Adam aime les moutons. Il les aime à tel point qu’il ne résiste plus à la tentation de les chaparder nuitamment, jusqu’au jour où il s’est fait prendre la main dans l’enclos. C’est ce qui est arrivé le 20 octobre 2022, quand Adam a été trahi par le bêlement inattendu de la bête qu’il tenait en main. Adam avait oublié que le mouton finit toujours par bêler.
Poursuivi et appréhendé par le propriétaire du mouton volé puis emmené au commissariat de police, Adam n’aurait pas fait de difficultés, pour reconnaître que le mouton a bel et bien été volé ce jour-là. Que s’est-il passé alors pour que le présumé coupable revienne, devant le tribunal correctionnel de Grand Bassam, sur ses propres déclarations, pourtant consignées dans le procès-verbal de police.
A la barre, Adam, se présentant comme acheteur et revendeur de moutons, soutient que le mouton a été acheté à l’abattoir de Port-Bouet, avec un certain Mohamed. Cet homme serait un vendeur de moutons avec qui il entretiendrait de très bonnes relations commerciales et dont il ne douterait pas de l’honnêteté. Il persiste pour dire que le mouton n’appartient pas au plaignant qui prétend en être le propriétaire.
Questions du procureur de la République à Adam :
- Adam, tu as avoué, pendant l’enquête préliminaire de police, être le voleur du mouton de M. Diarra. Aujourd’hui, tu reviens sur tes propres déclarations. Est-ce qu’on t’a frappé là-bas, pour que tu reconnaisses les faits qui te sont reprochés ?
- Non, M. le Procureur de la République. On ne m’a pas frappé là-bas.
- Mais alors, pourquoi tu changes de version aujourd’hui ? Qu’est ce qui n’a pas marché ? Dis-nous la vérité, toute la vérité et rien que la vérité.
Le président du Tribunal au prévenu :
- Adam, si ce que tu dis est vrai, pourquoi tu n’as pas remis le contact téléphonique de Mohamed à la police, pour qu’il vienne à ton secours et pourquoi il n’est pas là aujourd’hui, pour te conforter dans ce que tu es en:train de raconter ?
“Si le mouton était ici aujourd’hui…”
Le prévenu au président du Tribunal :
- M. le Président, j’ignore son contact téléphonique et je ne sais même pas où il habite. Et puis, c’est pas tous les jours qu’il vend moutons là-bas. J’ai acheté le mouton à 50 000 F. Je devais le revendre à 60 000 F et puis on m’a attrapé. Quand j’achète les moutons, je marque un trait rouge sur une patte. M. le Président, si le mouton était ici aujourd’hui…
Il n’en fallait pas plus pour irriter le Procureur de la République, qui arrêta tout de suite le prévenu, avant de le recadrer.
- Adam, arrête de distraire le Tribunal. Tu racontes des histoires à dormir debout. Depuis quand tu as vu un mouton venir témoigner à une audience. Si tu n’as rien à dire, tais-toi et attends que le président du Tribunal applique la décision qu’il faut, pour te condamner à la peine qu’un voleur de moutons mérite.
Comme si ces propos du représentant du Ministère public ne suffisaient pas pour sceller le sort d’Adam, un témoin à charge contre lui et qui semblait bien le connaitre, révéla qu’avant de se spécialiser dans le vol de moutons, Adam avait, il y a quelques années, réussit l’exploit de voler un bœuf noir en pleine journée. Cette révélation, à laquelle ni le Tribunal ni l’audience ne s’attendaient, a provoqué des sarcasmes et autres plaisanteries dans l’auditoire.
Tous comptes faits, la condamnation d’Adam à 12 mois d’emprisonnement, à 100 000 F d’amende, 50 000 F de dommages-intérêts et 5 ans d’interdiction de paraître dans des lieux suspects, n’a surpris personne. Encore moins le prévenu lui-même qui, interrogé par le juge après la décision du Tribunal, n’a pas eu à redire sur le jugement qui a été rendu.
Une chronique de Mory-Frey Touré