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Politique

Le droit de tuer sans jugement


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Il faut lire « Assassinats ciblés. Critique du libéralisme armé » d’Amélie Férey. Le livre de la chercheuse française au Centre de recherches internationales de Sciences-Po paru aux CNRS Editions à Paris aborde, sous un angle non idéologique, la problématique que posent les meurtres ciblés au regard du droit.

Comment fait-on la guerre au XXIe siècle ? 

« Principalement par drones, en éliminant l’ennemi avant qu’il ne nuise. Au Yémen, en Afghanistan, en Palestine ou au Pakistan, ces opérations dites d’« assassinats ciblés » surviennent à l’abri des regards. Pratiques d’abord largement décriées en Europe et outre-Atlantique, elles se sont banalisées à partir des années 2000 dans le contexte de la guerre contre le terrorisme. Elles questionnent pourtant la conception traditionnelle d’une violence légitime en démocratie ».
On s’en rend bien compte à la lecture de cette analyse singulière : Il n’y a pas que les dictatures qui assassinent leurs opposants, les démocraties aussi peuvent éliminer des adversaires qui menacent gravement leur sécurité.

 « Cette pratique des assassinats ciblés, d’abord honteuse, est de plus en plus assumée par des démocraties comme Israël ou les États-Unis. Ces deux derniers pays ont tenté de les encadrer par un minimum de garanties, sans grand succès tant il leur faut combiner deux impératifs contradictoires : le secret et la transparence, le droit de tuer et le droit à la vie pour tous ». Ce sont ces débats qu’a instruits Amélie Férey, qui montre la fragilité des échafaudages juridiques confectionnés par les démocraties pour justifier des tueries arbitraires sans jugements.
Le problème des assassinats ciblés, soutient un juriste, « c'est que le droit a une volonté de donner de l'ordre au réel dans le cadre de la guerre, à limiter la violence, et les assassinats ciblés viennent brouiller les frontières existantes entre ce qui est la guerre et ce qui n'est pas la guerre, ce qui est un civil et ce qui est un combattant, ce qui est un Etat et ce qui n'est pas un Etat ».

 Ce brouillage conceptuel est à l’origine de toutes les dérives et annonciateurs de pires lendemains pour les droits humains ; chaque Etat peut définir sa liste de personnes à abattre, en utilisant toutes sortes d’artifices pour la rendre acceptable au plan éthique.
La «culture de l’assassinat ciblé», ou le mythe du meurtre propre
C’est le titre d’un article de Philipp Dahm paru sur le site bluewin.ch et analysant le recours désormais fréquent aux drones armés pour tuer à des milliers de kilomètres.
Les assassinats effectués à l’aide de drones, comme celui de Qassem Soleimani en janvier par les Etats-Unis, sont devenus quelque chose de normal à l’heure actuelle, soutient-il, sur la base d’une étude selon une étude réalisée par l’organisation Drone Wars, qui a évalué les attaques de ce type et les réactions à celles-ci entre 2015 et 2018. L’intérêt de l’étude, est qu’elle met en cause le secret d’Etat, la propagande – et les médias.
«Il est incontestable que les drones ont favorisé et normalisé une culture de l’assassinat ciblé», résume Chris Cole, directeur de Drone Wars, dans une interview accordée au journal britannique «The Guardian». Cette culture «érode les normes du droit international et rend le monde plus dangereux», ajoute-t-il.
Selon l’étude, trois raisons permettent d’expliquer pourquoi des informations telles que la découverte en février 2017 d’une liste britannique de cibles d’opérations de drones ne suscitent plus l’émoi.

 Tout d’abord, grâce au secret d’Etat, certaines opérations peuvent même ne jamais être révélées au grand jour.
Néanmoins, « si l’opération a été dévoilée ou délibérément rendue publique, les responsables réagissent en employant la propagande pour justifier l’assassinat. Ce deuxième point affecte le troisième facteur, précise l’étude: si les médias ont repris ce jargon sans y opposer la moindre critique, ils ont encouragé une indifférence générale vis-à-vis du sujet ».
Ces attaques, qui reposent sur des bases fragiles d’un point de vue juridique, donnent toutefois matière à discussion, selon l’étude. En termes simples, poursuit Philipp Dham, les assassinats ciblés ne sont légaux que si un Etat se défend contre un danger imminent. Le problème est qu’en pratique, la dangerosité ou l’urgence d’une situation est sujette à interprétation.
Un nombre croissant de drones et d’opérations meurtrières


D’après une étude réalisée l’an dernier, « 95 des 101 Etats examinés comptaient des drones dans leur arsenal, contre 60 en 2010. Les appareils proviennent des Etats-Unis, d’Israël et de Chine et sont particulièrement utilisés au Moyen-Orient à l’heure actuelle : dernièrement, une attaque de drone menée par les rebelles houthis contre une mosquée au Yémen aurait fait plus de 80 morts.
Et le Pentagone envoie de plus en plus de drones au combat: entre 2001 et 2009, sous George W. Bush, 51 attaques de drones se sont produites selon une estimation du Bureau of Investigative Journalism. Sous Barack Obama, jusque 2016, ce chiffre a grimpé en flèche pour atteindre 1878 attaques, alors que Donald Trump aurait ordonné à lui tout seul 2243 opérations au cours des deux premières années de son mandat ».
Néanmoins, même si une large discussion sur ces drones de la mort devait s’engager, il y a un hic, indique l’étude : presque personne ne connaît le nombre de victimes de ces appareils – et il ne s’agit pas seulement des cibles militaires, mais aussi et surtout des dommages dits collatéraux. Ce terme, qui désigne les victimes involontaires et les effets indésirables de combats, n’a vraiment été connu du public qu’en 1999 avec la guerre du Kosovo…
Comment combattre efficacement ces tueries extrajudiciaires qui se sophistiquent alors qu’elles sont l’œuvre de pays considérés comme de grandes démocraties devant protéger le premier des droits de l’homme, le droit à la vie ?

Valentin Mbougueng




















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