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Voici l’histoire de la construction du palais présidentiel d’Abidjan

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Voici l'origine du mythe selon lequel le bâtiment de la présidence au Plateau, est loué par la France à la Côte d'Ivoire...

Terminé en 1961, le palais présidentiel d’Abidjan a été construit par l’architecte Pierre Dufau sur des fonds 100% français. Il est érigé en manifeste de l’ambition de la Côte d’Ivoire par Félix Houphouët-Boigny. Situé à la jonction de la période coloniale et de l’indépendance, cet ensemble architectural a été étudié et réalisé par un groupement d’entreprises et d’architectes français en moins d'un an, au Plateau. L’histoire du palais présidentiel d’Abidjan débute par la passation, en novembre 1957, d’un marché de 25 millions de francs CFA, pour l’études en France, par entente directe entre la SEFAC (Société d’Etudes Franco-Africaine de Construction) et le tout jeune gouvernement de la Côte d’Ivoire.

Devant accompagner la marche vers l’autonomie et la croissance économique du pays, cette étude pré-opérationnelle se voit fixer des objectifs ambitieux. La SEFAC s’interdit tout bénéfice sur l’étude des projets mais que le gouvernement ivoirien lui en confiera préférentiellement l’exécution. Société ad hoc, la SEFAC utilise les moyens techniques de deux des plus importantes firmes du bâtiment de la France des années 1950, Froment-Clavier et Thinet. Marcel Thinet est le président de cette dernière, et à l’instar de l’industriel du café Pierre Joannon, il est proche de Félix Houphouët-Boigny. Il se charge d’obtenir les fonds du gouvernement français.

Les études architecturales sont attribuées aux Parisiens Pierre Dufau et Jean-Maurice Lafon, Robert Boy assurant le relais local à Abidjan. Pierre Dufau, soutenu par ses réalisations dans les domaines de la banque et de l’énergie, est au cœur du conglomérat destiné à proposer les solutions financières, techniques et architecturales pour l’équipement de la Côte d’Ivoire, bien qu’il n’ait quasiment jamais construit à l’étranger. Son jeune adjoint Jean-Pierre Dacbert sera le soutien indispensable pour les fréquentes prises de contact sur place, l’essentiel de l’étude étant faite à Paris, à proximité des moyens techniques et financiers.

La Côte d’Ivoire compte alors 2,5 millions d’habitants, moins d’1 % étant des Français, qui contrôlent 100% des usines et 100% secteur de la construction. Ce dernier demeure peu développé, ni l’extraction de l’argile ni le travail du bois ne faisant l’objet d’une véritable industrialisation en direction du bâtiment. L’acier et le ciment doivent être importés de France. Alors que l’indépendance paraît de plus en plus inéluctable, le lancement d’une première tranche de travaux correspondant à un prêt de la France d'un milliard de francs CFA est confirmé à la fin de l’année 1959. Faut-il, comme le fera Le Canard enchaîné y voir le geste de complaisance d’Antoine Pinay, ministre des Finances, à l’intention de ses compatriotes industriels Marcel Thinet et Pierre Joannon ?

Toujours est-il que la phase opérationnelle est désormais engagée, la SEFAC cédant la place à la STECI (Société de travaux d’équipement de la Côte d’Ivoire), qui conserve les mêmes acteurs français. Le chantier mobilise jusqu’à 2 400 personnes par jour, dont 400 français. Les approvisionnements de certains lots (marbres, menuiseries métalliques, décoration) parvenant à Abidjan, depuis la France par bateau, voire par avion. Les délais sont finalement tenus. La réalisation en 220 jours d’un ensemble de cette nature dans un pays très pauvre en matériaux et situé à 6 000 kilomètres de la France est un véritable exploit.

Achevé, le palais présidentiel d’Abidjan accueille les fêtes du premier anniversaire de l’indépendance dont les images sont reproduites à travers le monde, la présence d’invités prestigieux tels que Robert Kennedy, procureur général des États-Unis, confirmant la stature recherchée par le président ivoirien. Peu évoquée dans les archives, la rémunération de la STECI approche les 25 % du montant des travaux, la quote-part des architectes n’étant jamais précisée. Ce chantier tout aussi pharaonique que majestueux consacre hélas une terrible ironie du sort.

En effet, d'un côté la Côte d'Ivoire se dote d'un centre du pouvoir indépendant de celui de la France, de l'autre, celui-ci est entièrement étudié, financé, construit et équipé par l'ancienne puissance coloniale, avec les risques en matière de sécurité que cela comporte. Et ce palais sera, au passage à l'indépendance, l'une des premières dettes importantes de la Côte d'Ivoire «indépendante» vis à vis de la France. Cet emprunt a été remboursé en moins de 10 ans, le miracle économique des années 60-70 aidant. Et le mythe que ce palais est loué à Côte d'Ivoire par la France, est né de ce montage financier pour le moins peu gratifiant.

Mais le fait est que lorsque le centre du pouvoir suprême, le palais présidentiel, que vous occupez, est un bâtiment dont la créance revient à l'Hexagone, il y a une sorte d'avillissement mentale qui plombe dès le départ, l'esprit même de l'indépendance. La symbolique est lourde d'enseignements : le dernier gros chantier de la France coloniale en Côte d'Ivoire, est le palais de la présidence. Il a été étudié et construit grâce à un emprunt octroyé par la France à la Côte d'Ivoire.

Sources : Hugo Massire, « Le Palais présidentiel d’Abidjan : la logique de l’opulence »,


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