À Plaine-Orety, quartier du premier arrondissement de la capitale gabonaise, c’est le désarroi total depuis le 2 juin dernier. Visiblement, après des rappels et sommations sans effets, les autorités gabonaises ont entrepris manu militari des déguerpissements et des démolitions dans ce coin de Libreville. Une opération perçue pour beaucoup comme un drame social, voire une «déshumanisation». Face à la grogne et à la colère, à l’incompréhension, le gouvernement, par l’entremise de son Porte-parole, Laurence Ndong, a simplement déploré le préjudice.
Le projet de construction du boulevard de la Transition, de la cité administrative et du bassin versant Sainte-Marie-Awondault, participant, selon le gouvernement, «du vaste programme de modernisation de notre capitale, qui va s’étendre à d’autres zones du Grand Libreville», est au cœur d’une grande polémique, à Libreville. De nombreuses familles sont désormais à la belle étoile et ne savent à quel saint se vouer après le passage des engins du Génie militaire. Le ton monte, la grogne sociale s’amplifie, le désarroi à son comble. Pour apaiser les tensions, le Porte-parole du gouvernement, Laurence Ndong, par ailleurs ministre de la Mer, de la Pêche et de l’Économie bleue, a invoqué, le 5 juin, une «situation qui est malheureusement la conséquence du lourd héritage de notre passé commun».
Depuis le 2 juin 2025 de semaine, des engins de démolition du Génie militaire, encadrés par les forces de défense et de sécurité, sont à l’œuvre à Plaine-Orety. Sur les parcelles situées dans l’emprise du futur boulevard de la Transition et de la cité administrative, ils démolissent tous les édifices. Au regard du tollé provoqué, le Porte-parole du gouvernement rappelle que «cette opération a pour ambition d’améliorer les conditions de vie des populations, de réduire de manière significative les embouteillages, les inondations et de lutter contre le mal-logement». «Elle permettra de corriger plus précisément les errements du passé en matière d’urbanisation», a-t-elle fait savoir.
«Administrations (…) très attentives au respect des droits en vigueur en la matière»
Estimant qu’il s’agit d’une «noble ambition» ayant contraint le gouvernement à initier une telle opération de déguerpissement, qui devrait également se faire sur d’autres sites, le gouvernement reconnaît qu’elle a suscité «des réactions diverses dans l’opinion». Sauf que pour l’Exécutif, «cette situation est, malheureusement, la conséquence du lourd héritage de notre passé commun, que nous devons porter ensemble pour construire le Gabon meilleur dont nous rêvons tous pour nous-mêmes, pour nos enfants et pour les générations futures».
Des habitations et commerces ont donc été détruits. Toutes choses provoquant la colère et l’incompréhension chez les habitants de ces zones et même au sein de la population gabonaise entière. Ce qui fait dire à Laurence Ndong que «les administrations en charge de ces projets déplorent le préjudice causé aux populations et restent très attentives au respect des droits en vigueur en la matière». Sans plus !
S’il est vrai que ce projet a été dévoilé de longue date, certains habitants affirment ne pas avoir été prévenus à temps ou n’avoir reçu aucune indemnisation. Or, les autorités, de leur côté, assurent que des campagnes de sensibilisation et des indemnisations ont eu lieu depuis plusieurs années. Le ministre des Travaux publics, Edgard Moukoumbi, a d’ailleurs largement insisté sur le fait que le projet est légalement encadré, que le titre foncier appartient à l’État, et que la plupart des habitants concernés ont été indemnisés.
«Cette façon de faire est très loin de ce que nous espérions dans la Cinquième République. On croyait aller de l’avant. Mais, pas qu’on se lève un matin pour nous mettre dehors et casser nos maisons de cette façon. C’est inhumain ce que les Gabonais viennent de vivre à Plaine-Orety», a dénoncé un taximan dont le frère ainé et sa famille ont été victimes de cette opération.
Désiré-Clitandre Dzonteu