Quelle logique bancale ! Quelle duplicité éhontée !
« Le tambour qui fait danser les autres finit toujours par éclater dans les mains du joueur. »
L’affaire Gassama, au fond, pose une question simple : est-ce que l’impunité verbale est un droit réservé à ceux qui crient le plus fort ? Est-ce que la liberté d’insulter est la seule liberté qu’ils veulent défendre ? Est-ce que le respect des institutions est à sens unique ?
Qu’il réponde. Qu’il prouve ses accusations. Ou qu’il accepte les conséquences. Car on ne peut pas allumer des incendies à distance, puis venir pleurnicher quand on se brûle les pieds.
Quant à ses camarades, qu’ils prennent note. Le monde a changé. Les propos haineux ont une mémoire. Et les frontières n’effacent plus les écrans. À défaut d’humilité, qu’ils apprennent le silence. Car celui qui insulte tout le monde finit toujours par tomber sur quelqu’un qui sait mordre."
Malick Konaté , Journaliste