Un nouveau phénomène a fait son apparition dans le monde du commerce dans la capitale de la région de Gbêkê. Il n’est pas rare de voir des jeunes gens, à moto, avec un lot d’habits de tout genre, sillonner les quartiers de Bouaké. Pantalons, jeans, tricots, chemises, costume, etc., sont entre autres articles qui composent leurs marchandises. Ce phénomène qui existait depuis 2000, mais pratiqué par très peu de personnes, a pris de l’ampleur après la crise post-électorale de 2010. Une affaire juteuse, selon plusieurs de ces jeunes que nous avons rencontrés lors de ce reportage.
Lundi 11 janvier 2021. Il est 11 h 45 et le soleil darde ses rayons impitoyables sur la capitale de la région de Gbêkê. Nous sommes au quartier Commerce, centre des affaires à Bouaké. Assis dans un café avec des amis, nous échangions sur les questions de l’heure. Auparavant, l’on nous avait déjà signalé que ce kiosque à café était un passage obligé, voire un QG pour ces vendeurs ambulants. Nous serons vite interrompus par Amara C. L’homme d’une trentaine d’années, arrivé sur une moto de marque X One, de type Ktm, sans même prendre la peine de saluer, commence à vanter la qualité de ses marchandises. Amara repartira comme il était venu, avec sa marchandise sur sa moto, avec la somme de 25 000 F en poche équivalant aux chemises et pantalons qu’il a réussi, en moins d’une heure, à vendre en notre présence.
Ni taxe municipale, ni impôt à payer
Un peu plus loin, dans la même veine, nous rencontrons deux autres vendeurs à moto. Yacouba K. et Mamadou O. Tous deux affirment qu’ils font de très bonnes affaires. « Ma marchandise vient du Ghana. Souvent je gagne 400 000 F comme bénéfice par mois. Et quand ça marche bien, je me retrouve avec 600 000 F ou 800 000 F comme bénéfice mensuel », avoue Mamadou Ouattara qui reconnaît qu’il ne paie aucune taxe. « Je suis sur ma moto avec mes marchandises, donc j’évite les agents de mairie et ceux des impôts. De toutes les façons, même si je les croise, qu’est-ce qui prouve que ce que je transporte sur ma moto, ce sont des marchandises ? C’est leur parole contre la mienne. Je n’ai pas de magasin où on peut me trouver. En clair, moi je ne paie ni impôt ni taxe municipale. D’ailleurs les impôts sont trop élevés pour nous les petits commerçants. Donc je ne peux pas les payer. Et c’est valable pour nous tous qui vendons nos marchandises en les transportant sur nos motos. Où tu vas nous voir pour nous demander de payer une quelconque taxe ? « s’est interrogé Mamadou, âgé de 35 ans. A en croire plusieurs d’entre eux que nous avons approchés et qui ont catégoriquement refusé de se faire photographier, tous les jeunes commerçants de la région de Gbêkê qui ont compris ce système, ne veulent plus ouvrir de magasin.
Motos, voitures et maisons à leur actif
Au quartier Dar-Es-Salam 1, nous arrivons à repérer Ousmane C. Il s’apprêtait à quitter sa maison pour aller rencontrer ses clients. L’homme nous accorde quelques minutes d’entretien, vu que celui qui nous a recommandé auprès de lui, est l’un de ses amis. A le suivre, depuis qu’il s’est engagé dans la vente d’articles à moto, il s’en sort bien. « J’ai commencé à vendre à moto, cela fait aujourd’hui cinq ans. Dieu merci, j’ai pu m’acheter un terrain et construire une maison. J’en connais aujourd’hui à Bouaké qui ont réussi à travers notre activité, à se construire deux ou trois cours et ils sont tous véhiculés. Eux, ils vendent en voiture, leurs magasins, c’est leur voiture. Aucune taxe, aucun impôt, ça roule quoi. Personne ne nous emmerde. Souvent même, des clients viennent nous voir à la maison », a martelé Coulibaly Ousmane, l’air fier de lui. Pendant ce temps, c’est l’Etat de Côte d’Ivoire qui sort perdant. Comme quoi, l’auteur de cette célèbre phrase : « trop d’impôt, tue l’impôt », n’a pas totalement tort.
Réalisé par Koffi Koffi