Le retour à la paix entre les Baoulé et les Malinké et toutes les autres communautés vivant à Béoumi n’est pas un fait de pur hasard. Il porte la signature du duo cantonnat - imamat. En effet, c’est la combinaison des actions menées par le chef de canton, Nana Agoh Yao Barthélémy et l’imam central de la ville Bamoh Kéita, qui a été le principal catalyseur du retour de la paix à Béoumi. Le notable Kouamé Hubert, qui n’est autre que le Secrétaire général du cantonnat Godè, représentant le chef de canton dans le comité départemental des plans de solidarité communautaires, n’est pas passé par quatre chemins pour le reconnaître. De l’avis de Kouamé Hubert, le tandem cantonnat-imamat, qui a été mis en place, est le levier principal ayant permis au processus de retour à la paix d’aller comme sur des roulettes. Selon Bamoh Keita, l’imam central de Béoumi, c’est sous la conduite de l’ancien préfet du département de Béoumi, à savoir Djédjé Mel, que cette plate-forme regroupant les responsables du canton Godè et les imams de la ville, a été mise sur pied. Pour ainsi établir une connexion entre le cantonnat et l’imamat. Sans quoi, avant la crise de 2019, explique Bamoh Keita, « il n’y avait pas de contact entre les responsables du canton et les imams ».
De l’avis du Secrétaire général du cantonnat kodêh, par ailleurs représentant du cantonnat au sein de comité départemental des plans de solidarité communautaires, l’on doit retenir que le travail de sensibilisation au retour de la paix abattu par cette plate-forme consécutivement à sa mise en place, a porté de bons fruits. « Nous vivons dans le calme et dans la paix ». Au cours de leurs missions de sensibilisation, les membres de la plate-forme, selon Kouamé Hubert, ont fait comprendre aux Baoulé que les Malinké ne sont certes pas des autochtones comme eux. Mais ils doivent vivre ensemble avec eux, Car il y a longtemps qu’ils se installés à leurs côtés à Béoumi. De même, ils ont dit aux Malinké de respecter les us et coutumes des Baoulé et leurs chefs. Ces messages ont, à l’en croire, été bien compris. Aussi, quand un allogène sent qu’il subit un tort, ou qu’il est lésé, il saisit l’imam, qui à son tour porte le problème à la connaissance du chef de canton. Et les membres de la plate-forme se retrouvent pour échanger afin de le régler. Et vice versa. Généralement, ces différends se règlent à l’amiable. En tout état de cause, indique le Secrétaire général du cantonnat kodêh, « quand il y a une velléité de conflit, elle est vite étouffée par un règlement à l’amiable, avec intervention de la plate-forme cantonnat-imamat ».
Accompagné de Siaka Touré, président du syndicat des transporteurs, par ailleurs porte-parole des Malinké, Ouoba Ousseni président des commerçants et du président des jeunes Malinké et de l’imam Bamba Djibril son adjoint, l’imam central a demandé aux musulmans et aux Malinké de cultiver la paix et de pardonner tout ce qui s’est passé. Bamoh Keita se réjouit de ce qu’en sa qualité d’imam, il ait été écouté. Surtout que chez les musulmans, quand l’imam parle, quel que soit son âge, il est écouté. « Ceux qui en avaient gros sur le cœur ont accepté de pardonner. Aujourd’hui, nous sommes en train de retrouver l’amour et l’entente qui existaient entre nous ».
A droite l'imam Bamoh Keita, imam central de Béoumi
Toutefois, il dit ne pas avoir manqué de leur dire de ne pas se laisser manipuler par les politiciens. Arguant que ce sont eux qui sont à la base des affrontements intercommunautaires survenus dans la ville. Sans quoi, pour lui, les Baoulé et les Malinké ont toujours vécu en paix. N’Guessan Kouamé Joachim, député de Beoumi Ando Kekrenou et Kohndrobo, rencontré a Afotobo son village natal, affirme avoir participé à toutes les réunions de conciliation et rendu visite à toutes les populations concernées par les affrontements intercommunautaires. De toutes ces actions de méditation, il retient la leçon selon laquelle « les politiques doivent être responsables tous les jours lorsqu’ils parlent aux gens. Avec les propos qu’ils tiennent, ils ne doivent pas créer de problème et se cacher derrière des pouvoirs. Ils ne doivent pas provoquer de conflit ».
