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Reportage. Zone aéroportuaire de Port-Bouet : Un an après le déguerpissement des populations, toujours rien sur le terrain.

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Ce 11 janvier 2020 restera à jamais gravé dans les mémoires des habitants du quartier populaire Adjouffou dans la commune de Port-bouet, qui jouxte la zone aéroportuaire.

En effet, la découverte du corps sans vie de l’élève Laurent Ani Guibayi, 14 ans qui a été retrouvé le 8 janvier 2020 dans le train d’attérissage d’un avion à l’aéroport Roissy Charles De Gaulle de Paris, après avoir décollé d’Abidjan, est au centre du déguerpissement quasi précipité de plus d’une vingtaine d’ habitants de ce quartier.

Un an après cette dramatique situation, nous nous sommes rendus dans ce quartier dans la zone aéroportuaire pour faire le constat du déguerpissement et rencontrer les habitants et autres personnes impactés.

Rappel utile : pris de court par le décès tragique de l’adolescent Ani Guibayi qui a quitté le domicile familial de Yopougon dans la nuit du 7 janvier de l’année écoulée pour se retrouver comme par magie dans l’enceinte de l’aéroport Félix Houphouet Boigny, les pouvoirs publics ont immédiatement intimé l’ordre à tous les habitants de cette zone de quitter les lieux dans un délais de 48 heures. Et ce, avant l’arrivée des engins pour libérer l’emprise de l’aéroport, bien que celle-ci soit hautement sécurisée par une muraille et des barbelés. Etaient d’abord concernés tous ceux qui habitaient à 200 mètres de la muraille et par la suite tout le quartier Adjouffou qui, faut-il le souligner, est un patrimoine de l’Etat.

N’ayant même pas attendu l’arrivée des engins, lesdites populations ont alors commencé à faire leurs bagages, lorsque les Forces de l’ordre, ont débarqué

« Deux jours après l’annonce de cette triste nouvelle, c’était la folie ici. On ne défie pas l’Etat.

Regardez la situation de notre temple. Ce sont les fidèles et des jeunes du quartier qui nous ont aidés à faire sortir les chaises, la sono et à enlever les tôles et tout ce qui pouvait être sauvé . Moi en tant que Pasteur de l’Église, je me suis retrouvé avec toute ma famille à Sowéto ( Koumassi) chez mon frère ainé. Mais chaque jour, je viens ici pour prier parce que les engins ne sont toujours pas encore venus pour détruire ce que nous avons construit » nous explique avec les yeux larmoyants Pasteur Godwin Agbéméwin de l’Eglise Evangélique des Œuvres et Missions, Ghanéen résidant en Côte d’Ivoire depuis 1990.

Si la grande majorité des populations d’Adjouffou habitant dans le rayon des 200 mêtres de la cloture aéroportuaire a trouvé des lieux de recasement, d’autres par contre continuent toujours d’occuper leurs habitations. En attendant sûrement l’arrivée des engins pour raser complètement la zone.

« Nous sommes une vingtaine de familles qui continuons d’habiter ici. Je ne sais pas ce que le gouvernement nous reproche. Cette muraille que vous voyez devant, est très sécurisée.

Nous ne savons pas où aller, c’est pourquoi nous sommes encore là avec nos famille. Est – ce que nous sommes responsables de la mort d’un enfant qui a quitté Yopougon jusqu’à l’aéroport ? Ce n’est pas possible. L’aéroport est très sécurisé. Que le gouvernement trouve un autre site pour nous loger. Sinon, tous les jours, nous dormons la peur au ventre » plaide Yaya Sawadogo, docker au port autonome d’Abidjan .

Les habitations décoiffées, en attendant leur démolition ont été pour la plupart transformées en garages mécaniques de fortune.

Les Taxis communaux ( Wôrô wôrô), mini- cars de transport ( Abidjan –Grand –Bassam ) et de nombreux taxis compteurs fréquentent ces garages. « J’avais mon garage à Koumassi. Mais le maire nous a dit de quitter ces lieux. C’est pourquoi, je me suis retrouvé ici avec tous ces véhicules que vous voyez. Je dois absolument les réparer pour les rendre aux propriétaires qui m’ont fait confiance et qui m’ont remis de l’argent. 
Je suis conscient que ce n’est pas normal qu’on occupe ces lieux. Mais croyez moi, la vie à Abidjan est devenue difficile » déplore Kouamé Fernand, propriétaire de ce garage de fortune qui reçoit une dizaine de véhicule chaque jour. A notre dernière visite sur les lieux ce samedi 16 janvier, le constat était le même. De nouveaux garages de fortune sont même venir grossir le lot de ceux existants déjà. Et depuis un an, aucun engin de l’Etat n’a été aperçu, confie un habitant d’Adjouffou, mais le quartier est toujours désert.


