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Interview . N’Cho-Bi Mafa Anatole : « Bien que devenu chrétien, la montagne Mafa me demande de continuer à l’adorer »

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Ressortissant de la sous-préfecture de Bécédi-Brignan, dans le département d’Adzope, N’Cho-Bi Mafa Anatole, comptable de Uniwax a la retraite, porte le nom d’une des mythiques montagnes de la région de La Mé. Ses relations avec la montagne Mafa, qu’il a adorée durant de longues années, ont pris un coup depuis sa conversion au christianisme. Devenu le chef-apôtre de l’église harriste d’Abobo Akeikoi-Extension, il revient sur ce pan de sa vie, qui a marqué une rupture totale avec la montagne. Il explique l’attitude qu’il a adoptée face à la demande répétée de l’esprit qui habite cette montagne, de continuer à l’adorer

Lebanco.net :Vous portez le nom d’une des célèbres montagnes de la sous-préfecture de Becedi-Brignan située à Adzopé à savoir Mafa. Vos parents vous ont-ils expliqué, quand vous êtes devenu grand, les raisons pour lesquelles ils vous ont donné ce nom ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :En principe, je devrais m’appeler N’Cho. Mais mon père a affirmé m’avoir donné ce nom parce que cette montagne a procuré du bonheur, de la chance et du succès, et a également donné toutes les forces à mes aïeuls, mes parents et mes ascendants pour faire face aux attaques de leurs ennemis. La montagne lui parlait de son vivant de l’avenir du village et les moyens auxquels il devait recourir pour éviter les attaques des esprits maléfiques.

Un oncle répondant au nom de Ake Lambert ne voulait pas que mon père me donne ce nom. Mon père lui a répliqué qu’il est libre de donner le nom qu’il veut à son fils. Il a ajouté que c’est grâce à la montagne que les membres de la famille Mafa sont en vie.

Vos parents adoraient-ils cette montagne, ou existent-ils des personnes du village qui l’adorent actuellement ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Mes parents adoraient cette montagne à l’instar de leurs parents. Ils ne sont plus de ce monde, néanmoins certains habitants de Bécédi-Brignan continuent d’adorer cette montagne. Au nombre de ceux-ci un de mes cousins, qui se nomme Mafa Basile. C’est d’ailleurs lui qui sert de guide aux personnes qui vont visiter la montagne.

Avez-vous adoré cette montagne comme l’ont fait vos parents ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole:Oui, je l’ai adoré. Je m’y rendais soit avec des béliers, des poulets blancs, ou des œufs et des bouteilles de liqueurs pour faire des sacrifices.

Que vous a-t-on dit de cette montagne, aurait-t-elle des pouvoirs surnaturels ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole : Oui, elle a des pouvoirs surnaturels, selon ce que nos aïeuls ont vécu, et aussi selon ce que nous aussi avons vu. Tout ce que Dieu a créé a un pouvoir surnaturel. Certains habitants de la sous-préfecture de Bécédi-Brignan continuent d’adorer cette montagne, à cause de ses pouvoirs. Ce n’est pas tout le monde qui adore Dieu. Certains continuent d’adorer et préfèrent se confier à cette montagne à cause de ses pouvoirs. Cela dépend de ce que la montagne a fait pour eux, comment la population vit avec elle, et ce qu’ils ont obtenu d’elle.

Ceux qui portent son nom sont-ils dotés d’un pouvoir surnaturel ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Oui quelques-uns le sont. Certains d’entre eux ont eu, entre autres, la capacité de soigner des maladies incurables. Il y a aussi le lot de ceux qui n’ont pas su exploiter la puissance qu’ils ont obtenue de la montagne. Ils se sont vantés en faisant croire qu’ils sont forts, que le pouvoir qu’ils détiennent provient d’eux. Ils faisaient ce qu’ils voulaient. Ils se prenaient pour des gens supérieurs aux autres. Bref, ceux-ci sont devenus orgueilleux à cause de ce pouvoir. Or Dieu n’aime pas les personnes qui se comportent de la sorte. Il a tué certaines parmi celles-ci.

