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Politique

Analyse. Tchad : Même mort, Deby continue de tuer

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Le sang a coulé le mardi 27 avril 2021 à N’Djamena, la capitale du Tchad. Les militaires au pouvoir ont, en effet, réprimé violemment une manifestation de populations hostiles à la dévolution dynastique du pouvoir. En dépit de l’interdiction de manifester décrétée par le Conseil militaire de transition (Cmt), aux commandes de l’Etat, des citoyens tchadiens ont pris la rue. Et comme il fallait s’y attendre, ils ont été sévèrement réprimés. Bilan : 9 morts !

A peine installé sur le trône du défunt père, le nouvel homme fort du désert, le général Mahamat Idriss Deby, vient de faire ses premières victimes civiles. Ayant hérité du pouvoir suite au décès de son père, il semble marcher dans les pas de celui-ci. Et avec lui, tous ces treillis dépositaires du système Deby. Ce qui incline à penser que l’ex-maréchal de N’Djamena n’est pas mort. Preuve que les tenants actuels du pouvoir ne semblent pas avoir retenu les leçons de la chute tragique du « gendarme du Sahel ». Et pourtant, que d’enseignements nous donne la mort d’Idriss Deby !

Arrivé au pouvoir par les armes le 5 décembre 1990 en renversant le président d’alors, Hissen Habré, Idriss Deby a péri par les armes, 30 ans après. Il a été, en effet, tragiquement, précipité dans le monde des morts alors même qu’il venait, encore une fois, d’être proclamé, la veille, vainqueur du dernier scrutin présidentiel auquel il a pris part. Un revirement de situation, qui semble avoir pris tout le monde court. Après 30 ans de règne sans partage, Idriss Deby avait fini par penser qu’il était invulnérable. Victime du syndrome d’hurblis, l’homme se rêvait en demi-dieu. Fort du soutien de l’armée, qu’il croyait aveuglément acquise à sa cause, il faisait la pluie et le beau temps au Tchad.


Lâché par la France ?

Ayant nommé massivement des hommes de son ethnie dans l’armée, il se disait sûrement à l’abri d’un coup tordu, pour l’éternité. Ce verrouillage de l’armée lui a valu d’être effectivement mis à l’abri de coups d’Etat et des coups de boutoir répétés d’une rébellion décidée à lui mettre les bâtons dans les roues, à défaut de le renverser. Sans compter le soutien des autorités françaises, qui l’avaient plus d’une fois sorti d’affaires, notamment en 2019, quand les rebelles s’étaient retrouvés, comme par enchantement, aux portes du palais présidentiel.

En misant sur une armée qu’il croyait être à sa botte et le soutien intéressé de Paris, Deby avait mis le pays sous coupe réglée. Il s’était offert une longévité au pouvoir en tripatouillant la Constitution adoptée en 1996 pour se représenter indéfiniment à l’élection présidentielle, qu’il remportait, presque sans coup férir, le tout sous un vernis de démocratie. Au dernier scrutin présidentiel auquel il a pris part, il s’est arrangé pour exclure de la compétition ses éternels opposants significatifs comme Salek Egzabo, pour finalement être proclamé vainqueur. Comme de tradition.

Contraint par le contexte politique impulsé par le sommet de la Baule, Deby s’était résigné à instaurer chez lui un semblant de démocratie. Les opposants et tous ceux qui pouvaient l’empêcher de gouverner… en rond, étaient soit réduits au silence soit contraints de s’exiler. « La Constitution de 1996 a connu plusieurs retouches. Et ce sont ces retouches à répétitions qui ont créé un grand malaise... La liberté a été très vite confisquée par le régime Deby… Les Tchadiens sont interdits de manifestations publiques. Il n’y avait pas de démocratie », a soutenu la Tchadienne Jacqueline Uniana, au lendemain de l’assassinat de l’homme fort de N’djamena.

Cette gestion solitaire voire despotique du pouvoir, a fini par avoir raison de Deby. Lequel, se croyait sans doute invincible parce que « l’homme de la France », comme dit le journaliste Antoine Glaser et ami de l’armée. Moralité, aucun chef de l’Etat africain n’est à l’abri d’un revirement de l’armée comme celui qui a emporté Deby, même si presque tous croient qu’ils ont une mainmise sur leurs troupes, dont ils sont pompeusement proclamés chefs suprêmes. Autre leçon, c’est qu’aucun de ces pairs de Deby, qui croit avoir Paris pour bouclier, n’est non plus à l’abri d’un lâchage comme cela semble être le cas du Maréchal de N’Djamena.

Tout porte à croire, en effet, que les autorités françaises ont fermé les yeux sur les événements qui allaient finir par faire chuter le régime Deby. « La France prend acte », a d’ailleurs déclaré le ministre français des Affaires étrangères, dès l’annonce de la mort de Deby. A sa suite, la ministre française des Armées, Florence Parly, a lâché : « Qu’un processus de transition puisse se mettre en place ». Preuves s’il en est que Paris n’en veut guère à ceux qui ont trucidé le président tchadien. On peut se demander pourquoi les forces françaises n’ont pas, cette fois, vraiment contré l’offensive des forces rebelles qui marchaient sur la capitale tchadienne. Que des chefs d’Etat africains qui ont des oreilles pour entendre, entendent.

Une autre leçon à tirer de la mort de Deby, c’est l’idée que la tentation de s’éterniser au pouvoir en s’offrant victoire sur victoire à des élections arrangées, conduit à un scénario semblable à celui du mardi noir tchadien. « Le système démocratique avec l’organisation régulière d’élections et l’érection d’institutions républicaines n’étaient que du saupoudrage », relève un observateur. Misant sur ce « saupoudrage », Deby a voulu rempiler, après 30 ans de gestion du pouvoir. Mais ce mandat de trop lui a été fatal. « Sa voracité pour le pouvoir a fini par le perdre », déplore un analyste politique. Le Maréchal de N’Djamena aura été victime de l’usure du pouvoir. Comme un message à l’endroit de tous ces chefs d’Etat africains, qui se prennent pour d’indéboulonnables demi-dieux.

Karine Koré






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