Chef du canton kodêh, Nana Agoh Barthélémy
Les personnes qui se laissent instrumentaliser par les hommes politiques, selon le pasteur Luc Blede Salomon, président du collectif des pasteurs de Beoumi, sont les jeunes. C’est fort de cela que la structure qu’il dirige, qui a d’ailleurs pris une part active pour le retour de la paix dans la ville, s’attelle à continuer de sensibiliser les jeunes. En leur disant que la paix est « le bien le plus précieux de la localité, elle conditionne le bien- être de tous». Et que sans paix, il n’y a pas de développement, pas de réussite. Ils doivent par conséquent, cultiver la paix ainsi que l’amour fraternel recommandé par Dieu. Le collectif des pasteurs de Beoumi, selon son président, a organisé une prière œcuménique à la résidence de l’ex-préfet Djedje Mel, dans l’optique d’éviter que le conflit intercommunautaire qui est survenu, ne glisse sur le terrain confessionnel. Les fidèles musulmans et les catholiques y ont assisté. A deux semaines de la présidentielle, la même entité a organisé une veillée de prière qui a regroupé les pasteurs évangéliques, afin que l’élection se déroule dans le calme aussi bien à Beoumi que sur toute l’étendue du territoire ivoirien.
Informée dès sa prise de fonction le 28 janvier 2021, de la situation qui a prévalu dans le département du fait des affrontements intercommunautaires et de l’ambiance qui a prévalu au cours de la présidentielle du 31 octobre 2020, le préfet du département de Beoumi, Mme Traoré née Moise-Henri Imelda Marguerite Marie Doussou, a fait de la recherche d’emploi pour les jeunes, l’une de ses préoccupations majeures.
Occuper les jeunes par des activités génératrices de revenus
Partageant en partie l’analyse du pasteur Luc Blede Salomon, Mme le préfet du département de Beoumi indique en substances que quand les jeunes sont occupés, il est rare d’entendre qu’ils sont mêlés à des situations telles que les affrontements intercommunautaires et autres actes de violences. Raison pour laquelle, elle affirme sans ambages qu’il faut que « les jeunes aient du travail, qu’ils soient occupés ». Deux grands projets nécessitant l’emploi de jeunes, verront selon elle bientôt le jour dans le département. Il s’agit d’un projet relatif à la pêche et un autre concernant l’aviculture. Le projet qui va incessamment démarrer est celui de l’élevage de volailles. Il s’agit d’une fabrique d’alimentation de volailles d’une superficie de 200 ha située entre Marabadiassa et N’Guessankro, avec la production de 500 poulets. Le projet permettra d’employer des jeunes du département de Beoumi. Le second projet sera financé par la coopération japonaise (AJCA). « Nous sommes à pied d’œuvre avec la direction régionale des Ressources animales et halieutiques pour établir les documents que la Coopération japonaise a demandé », souligne Mme le préfet. Ces deux projets occuperont sainement les jeunes. D’où l’engouement de Mme le préfet de tout mettre en œuvre pour leur réalisation.
Au vu de ce qui précède, il n’y a aucun doute à affirmer que le retour de la paix à Beoumi après les affrontements intercommunautaires est sans nul doute un modèle de réussite en la matière. Il pourrait inspirer des communautés qui sont confrontées à de pareils situations. Le député N’guessan Kouamé Joachim, de Beoumi Ando Kekrenou et Kohndrobo dit être disposé à apprendre à qui le voudrait, l’usage des outils et procédés auxquels les forces vives de Béoumi ont eu recours pour ramener la paix.
De notre envoyé spécial,Jérémy Junior