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L’Enquête du jeudi .Projet de logements sociaux: Voilà huit ans que ça coince

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Lancé en 2013, le projet présidentiel de 60.000 logements sociaux, qui avait suscité un véritable engouement auprès des Ivoiriens, est-il en passe de devenir un échec ? Autrement dit, qu’est ce qui n’a pas marché depuis 8 ans ? Nous avons cherché à en savoir davantage sur cet ambitieux projet du Président de la République, Alassane Ouattara. De Yopougon à Grand-Bassam en passant par Bingerville et Songon- Kassemblé, de nombreux souscripteurs à ces opérations immobilières attendent toujours leurs clés.

Le programme de construction de plusieurs logements sociaux du Président de la République, relève d’une promesse de campagne, qui a été mise en exécution, après son accession à la magistrature suprême en 2010. Et ce, en vue d’offrir des maisons à moindre coût aux populations partout en Côte d’Ivoire. A Abidjan surtout, ils étaient nombreux, ceux qui se sont aussitôt mis à rêver légitimement du reste, d’avoir un toit à moindre coût. En effet, le programme en question prévoyait des logements sociaux, que constituent les appartements de 2 pièces , c’est-à-dire une chambre et un salon, aux coûts allant de 5 à 10 millions de F CFA, des appartements économiques constitués de 4pièces, soit trois chambres un salon, dans la fourchette de 10 à 15 millions et des logements de standing que sont les duplex, à partir de 15 millions F CFA et plus. Mais pour y accéder, le ministère de la construction a exigé aux acquéreurs des souscriptions. Le ministre de la construction d’alors, Mamadou Sanogo qui avait remplacé la ministre Kaba Nialé nommée au Plan et au Développement, va prendre un arrêté pour la création en 2014, du Centre de Facilitations des Formations d’Accès aux logements (CEFFAL) . Pour toute pré-souscription, le CEFFAL exigeait la somme de 30.000 F CFA. Comme nous l’a expliqué le Directeur de cette structure aujourd’hui dissoute, Brahima Doumbia, les acquéreurs, selon le logement de leur choix (social, économique ou standing) devaient verser cette somme, en fonction de leur possibilité jusqu’à épuration des 5, 10 , 15 millions ou même plus. Et le CEFFAL à son tour se chargeait de trouver un opérateur immobilier pour la construction des logements Ainsi, plus d’une soixantaine de chantiers immobiliers sur des superficies de dix, voire quinze hectares ont été lancés ici et là, à travers le district d’Abidjan surtout, afin de faire sortir de terre lesdits logements.:

La Côte d’Ivoire qui a une longue histoire de coopération avec le royaume Chérifien du Maroc a décidé de s’imprégner de son modèle de réussite en matière de logement social. Ainsi, en novembre 2012, la ministre de la Promotion du Logement social Kaba Nialé avait effectué une mission à Rabat et à Casablanca afin d’étudier l’expérience marocaine. Le Royaume venait d’être primé leader mondial de la lutte contre les bidonvilles par l’ONU. Selon les informations reçues du ministère de la construction, la réussite de la politique du logement social marocain est liée à des mesures fiscales incitatives allant jusqu’à l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ( TVA) et diverses autres taxes en faveur des promoteurs immobiliers. Cette visite aura ainsi permis à la délégation ivoirienne d’avoir le soutien du Royaume Chérifien. Et pour aider la Côte d’Ivoire à réussir cet ambitieux programme, le Maroc a mis en place la stratégie des 3F, c’est-à-dire, la maîtrise du Foncier, de la Fiscalité et du Financement. La Côte d’Ivoire a obtenu l’appui du groupe WARFA, filiale de la banque ATTI JARIWAFA dont la société ivoirienne de banque ( SIB) est une filiale.


Souscripteurs et promoteurs déçus

Lancé à grande pompe, l’opération de pré-souscription et de souscription aux logements a fait de nombreuses victimes. L’Etat, a de bonne foi estimée qu’avec 5, 10 ou 15 millions F CFA, les ménages moyens pouvaient avoir un toit. Ce qui va s’avérer finalement très difficile sur le terrain, par ce que contraire aux réalités qui prévalaient dans le domaine immobilier. Le ministère dit-on, n’a pas su évaluer la portée et le cout de tous les paramètres rentrant en ligne de compte, avant de donner la vraie information. Or des milliers de personnes avaient déjà soldé la totalité de leur montant souscrit.