Pour la défense des droits déguerpis


Depuis février 2020, des propriétaires et locataires déguerpis se sont regroupés dans une association dénomée ‘’ Association des Propriétaires et Locataires Déguerpis de la zone aéropotuaire ( APLD-ZA) dirigée par Moussa Porgo dit Guitti.

Cette organisation, selon lui, se veut le porte voix de ces populations en détresse auprès des autorités.

De nombreuses démarches ont ainsi été entreprises pour l’indemnisation de plus de 25.000 familles déguerpies dont les habitations se trouvaient dans le périmètre des 200 mètres initialement concernés.

« Nous qui sommes encore dans le quartier, sommes tous nés ici et nous sommes pour la plupart des propriétaires.

C’est pourquoi, de commun accord avec les autres ressortissants des pays de la CEDEAO qui habitent le quartier, nous avons créé cette association dans le but d’être indemnisés, après cette situation dramatique. Nous avons été reçus aux ministères du Transport, de la Construction et de l’urbanisme, ainsi que celui de la Justice. Ils nous ont fait savoir que la question du déguerpissement de tout le quartier était à l’étude depuis plusieurs années. C’est pourquoi, certains ont été déguerpis et réinstallés dans la commune de Yopougon dans le quartier Port-Bouet 2 depuis plus de 30 ans.

Ils nous ont même signifié que pour l’instant, l’Etat ne dispose pas d’espace de réinstallation et qu’il n’a jamais été question d’une quelconque indemnisation, parce que tout l’espace que nous occupons est un patrimoine de l’Etat » explique Moussa Porgo alias Guidi, président de l’association des déguerpis.

« C’est vrai, mais nous avons insisté pour que ces pauvres familles perçoivent des indemnités. C’est cela notre combat et nous les propriétaires irons jusqu’au bout de notre lutte » ajoute-t-il.

Pour l’heure, le seul soutien dont ils ont bénéficié dans ce sens, est celui de la mairie de Port Bouët. En février 2020, un comité de gestion des quartiers ( CGQ) est venu faire l’état des lieux avec l’APLD – ZA. En 3 jours, tous les propriétaires ainsi que les locataires ont été recensés.

Selon Moussa Porgo, ce sont 25000 familles qui ont été recensées et les propriétaires ont perçu chacun la somme de 50.000 F cfa quand les locataires ont reçu 30.000 F CFA. Véritable bouffée d’oxygène pour ces familles. « Cet apport du maire Emmou Silvestre est le résultat de notre lutte. L’association continue de chercher des soutiens . L’Etat n’a pas réagi mais le 1er responsable de la commune de Port-Bouet a fait un geste que nous félicitons », déclare le président de l’Apld-ZA. Il ajoute, « nous demandons au gouvernement de nous trouver un site afin que nous les propriétaires qui avons tous nos titres fonciers, soyons indemnisés ou réinstallés. Je ne comprends donc pas la brusque réaction des autorités, ce que nous qualifions d’ailleurs d’acharnement contre nous après le décès tragique de cet adolescent venu d’une commune située à près de 20 kilomètres de Port-Bouet. On nous fait porter malheureusement le chapeau d’un drame dont nous ne sommes pas concernés » s’insurge Porgo Moussa.

De janvier à septembre, la plupart des habitants proches de la muraille de l’aéroport sont partis tandis que ceux situés à plus de 300 mètres continuent d’habiter Adjouffou, se couchant la nuit toujours avec la peur au ventre en attendant l’arrivée des engins pour raser tout le quartier vaste de 5000 m2.

Le Décès du jeune Ani Guibayi, en plus du choc de ses parents aura fait des ‘’ victimes’’ et non des moindres.

Même si sa mort tragique dans le train d’attérissage d’un avion en partance pour Paris n’a rien à avoir avec Adjouffou, ce quartier populaire et anarchiquement construit, les habitants quant à eux ont commencé à payer un lourd tribu, qui n’est autre que le déguerpissement. Surtout que la question du logement dans la capitale économique est une véritable problématique.

Un an après ce drame, le président de l’association des propriétaires et locataires de la zone aéroportuaire ( ALPD- ZA), Moussa Porga dit avoir perdu tout espoir.

Lors de notre passage, les différents lieux que les habitants ont été contraints de quitter, étaient pour la plupart envahis par des herbes folles. L’Etat qui a reussit à faire s’en aller les habitants semble tout simplement prendre tout son temps.


Ibrahim Sékou Koné







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