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Côte d’Ivoire.Dialogue politique :Volonté réelle , piège tactique ou manipulation de l’image ?

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L'invitation adréssée par le Gouvernement à l'opposition en vue de la reprise du dialogue politique pour ce lundi 21 décembre 2020, avec la participation de la société civile est la sixième de la série consacrée au processus électoral. Cette fois-ci les échanges porteront essentiellement sur la composition des Cei locales en vue de l’organisation des législatives à venir, conformément aux recommondations de la CEDEAO.

Si la représentation de l'organe chargé des éléctions dans l'imaginaire populaire et dans les médias est un sujet controversé depuis 2010 en Côte d'Ivoire, elle l’est, la plupart du temps, sur la base d’une insuffisance d'informations, d'une absence de concensus, mais surtout du fait du discours politique de l'opposition qui a très vite pris la forme d'une rhétorique sur « une gouvernance autoritaire marquant une régression démocratique et la caporalisation des Institutions dont la CEI» . 

Cette critique incessante a fini par influencer une grande partie de l'opinion publique, malgré les efforts remarquables et louables accomplis par le Président actuel de la CEI, tant du point de vue de la pédagogie de l'action, que du point de vue de l'éclairage apporté sur le contentieux que l'institution a eu à traiter et la connaissance de ses procédures et modes opératoires. Ce discours militant, en l'absence de réactions appropriées de la part de l'Institution et de l'État pendant longtemps, avait en ouvert le champ à la marginalisation de la réalité technique et juridique sur l'institution, dans le sens où aucune investigation journalistique sérieuse et aucune norme comparative régionale ne venait contredire ce discours circulant.

 Associé à un discours qui déplore un déficit démocratique et une faiblesse de la bonne gouvernance, celui-ci s'est installé progressivement dans l'opinion publique assez facilement, au point que l'opposition qui a été débouté devant la Cour Africaine des Droits de l'Homme et des Peuples sur le principal de ses demandes relativement au processus électoral, la Loi électorale et la CEI Centrale, a pu continuer à conserver et faire propérer ce discours, sous une forme communicationnelle.

 Cette démarche a été confortée par une presse d'opinion et des activistes qui sévissent sur les réseaux sociaux grace à l’emploi de raccourcis pour expliquer la compréhension de faits complexes dans des domaines de spécialité qu'ils ne maitrisent pas. L'essentiel de leur ojectif étant la quantité de la masse du public ( nombre de militants et suiveurs) qu'ils réussissent à mobiliser pour les écouter et les lire, au détriment de la qualité du contenu proposé (objectivité de l'analyse, fidélité aux faits, exactitude des données et informations).

 Ces associations et clichés sur notre pays ont suscité à leur tour, l'intérêt, l'antipathie ou la sympathie, voire l'emballement de la presse occidentale et des experts des ONG venant des pays dits "développés". Ceux-ci y trouvent une occasion d’accompagner la jeune « démocratie Ivoirienne », d'y aider à instaurer la « bonne gouvernance », d'y défendre " la liberté d'expression et les droits fondamentaux du citoyen" et d'y apporter un soutien, plus ou moins discret, au "contre-pouvoir démocratique" incarné par l'opposition. Dès lors, l'intérêt stratégique de l'opposition est de conserver ces avantages dans la bataille de l'opinion, en vue de les capitaliser au plan politique. En effet, dans cette perception de la transition démocratique en Afrique et dans notre pays qui s’appuie principalement sur les exigences de «transparence, crédibilité, indépendance et d'équilibre» des organes chargés des élections, les commentaires des partenaires, observateurs et experts occidentaux ne sont pas frontaux, mais diplomatiques et assez ambigus, de manière à relayer, en creux, le discours des acteurs locaux de la contestation ou en nuançant le discours officiel du Gouvernement par des interventions dans les médias et des débats organisés. 

Certaines chaines de télévision étangères s'en sont fait une spécialité, notamment au Cameroun, avec des supposés "sachants", ignorant tout de la réalité Ivoirienne et n'y ayant jamais conduit de mission d'étude et d'enquêtes de terrain pour les uns, pour les autres n'y ayant jamais même séjournés. Quant aux partenaires et acteurs locaux du processus, ils agissent en redonnant sens à cette critique et en traduisant en une réalité concrète les préconisations et recommandations avancées par les experts internationaux, les pays amis et les organisation régionales à la circonstance de leurs médiations et à l'occasion des réunions réduites et très sélectives de "renforcement de capacité" qu'ils animent. Ces recommandations ont démarré de façon traçable en Côte d'Ivoire depuis 2000 et elles se poursuivent encore aujourd'hui à travers un dialogue national, devenu "permanent" par la force des choses, après plusieurs accords politiques et plusieurs crises électorales.

Il est légitime de se demander : combien de temps il nous faut pour parvenir à un consensus solide et une réconciliation vraie ? N'avons nous pas d'autres défis, au moins aussi importants à relever ? N'avons nous pas d'autres préoccupations et programmes politiques que l'élection et la réconciliation ? Pourquoi cette représentation contrastée, voire ce préjugé négatif de la CEI et comment changer cette perception ou cette image dans l'opinion ?

Il y a la discrétion de l'Institution qui n'a pas permis de bien la faire connaître ( attributions, mode de fonctionnement, missions), mais surtout la description qu'en donne un discours politique déformateur et biaisé, qui passe sous silence les progrès réalisés à travers les différentes réformes de l'Institution et accrédite la thèse complotiste d'une intention toujours frauduleuse du pouvoir, traduisant en réalité un déficit de confiance et une référence mémorielle aux pratiques du passé, issues du parti unique. Ces représentations partiales et partielles fabriquées de toutes pièces pour justifier des attitudes et des stratégies politiques, ont , néanmoins, un fort impact sur l’imaginaire collectif, et influencent la perception de la CEI dans l'opinion, y compris chez des esprits indépendants. 

