Mme Adjoua N’go Louise, épouse Tamini, sénatrice RHDP de la région du Bélier (départements de Toumodi, Djékanou, Didiévi et Tiébissou), après la clôture de la session ordinaire 2020 de la seconde chambre du parlement ivoirien, s’ouvre ici à Lebanco.net et dénonce la passivité de ses ‘’sœurs’’ femmes en politique, notamment pour des postes électifs.
Lebanco.net : Quelle est votre appréciation, Mme la sénatrice du Bélier, sur la création du Sénat qui est décriée par l’opposition ivoirienne ?
Mme Tamini : Permettez-moi de remercier, d’entrée, le Président de la République, SEM Alassane Ouattara, grâce à qui j’ai pu être une élue au sein de cette institution qu’est le Sénat. Au nom de tous mes pairs sénateurs, je le remercie encore pour avoir eu la sagesse de créer le Sénat car cela était nécessaire. Que Dieu lui donne la santé, beaucoup de santé afin qu’il puisse faire davantage de bonnes choses, comme la création du Sénat, pour notre cher pays, la côte d’Ivoire.
Lebanco.net : Quel commentaire vous inspire la prise en compte du genre en politique, avec la loi sur la représentation des femmes dans les institutions?
Mme Tamini : Je me réjouis de l’existence de cette loi. Et pour une fois encore, je remercie le Président de la République. Mais ce que je vais demander aux femmes, c’est de se lever, d’être des femmes battantes en politique. Ce n’est pas en étant assises dans nos salons que nous les femmes, nous allons occuper des postes. Il faut que nous soyons courageuses, que nous nous battions, il faut être sur le terrain et mériter ce qu’on veut. Si tu ne peux pas te battre, on ne peut pas te prendre. En plus nous les femmes, nous sommes, pour la plupart, complexées vis-à-vis des hommes, vis-à-vis du qu’en dira-t-on. Or nous sommes des êtres humains au même titre que les hommes. Dieu nous a créées comme il a créé les hommes. Nous sommes donc des égaux. Alors nous devons nous battre comme les hommes. Que les femmes se lèvent, qu’elles se battent pour mériter ce qu’elles veulent faire. Tant que tu ne t’es pas battue, tu ne peux rien avoir. Prenons simplement l’exemple des femmes qui vendent dans les marchés, qui se lèvent à 4 h du matin, souvent même à minuit pour aller chercher des marchandises. Ces femmes-là sont à encourager. Et moi j’appelle ces femmes-là des battantes au vrai sens du mot. Et pour elles, je remercie Madame la Première Dame, Dominique Ouattara, qui fait tout pour ces femmes en leur allouant des crédits à travers notamment le fonds FACI.
Lebanco.net : Au cours de la session ordinaire 2020 qui vient de s’achever, qu’est-ce qui vous a marquée lors des débats qui ont abouti au vote de 69 lois ?
Mme Tamini : J’ai été réellement marquée par le fait que, malgré la Covid-19 qui empêchait le fonctionnement normal de notre économie à travers les difficultés des usines, des entreprises, nous avons vu que le budget de note Etat a doublé. Cela m’a beaucoup marquée. Ensuite, il y a qu’au niveau du Sénat, le président Ahoussou-Kouadio Jeannot nous a inculqué que c’est une institution mais avant tout c’est une famille. On y trouve des sénateurs RHDP, des sénateurs PDCI-RDA et même des sénateurs indépendants. Mais quand il s’agit de voter un budget, nous nous mettons tous ensemble pour voter ce budget. On s’est toujours mis ensemble en se disant que cela doit être fait pour que le pays travaille, pour que le pays avance. Car si nous ne votons pas le budget, comment les fonctionnaires seront payés, comment le pays va-t-il travailler ? Donc, c’est vraiment très important de voter et je remercie les sénateurs qui ont compris cela.
Lebanco.net : Quel avis vous inspire le non vote d’une loi par le Sénat, du fait que les termes à l’Assemblée et au Sénat n’ont pas été identiques. Ne pouvait-on pas faire l’économie de ce blocage car vous l’avez dit, il faut voter le budget pour que le pays travaille ?
Mme Tamini : C’est vrai, nous nous mettons ensemble pour voter les textes au Sénat. Mais si, dans ces textes, quelque chose d’important a échappé aux députés, comme nous l’avons pensé, nous ne pouvons pas adopter aveuglement la loi en question. C’est donc là la raison d’être du Sénat. Car il ne faut pas voter les lois aveuglement, afin d’éviter que les gens traitent notre institution de chambre d’enregistrement.
Lebanco.net : La création du Sénat a été décriée, d’aucuns disaient que c’était une institution de trop. Après cette première législature, quel commentaire faites-vous aujourd’hui sur le Sénat ?
Mme Tamini : je considère que ceux qui disaient que c’est une institution de trop sont des gens qui ne voyagent pas. Dans presque tous les pays du monde, en effet, le Sénat existe. Et il fait beaucoup de choses. Le Président Ouattara qui a voulu la création du Sénat fait confiance à cette institution et il sait quelle est son importance pour la Côte d’Ivoire. En plus, au Sénat, ce sont des personnes âgées et donc des sages qui ont beaucoup d’expérience. Le Sénat a sa place, son importance dans le développement de la Côte d’Ivoire, notre chère patrie.
Lebanco.net : Pour des postes électifs, 100 femmes peuvent se présenter et très peu peuvent être élues. Pourquoi, pour la représentativité des femmes dans les institutions à postes électifs, le Président de la République ne nomme-t-il pas un quota important de femmes ?
Mme Tamini : Il faut faire remarquer que le Président de la République ne nomme pas des gens au hasard. Ce sont des gens qui ont de l’expérience, des compétences avérées. Des gens qui ont travaillé et qui ont fait leurs preuves dans divers domaines. Sinon il pouvait ramasser de nombreuses femmes pour obtenir le quota nécessaire au respect du genre. Mais qu’est-ce que cela va donner ? Ceci étant, pour la prochaine fois, je souhaiterais que, conformément au pouvoir que lui confère la Constitution dans la nomination du tiers des 99 membres du Sénat, le Président nomme plus de femmes que ce qu’il a déjà fait.
Lebanco.net : Lors de son passage devant les sénateurs pour la séance d’informations, la présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), Mme Namizata Sangaré, a donné l’exemple de la Mauritanie où, pour la cause du genre, les hommes doivent s’abstenir de se présenter dans des circonscriptions où des femmes sont candidates. Pouvez-vous conseiller cela, un jour, au Président Ouattara ?
Mme Tamini : Je vais être catégorique pour dire que je refuse d’adhérer à cela. Cela va à l’encontre de la démocratie. Bref, ce n’est pas cela la démocratie.
Interview réalisée par Robert-Patrice Zouhou, Correspondant régional