La gare nord de la Société des transports abidjanais (Sotra) située dans la commune d’Adjame, à un pas de la nouvelle gare routière, est devenue depuis quelque temps une vache à lait pour des éléments de la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d’Ivoire (Fesci).
Sous le fallacieux prétexte de donner un coup de main, pour faire monter les usagers dans les autobus en ordre, ils procèdent plutôt au rackette de certains d’entre eux.
Nous avons été témoin de cet acte peu recommandable pour des étudiants, en début de soirée du mardi 22 juillet 2020.
C’est aux alentours de 19 heures 13 minutes, que nous arrivons à la gare nord. L’endroit fourmille d’usagers, qui courent acheter leurs tickets dans les guérites et gagner rapidement le quai de l’autobus, qu’ils doivent emprunter. Les rangs sont tellement longs, qu’il faut se battre pour ne pas partir de là tard. Après avoir pris le ticket, nous nous mettons dans le rang des passagers de la ligne 08 à destination du quartier Akeikoi situé dans la commune d’Abobo. Le rang est très long. Las d’attendre, plusieurs usagers ont les nerfs à fleur de peau. Ils sont animés de la colère et n’attendent que l’arrivée de leur bus et leur tour pour rentrer chez eux.
Après une dizaine de minutes d’attente, un jeune homme vêtu d’un tricot noir, porté sur un pantalon jogging bleu noir, sillonne les rangs. Il dit en substance que celui qui est pressé, peut prendre contact avec lui. Nous n’avons pas vraiment prêté attention à son message.
Trois autobus de la ligne 08, ont été lancés entre 19 heures 31 minutes et 20 heures. Et chaque fois, certaines personnes qui étaient dans le rang se plaignaient de ce que des gens sortis de nulle part, arrivés après eux, montaient dans les autobus pour s’en aller.
Toujours est-il que quand un autobus 08 ou un 16, dont le quai est voisin de celui d’Akeikoi approchait, les jeunes chargés de faire monter les passagers, étaient submergés par plusieurs personnes. Et cela ne faisait qu’exacerber la colère de ceux qui ont poiroté plusieurs minutes sans avoir accès à un bus, afin de rentrer chez eux. Surtout que malgré le départ des autobus, ils ne bougent pratiquement pas de leurs places. Alors qu’un autobus est autorisé à embarquer 45 passagers.
C’est vers 20 heures 5 minutes, que nous avons pu réellement comprendre toute la magouille qui a lieu, avant la montée des clients à bord des mastodontes.
Le premier fait qui a attiré notre attention, est une scène qui s’est produite entre le jeune homme, qui sillonnait les rangs en vue d’aider les personnes qui étaient pressées de quitter les lieux et une dame.
La dame en question, la cinquantaine révolue à l’apparence, ne voulait pas faire le rang. Puisqu’elle s’est placée non loin de l’entrée du quai, d’où les passagers montaient dans l’autobus. Le jeune homme, qui selon les commentaires des usagers, est un membre de la Fesci, a dit en substances a la dame : « la tanti tu vas donner 100 Fcfa si tu veux monter. Ton petit va boire l’eau ».
Il a répété la même phrase à l’endroit d’une autre femme qui semblait tout aussi pressée de s’en aller.
Poussant notre curiosité, nous échangeons avec celui qui nous suivait dans le rang. « Les jeunes qui font monter les passagers dans les autobus sont de la Fesci. Ils sont à la base du désordre qui règne à la montée des passagers parce qu’ils sillonnent les rangs et proposent de faire partir celui qui leur remet une pièce de 100 Fcfa ou 200 Fcfa. La plupart des gens qui empruntent le 08 les connaissent. L’attroupement qui se fait à l’embarquement des passagers, est de leur faute puisqu’ils doivent coûte que coûte faire monter les personnes à qui ils ont pris de l’argent. Ce n’est pas sérieux de leur part, car en agissant de la sorte, ils retardent ceux qui font le rang normal », dira notre interlocuteur, qui était vêtu d’une tunique de couleur rouge foncée et d’un pantalon de la même couleur.
Plus grave, soutient notre voisin, « ces jeunes de la Fesci imposent leurs quotas aux machinistes de la Sotra à une certaine heure, généralement à partir de 19 heures ».
C’est suite aux propos tenus par ce voisin, que nous avons compris la véritable teneur du message donné par le fesciste, qui sillonnait les rangs.
D’ailleurs, celui qui nous précédait dans le rang, l’a confirmé en ces termes : « le jeune homme qui est passé près de nous tout à l’heure en parlant, passait un message voilé à ceux qui voulaient partir moyennant de l’argent ».
A l’heure de notre départ de la gare nord, aux environs de 20 heures 30 minutes, c’est le même scenario qui s’est produit. Un attroupement à côté de la porte d’entrée de l’autobus. Un brouhaha indescriptible s’en est suivi. Car l’heure des derniers départs approchait allègrement.
Mais malgré les plaintes, les jeunes gens de la Fesci ont pu insérer ceux qu’ils ont rançonnés. Quand il a su que le quota était pratiquement atteint, le machiniste de la Sotra a demandé 7 personnes. Mais ce sont 10 qui sont finalement montés. Et l’autobus est reparti avec 55 passagers contre 50, qu’il est autorisé à charger.
Les agissements des jeunes de la Fesci s’assimilent à tous points de vue à ceux des syndicalistes du transport public, connus sous le pseudonyme de ‘’gnambros’’. Qui chargent les minicars ou gbakas moyennant de l’argent. Sauf que dans le cas précis de ces militants de la Fesci, ce n’est pas le chauffeur qui débourse l’argent mais le voyageur.
C’est une mauvaise pratique qui est en train de prospérer progressivement à la gare nord de la Sotra. Et contre laquelle des mesures draconiennes doivent être prises dès à présent, pour arrêter ces agissements, à l’encontre des usagers de la Sotra empruntant la ligne du 08.
Jeremy Junior