« En réalité, le gouvernement a fait une mauvaise évaluation. Il est impossible d’avoir une maison à 5 millions F CFA. Ce n’est pas possible même s’il s’agit d’ un logement social. Le gouvernement a l’obligation d’aider tous les souscripteurs à jour, afin de leur trouver des promoteurs immobiliers expérimentés qui construiront leurs logements. C’est un engagement du Président de la République qui doit être respecté » déclare Eugène Gninin Touré, souscripteur à la cité Opes Holding de Bingerville.

Depuis 2017, plusieurs souscripteurs sont dans l’attente de la livraison de leurs logements. En plus des plaintes qui sont les leurs, il ya aussi celles qui sont émises par les promoteurs immobiliers. Le ministère leur avait promis, un abattement de 80% du bénéfice imposable, résultant de l’exploitation, contre une exonération de 50% actuellement. Ils devaient donc réaliser un programme de 10.000 logements sociaux ou économiques par an, sur une période de sept ans. Pour ainsi amorcer de façon significative la résolution progressive de l’épineux problème de logement sur toute l’étendue du territoire. Il était prévu que les maisons soient livrées au plus tard en fin d’année 2020 par le ministère de la construction et de l’urbanisme. Cet engagement n’a pu être tenu. Les promoteurs privés disent toujours attendre les promesses de leur tutelle, le ministère de la construction.

Inauguré en décembre 2016, par la remise de clefs, en dépit de la protestation des responsables de la Sicogi qui estimaient que les conditions ne s’y prêtaient pas, la cité ADO présentée par l’ex- ministre de la construction, Mamadou Sanogo comme le projet phare du programme de logements sociaux ,est devenu un véritable casse-tête chinois. Impuissant face à une telle situation, le ministre de la construction s’est vu dans l’obligation de confier la conduite des opérations à la SICOGI. Le bureau national d’études techniques et de développement (Bnetd), qui joue le rôle de maître d’œuvre, aura pour mission de superviser les travaux de construction confiés à des entreprises privées de Construction, la société ivoirienne de construction immobilière (SICI), la Sanogo Bâtiments ( SANOBAT) et l’Agence de gestion foncière( AGEF) qui devaient réaliser plus de deux-mille logements sur une superficie de 20 hectares. Pour la première manche, ce sont au total 652 logements qui sont sortis de terre et 512 autres sont en voie d’être livrés. La déception des souscripteurs encore en attente est d’autant plus grande qu’ils ne savent à quel saint se vouer.

A l’origine de l’arrêt des travaux de la cité ADO, se trouve le non-respect des cahiers de charge entre l’État de Côte d’Ivoire et la SICOGI. Sur 2086 acquéreurs qui attendaient de rentrer en possession de leurs maisons, ce sont finalement 652 propriétaires qui ont reçu les clés de leurs maisons au début du mois de janvier dernier. 1434 acquéreurs sont toujours dans l’attente. Koffi Antoine un des acquéreurs en attente compte pour cela sur la SICOGI pour être satisfait. « La cité ADO, promise pour être livrée aux souscripteurs en 2015, peine à être achevée à cause du manque de professionnalisme et d’expérience des entreprises choisies par l’ancien ministre Mamadou Sanogo pour exécuter ce projet présidentiel. Nous étions obligés de reprendre certains travaux vu que des maisons sont tombées en ruines », révèle tout amère, K.A, cet habitant de la cité, qui s’est réjoui de l’implication pleine et entière de la SICOGI, pour la poursuite de l’opération

Entre doute et angoisse

D’une superficie de 40 hectares, un autre site a été aménagé pour accueillir des logements sociaux à Bingerville. Cette opportunité reste la convoitise de plusieurs opérateurs et promoteurs immobiliers qui rivalisent d’ardeur. Malheureusement, la situation géographique de cet espace constitue un frein. Les promoteurs immobiliers doivent déployer des moyens techniques colossaux pour réussir le pari, d’y construire des logements. Mais, le relief est si accidenté qu’il est déjà difficile de réaliser les voiries et réseaux divers ( VRD) primaires.

