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Politique

Savoir partir

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« Comme un vol de gerfauts hors du charnier natal, fatigués de porter leurs misères hautaines, de Palos de Moguer, routiers et capitaines partant, ivres d’un rêve héroïque et brutal. Ils allaient conquérir le fabuleux métal que Cipango mûrit dans ses mines lointaines, et les vents alizés inclinaient leurs antennes aux bords mystérieux du monde Occidental. » (Les Conquérants, José-Maria De Heredia)

Après la conférence de Berlin de 1885 qui partagea l’Afrique entre les puissances occidentales, ce fut l’hallali. Et chacun se tailla la part qu’il put sur le corps de la bête déjà agonisante après plusieurs siècles d’esclavage. Les mieux servis furent la Grande Bretagne et la France. Suivirent les Portugais, les Allemands, (qui, eux, furent dépossédés de leurs parts après leur défaite en 1918), les Espagnols et la Belgique qui n’eut qu’un seul gros morceau, mais quel morceau ! Le Congo. Dans les années soixante, sonna l’heure de la retraite. Ce fut le temps des indépendances, essentiellement dans les colonies françaises, britanniques et belges. Les autres ne le firent que beaucoup plus tard, au prix de sanglantes guerres, surtout pour les Portugais.

Aujourd’hui, plus de soixante ans après ces fameuses indépendances, on parle un peu partout d’un sentiment anti-français dans ses anciennes colonies. Pourquoi ne parle-t-on pas de sentiment anti-anglais ? On ne peut pas dire que les anciennes colonies britanniques connaissent un développement qui les différencierait de façon spectaculaire des anciennes colonies françaises. Alors, pourquoi la France est-elle de plus en plus rejetée aujourd’hui dans la partie de l’Afrique qu’elle contrôlait ? Sans doute parce que la Grande Bretagne, elle, a su partir. Et pas la France. Il y a eu beaucoup de coups d’Etats dans des anciennes colonies britanniques, surtout en Afrique de l’ouest, particulièrement au Ghana et au Nigeria. Mais à ma connaissance, la Grande Bretagne n’a jamais été accusée d’en avoir fomenté. Les France par contre a souvent été accusée d’avoir renversé des chefs d’Etat démocratiquement élus, d’avoir imposé et soutenu des dictateurs, d’avoir créé et alimenté des guerres. Jacques Foccart, le grand organisateur de tous ces coups fourrés ne s’en est pas caché dans ses mémoires. De plus, on n’a jamais entendu la Grande Bretagne donner des leçons de démocratie et de bonne gouvernance aux pays africains tout en soutenant des dictateurs pilleurs et assassins, adouber publiquement tel auteur de coup d’Etat et vilipender tout aussi publiquement tel autre. Si la Grande Bretagne s’est jamais mêlée des affaires africaines, reconnaissons-lui le talent d’avoir su le faire discrètement. A ma connaissance la Grande Bretagne n’entretient pas de bases militaires en Afrique, n’envoie pas ses troupes sauver tel ou tel dictateur confronté à une rébellion, et ne se mêle pas des questions de monnaie de ses ex-colonies. Et surtout, elle ne se croit pas obligée de chercher à régler à la place de ses ex-colonies tous leurs problèmes, de leurs nourritures à la construction des endroits où ils doivent aller déféquer. J’ai déjà raconté plusieurs fois comment la France a annoncé avoir lancé une initiative pour nourrir les pays africains, sans même leur demander leur avis, dès que la guerre a commencé en Ukraine, et comment elle a financé la construction de toilettes dans certains de nos pays.

Tout cela a fini par peser lourd. Très lourd. Et par irriter, même les plus francophiles des Africains. Il faut se rappeler que c’est un Français, Jules Ferry, qui disait : « il faut dire ouvertement qu’en effet les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures…Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures. » Plus près de nous, le général de Gaulle ne disait pas autre chose. Et cela se manifesta dans la façon de gérer les colonies. Alors que les Anglais pratiquaient ce que l’on appela l’« indirect rule » qui consistait à laisser les populations colonisées se gérer selon leurs coutumes, sous la supervision du colon, les Français eux, pratiquèrent l’administration directe. Ils mirent de côté les chefs traditionnels et installèrent leurs administrateurs venus de France qui gérèrent directement les populations. Il faut noter aussi que c’est dans les colonies françaises que l’on pratiqua l’esclavage appelé « travail forcé » jusqu’en 1946.

Je crois que le problème fondamental est que jusqu’à présent, dans l’esprit de nombreux Français, et chez bon nombre de leurs dirigeants, les Africains sont toujours de grands enfants incapables, pas encore totalement civilisés, à qui l’on doit donner la becquée en permanence, comme à des oisillons, que l’on peut admonester comme les enfants qu’ils sont. Et malheureusement, cet état d’esprit est conforté par nos propres comportements, très souvent infantiles. Oui, il y a chez nous une vraie absence de volonté de nous prendre en charge, et nous attendons toujours passivement que ce soient les autres qui règlent tous nos problèmes à notre place. Pour leur reprocher après de trop se mêler de nos affaires. Mais faut-il pour autant s’étonner qu’une nouvelle génération d’Africains ne veuille plus de ce type de relation avec la France ?

Venance Konan




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