Nous avons davantage affaire au pouvoir performatif du discours qu'à la production de preuves incriminantes, qui exerce, selon le mot très juste de Pierre Bourdieu, la « violence symbolique » décrite dans "Le sens pratique" (Paris, Éd. de Minuit, 1980). C'est un processus de naturalisation où la suspicion devient la norme légitime, plutôt que la confiance légitime comme en Occident, qui est telle, qu'il n'est point besoin d'une structure administrative dite "indépendante" pour y conduire et superviser les élections. Le Ministère de l'intérieur y suffit, parce qu'on a confiance en l'Etat jusqu'à preuve du contraire. Ici, nous n'attendons point cette preuve du contraire, nous lui préférons le perfectionnement de cet instrument pour appuyer la promotion de la transition démocratique. C'est une norme et les réprésentations défavorables que nous avons à priori des arbitres et des processus électoraux vont de soi, elles sont naturelles et "logiques", de sorte qu’elles maintiennent et renforcent des rapports de force et la conflictualité politique. C'est dans ce contexte et au sortir d'une élection très crispée, émaillée de violences, que la nécessité d'un dialogue reapparaît, pour prévenir de nouvelles violences dans le cadre des législatives à venir, obtenir un consensus sur l'essentiel du processus électoral en vue de réconciler la classe politique sur ce point et permettre des élections inclusives.

Trois critiques peuvent être formulées contre la façon d'inititier et de conduire ce dialogue dans le but de « réformer» le processus électoral. La première critique est relative à la définition des termes de référence dont l'adoption procède d'une « insuffisance » de concertation préalable et d'une "absence" de règles précises dans la production d'un ordre du jour et d'un calendrier, voire la définition du cadre de discussion, par exemple, l'arrêté d'un cadre prévoyant à côté des acteurs locaux, des experts indépendants et la liste des participants et observateurs extérieurs. La deuxième critique porte sur le contenu des supports des discussions à venir, parce qu'ils semblent dépourvus de suggestions locales, si tant est que l'on s'en tienne uniquement aux recommandations de CEDEAO, voire aux injonctions de la CADHP sur le sujet. Par exemple, l'on aurait pu demander à la CEI, fort de son expérience, et au Parlement à travers une commission ad'hoc de faire également des suggestions ou de produire des rapports servant de matériel de travail. Dans cette configuration, l’évaluation de l'expérience pourrait être considérée comme le principal moteur de l’objectif à atteindre. Ceci peut permettre de dégager des angles originaux d'approche au plan pramagtique. La troisième critique, concerne l’impératif de donner du temps aux participants pour s'organiser, s'imprégner des TDR et élaborer leurs propositions et recommandations tout en respectant les contraintes constitutionnelles et gouvernementales, et le rôle de chacun dans cette nouvelle réforme suivant non pas des positionnements politiques et idéologiques, mais des principes démocratiques ( c'est la majorité qui tranche le débat à un moment donné) des droits de l’homme et du citoyen qui font l’unanimité au plan national et international, formant ainsi une sorte de dogme en matière électorale. Avec ce dogme, le participant est foncièrement un militant de la vérité, de la justice et de la liberté, plutôt qu'un militant ou un représentant d'un parti politique ou d'une plate-forme politique. Autrement dit, il faut d'entrée dépolitiser la discussion à venir, en la rendant technique et neutre d'avance. Ces trois registres de critique sont de nature à favoriser la rationalisation du dialogue et l’émergence d’une analyse critique autonome et fructueuse de notre système électoral, capable de faire surgir un concensus sur la réforme envisagée pour garantir la sincérité du scrutin et la liberté d'expression du peuple. C'est une question méthodologique, d'autant plus qu'avec les avancées de la révolution numérique, limitant les interventions humaines, donc les risques de manipulation et d'erreurs matérielles, il convient davantage d'orienter tout le système dans cette direction ( investissement dans l'acquisition de matérels modernes de collecte et de traitement des données) et les procédures de contrôle physiques et informatiques, plutôt que de se focaliser sur les personnes qui animent le système.

CONCLUSION

Le débat aujourd'hui, à l'ère post moderne repose sur les outils conceptuels, l'imbrication des nouvelles technologies dans le processus, la qualité du support juridique, l'incorporation de l'expertise acquise en matière électorale dans le pays, la région et dans le monde entier, la résolution des problèmes structurels et ponctuels qui caractérisent notre spécificité, par exemple, la faiblesse de notre Etat-Civil pour accroître le nombre d'inscrits sur les listes électorales et l'intégration de notre évolution démographique et de notre administration territoriale dans le découpage des circonscriptions électorales, ect.....

L'opposition doit abandonner sa position de déni de la légalité constitutionnelle pour s'engager, de manière effective et désintéressée, dans la promotion d'une meilleure gouvernance de la transition démocratique, et le pouvoir doit démontrer sa bonne volonté et sa disposition au dialogue, en ne le sabordant pas par le manque d'une méthodologie claire, inclusive et rationnelle permettant une réelle préparation des discussions, donc un véritable dialogue, que l'opposition aurait tort de refuser une fois de plus, sous peine d'exaspérer l'opinion nationale et internationale et de décrédibiliser son discours.

SOUMAREY Pierre Aly




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