« Chez Opes Holding, nous essayons d’offrir des logements de qualité aux acquéreurs. C’est une réalité, il est impossible de construire une maison dite logement social à 5 millions F CFA, même à 15 millions de Fcfa. Les banques refusent de nous aider. L’Etat est donc obligé de compléter l’argent des souscripteurs afin que nous opérateurs immobiliers, puissions travailler à construire des logements décents pour nos populations » explique Florent Kouamé, responsable de la communication de la société immobilière Opes Holding à Bingerville. Il nous fait aussi savoir que certains opérateurs sont obligés de se tourner vers des financiers à l’extérieur. Malgré leur détermination, les souscripteurs se trouvent continuellement animés par un sentiment de doute et d’angoisse, quant à la fiabilité de ces constructions en période de pluies. A Modeste sur la route de Grand-Bassam, la situation est similaire à celle de Bingerville. Mais là, plusieurs souscripteurs se plaignent de la qualité des matériaux de construction, ainsi que des logements qu’ils trouvent trop petits. « J’ai cotisé 20 millions FCFA et regardez la maison qui m’a été construite. C’est décevant. Si j’avais vite compris je n’allais pas me précipiter. Le Président de la République a eu une idée géniale d’offrir des logements à moindre coût à ses compatriotes, mais son entourage semble se servir et c’est malheureux », dénonce Hadja Mariame Doukouré.


On attend la purge des droits coutumiers


Les habitants de Songon Kassemblé, village situé sur l’axe Abidjan-Dabou, constitués en collectifs de 59 propriétaires terriens et 270 producteurs agricoles, attendent toujours leurs droits. Ils ont en effet signé en 2013 un protocole de cession de parcelles avec l’État de Côte d’Ivoire, via le ministère de la construction, dans le cadre des 60.000 logements sociaux à construire. Ainsi, la somme de 8,7 milliards de francs CFA devrait être versée aux propriétaires terriens et celle de 1,8 milliard devrait revenir aux planteurs qui ont vu leurs exploitations détruites, sur la période de 2013 à 2018. Certains villageois nous ont dit être surpris d’apprendre par voie de presse que « des souscripteurs auraient cotisé 20 milliards de Fcfa auprès de 26 promoteurs immobiliers cooptés au départ pour le projet de Kassemblé. Et qu’en plus, un montant de 20 milliards F CFA aurait été octroyé à la Côte d’Ivoire par des financements extérieurs pour le règlement des droits coutumiers et pour différents propriétaires terriens, ainsi que des travaux ». Suite à cette information qui n’aurait pas été démentie, les populations avaient bruyamment manifesté pendant des années, afin que l’État paye 6 milliards de Fcfa sur les 8,7 milliards francs CFA de droit de purge et 1,5 milliard de Fcfa pour le dédommagement des cultures détruites, sur les 1,8 milliards qui leur revenaient de droit à ce titre. L’Etat doit toujours plus de 3 milliards de FCFA de droits de purge et de dédommagement pour les cultures détruites. « Le ministre Claude Isaac Dé nous payait en monnaie de singe. On a compris que ce programme de logements sociaux visait à appauvrir les propriétaires terriens et propriétaires des cultures. Nous avons décrié la méthode qui est contraire à l’ancien mode de payement », indique un propriétaire terrien de Songon Kassemblé.

Conscient de la situation, le ministre Bruno Koné nommé à la tête du ministère de la Construction et de l’urbanisme, à la suite de Mamadou Sanogo a déclaré en 2020, poursuivre le programme des logements sociaux. Il a également annoncé l’accélération de l’achèvement des chantiers, suivie de la remise des clés des logements à leurs propriétaires. Ce, grâce à la mobilisation du financement à la finalisation des voiries et réseaux divers (VRD) primaires des cités ADO à Yopougon, Bingerville, Songon, Modeste (route de Grand- Bassam). Afin que toutes les villes de l’intérieur du pays bénéficient de cités de logements sociaux (ce qui n’est pas le cas depuis le lancement du projet dans la quasi-totalité des villes de l’intérieur), Bruno Koné a annoncé que le gouvernement fera appel à des opérateurs internationaux expérimentés. Ayant une capacité financière et technique avérée, afin de produire 10.000 à 20.000 logements par an, sur toute l’étendue du territoire national. A cette initiative, il faut ajouter la mise en place d’un dispositif efficace de financement du logement social et la facilitation d’accès au crédit immobilier. Avec la création d’un Secrétariat d’Etat dédié spécialement aux logements sociaux en plus de tous ces engagements et initiatives précités, il y a lieu de croire que, l’ambitieux projet de logements sociaux, parviendra finalement à satisfaire de nombreux Ivoiriens. Donc encore un peu plus de patience, est-on tenté de dire aux demandeurs desdits logements.

Sékou Koné



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