L’affaire dans laquelle Fabrice et Camille ont trempé est une affaire d’association de malfaiteurs où sont mises en évidence quatre délits… et non des moindres : détournement de fonds, abus de confiance, escroquerie et faux en documents administratifs.
Les victimes choisies étaient le chef terrien de la localité de Mondoukou, dans le département de Grand-Bassam et un homme d’affaires ivoirien résidant à Toumodi. Cette affaire qui a été éventée début 2023, a connu son dénouement judiciaire le jeudi 23 mars 2023, au Tribunal correctionnel de Grand-Bassam.
Le premier prévenu se nomme Camille Panga Léné, alias Pablo. Amputé d’une jambe, il est âgé de 48 ans. Son co-auteur, Fabrice Danhoun Dokof, est âgé de 26 ans. De nationalité étrangère tous les deux, le hasard ou les vicissitudes de la vie ont voulu qu’ils se retrouvent à Mondoukou.
Très loin de là, à Toumodi, dans la région du Bélier, Grand Centre de la Côte d’Ivoire, réside un homme d’affaires ivoirien. Cet homme discret a choisi d’investir dans l’élevage de porcs à Mondoukou. Dans le courant de l’année 2022, il se rend dans cette localité, pour tâter le terrain. Là, il rencontre le jeune Fabrice, qui y réside depuis un certain temps.
Apparemment, Fabrice sait de quoi il parle. Les premiers propos qu’il tient, et qui sont de nature à rassurer son interlocuteur du moment, indiquent qu’il y compte des relations sûres et même des accointances avec la Chefferie de Mondoukou. Il n’en fallait pas plus pour que l’homme d’affaires lui fasse confiance et le choisisse comme le gérant de sa porcherie. L'homme d'affaires s'est laissé convaincre par le délinquant, de ce qu'il gagnerait beaucoup plus en acquérant des terrains villageois. Il remet à Fabrice les fonds nécessaires pour cette opération, avant de regagner Toumodi.
En fait, Fabrice n'a pas résisté à la tentation de détourner par devers lui, les fonds destinés à l'ouverture de la porcherie. Et comme il fallait justifier l'utilisation des fonds reçus du promontoire, il a inventé cette histoire de terrains. Il associe à l’affaire, un acolyte répondant au nom de Camille.
Camille est connu à Mondoukou comme tenancier d’un bistrot très fréquenté par les noctambules. Quand Fabrice rencontre Camille, ce n’est pas pour parler d’élevage de porcs mais d’achats de terrains villageois. Le premier demande au second d'y jouer un rôle de « facilitateur ». Finalement, Camille sera plus qu’un facilitateur. Sur un document qui fait partie des pièces du dossier, son nom est mentionné comme étant celui d’un propriétaire de terrains. Il serait même un propriétaire très proche de la Chefferie de Mondoukou.
Titres de propriété inexistants
Le 23 mars 2023, à l’audience du Tribunal correctionnel de Grand-Bassam, où ont comparu Fabrice et Camille, l’homme d’affaires était représenté par son fils, comme plaignant. Selon sa version des faits, une fois en possession des titres de propriété des parcelles qui auraient été achetées par Fabrice et Camille au bénéfice de son père, il a fait le déplacement à Bassam, le 14 mars 2023, pour vérifier l’authenticité des documents en question.
Au ministère de la Construction et de l’Urbanisme où il s’est d’abord rendu, aucune trace de ces titres de propriété n’existe. Le ministère lui demanda alors d’orienter ses recherches plutôt du côté de la Chefferie de Mondoukou, dont les cachets ont été exploités. Là, le constat est clair mais amer : les documents concoctés par Fabrice et Camille sont bel et bien des faux.
A l’audience du 23 mars, le chef du village de Mondoukou, qui a été entendu par le juge, a dégagé entièrement sa responsabilité dans cette affaire. Il ne reconnaît pas avoir « pactisé » avec les deux malfaiteurs : ni dans l’établissement des documents ni dans l’attribution de quelque terrain que ce soit.
Pour le procureur de la République, les prévenus Fabrice et Camille sont des éléments dangereux dans notre société. Les actes qu’ils ont posés sont de nature à les élever au rang d’experts du faux. Si dans le cas de Fabrice, l’auteur principal, les délits d’abus de confiance, d’escroquerie, de faux et usage de faux sont bel et bien établis, pour Camille qui reconnaît qu’il est illettré, les faits ont été requalifiés en « complicité de faux et escroquerie ».
Fabrice, l’auteur principal, a été condamné à 36 mois d’emprisonnement ferme et 300 000 F d’amende. Camille s’en sort avec une peine plus légère : 3 mois d’emprisonnement et 100 000 F d’amende. Après s’être constitué partie civile, l’homme d’affaires grugé a demandé 14 millions de francs CFA comme dommages-intérêts. En dépit de l’atteinte portée à sa dignité par cette association de malfaiteurs, le Chef de Mondoukou n’a demandé aucun dédommagement moral ni financier.
Une chronique de Mory-Frey Touré.