Comment une personne qui est dotée de ce pouvoir doit se comporter ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Elle doit être humble. Mon père avait certains pouvoirs. Grâce au malaxage de deux herbes, il avait le pouvoir de permettre aux femmes qui avaient des interruptions de grossesses de deux ou trois mois, de conserver leurs grossesses jusqu’à terme. Il lui suffisait d’appliquer le mélange sur la fontanelle, de mettre quelques gouttes dans les yeux, et dans les narines pour que les grossesses évoluent comme prévu.


Avez-vous ressenti avoir reçu un pouvoir surnaturel de la montagne ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Oui, je l’ai ressenti. Je guérissais ainsi certaines maladies de mes enfants. Je les collais fortement contre ma poitrine. Par cet acte, j’encaissais ainsi la maladie et eux ils guérissaient sur le champ. Mon père m’avait conseillé à un moment donné de ne pas agir de la sorte. Mais plutôt de sortir avec l’enfant malade, aller dans un endroit où il n’y a personne. A cet endroit, je parle en demandant à Dieu d’ôter la maladie de l’organisme de l’enfant. Après quoi, je demande aussi à la maladie d’aller derrière la mer. Cela pour lui dire d’aller pour toujours. Je le faisais seulement pour mes enfants et mon épouse. En dehors d’eux, si je dois le faire, c’est pour des personnes qui peuvent garder le secret du pouvoir que je détiens. Car, il y a des personnes mal intentionnées qui chercheront à m’attaquer mystiquement, alors que moi j’invoque le nom de Dieu pour guérir des maladies, rien d’autres.

Détenez-vous toujours ce pouvoir ? A-t-il un totem ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Oui, je détiens toujours ce pouvoir. Son totem est que je ne dois pas consommer un repas préparé par une femme indisposée. Mais si je veux le respecter, cela va me faire du mal. Il m’arrive de manger en dehors de chez moi. Je ne vais pas tout le temps demander si celle qui a préparé est indisposée ou pas. Il y a des restaurants où les cuisiniers ne sont pas sur place. Au vu de tout cela, j’ai décidé de ne pas respecter ce totem.

Cela n’a pas de conséquence ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Non, c’est sans conséquence. Ce qui est dangereux est quand on décide de respecter le totem en question sans y parvenir.

L’esprit de la montagne vous a-t-il rendu visite ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Oui, il m’a rendu visite cinq fois. Il a pris le visage de mon père et nous avons échangé pendant une dizaine de minutes.

A quelle occasion ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :C’est suite à ma nomination au poste de chef apôtre de l’église harriste d’Abobo Akeikoi-Extension et à ma renonciation à continuer de faire des sacrifices à son endroit.

Que vous a-t-il demandé concrètement ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :L’esprit de la montagne s’est plaint de ce que je ne l’adore plus comme par le passé. Il m’a demandé de continuer à l’adorer. J’ai eu l’impression que la montagne ne veut pas me perdre.

Que lui avez-vous répondu ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Je lui ai catégoriquement répondu par un non. Je lui ai fait savoir qu’en tant que montagne, elle est une créature de Dieu comme moi. Avant, j’étais ignorant. Raison pour laquelle je l’adorais. Je lui affirmé que je suis devenu chrétien et que comme rien n’est au-dessus de Dieu, je ne peux donc pas tourner le dos à Dieu pour adorer une de ses créatures. Par conséquent, c’est lui que je vais adorer et non elle, la montagne. Toutes les cinq fois que l’esprit de la montagne m’a demandé de continuer à l’adorer, je lui ai donné cette même réponse.

Ne craignez-vous pas des actes de représailles de la part de cet esprit, face à votre refus d’adorer cette montagne ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Non, je ne le pense pas. Avec notre guide suprême qu’est Dieu, il ne pourra rien me faire. Le pouvoir de la montagne ne surpasse pas celui de Dieu. Par conséquent, elle ne peut rien me faire. J’éprouve toujours de l’amour pour ces montagnes (Mafa et Mafou). Elles représentent un frère et une sœur pour moi. Rien de plus. Je ne peux plus les adorer. Je peux y aller en excursion.

Comment vivez-vous depuis que vous avez décidé de ne plus adorer la montagne ?

N’Cho-Bi Mafa Anatole :Depuis lors, je vis bien, sans souci, ni problème. Je dis merci à Dieu pour ce qu’il a fait pour moi. En effet, il m’a donné tout ce dont un homme peut rêver d’avoir sur cette terre. Rien ne pourra m’empêcher de renoncer à l’adorer.

Interview réalisée par Junior Jeremy





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