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L’Enquête du jeudi : pluies diluviennes, éboulements de terre, inondations, destructions des vies et des biens : A qui donc la faute ?

En Côte d’Ivoire, particulièrement à Abidjan, pendant la saison des pluies, le mois de juin est un véritable cauchemar pour les populations vivant dans la zone Nord de la capitale économique (Abidjan Nord). Ce sont en effet des pluies diluviennes, occasionnant des éboulements de terre, des inondations, ainsi que des pertes en vies humaines, qui se produisent dans cette partie de la ville.

Ces faits sont pourtant bien connus de tous, ainsi que les facteurs qui les occasionnent. Alors pourquoi se produisent-ils chaque année ? A qui donc la faute ?

Nous avons, pour notre part rencontrer des personnalités de l’administration publique des ministères en charge de la Ville, de la Construction, de la Salubrité et de l’Assainissement ainsi que la Sécurité à travers l’Office National de Protection Civile (ONPC) pour en savoir plus sur ce qu’il convient d’appeler désormais ‘’ le drame saisonnier ivoirien’’.

Le ministère de la Construction, de l’Urbanisme et du Logement qui est beaucoup accusé ici et là se défend . A la question de savoir pourquoi des morts à chaque saison des pluies, voici ce qu’en dit Messou Oi Messou, directeur général de Construction. « Nous savons que le niveau de pluies a largement dépassé les prévisions. On ne maîtrise pas toujours dame nature. Je pense que les populations font un mauvais usage des caniveaux. Quand on construit là où il ne faut pas, les conséquences ne peuvent qu’être malheureusement dramatiques » déplore-t-il, accusant même les victimes d’incivisme.


Repenser une nouvelle ville


Le Directeur de la Construction insiste sur le fait que son département a pleine conscience de ses responsabilités. Il reconnaît cependant que les textes pour réduire les risques de catastrophes étaient caducs. C’est pourquoi le ministère de la Construction a mis en place des textes plus corsés avec des amendes allant de 50 à 100 millions F CFA pour tout contrevenant.

M. Messou cite entre autre la destruction des quartiers précaires, la révision du code de l’habitat et de la construction, la création d’un guichet unique du permis de construire, la mise en place d’une brigade de contrôle. Tout ceci, pour s’assurer que les populations ne s’installent pas sur les sites non constructibles, notamment sur des bassins d’orage.


Au ministère de la Ville, département créé en 2018, Gnoléba Koupo, conseiller technique, affirme qu’une politique nationale de la Ville a été mise en place, en prévision des dangers que courent les populations, vu le fort taux d’urbanisation.

« Le ministère est venu pour résoudre la question du désordre urbain, la planification urbaine et la qualité de vie des concitoyens. Mais ceci passe par la coordination des actions sectorielles avec les ministères concernés.

Le schéma directeur de la ville d’Abidjan qui date de 1973 n’a été revu qu’en 2019. Or pendant ce temps, Abidjan est passée d’un million d’habitants à près de 6 millions. Il nous faut donc repenser une ville nouvelle. On a malheureusement fait le constat que même en dépit des déguerpissements, les bétons ne sont pas détruits, pourtant il le faut afin que des espaces verts soient créés. Mais il faut que tous les ministères concernés se mettent ensemble pour plus d’efficacité » souhaite- t-il.


L’Etat continue d’investir de fortes sommes et pourtant ? ….


Le cadre de vie des citoyens dans un environnement sain a toujours été la préoccupation du Président de la République, Alassane Ouattara depuis son accession à la magistrature suprême en 2011.

C’est pourquoi, d’importants investissements ont été faits pour limiter au maximum les inondations et construire des infrastructures ( caniveaux, bassins de rétention d’eau, …) dans les zones à risques afin que l’eau rejoigne sans difficulté son lit naturel c’est-à-dire la lagune.

Pourtant, à chaque saison pluvieuse, l’on a l’impression que rien n’a été fait.

Tapé Zékré, conseiller technique au ministère de la Salubrité et de l’assainissement, cheville ouvrière des grands travaux de drainage ne dit pas le contraire. Il reconnaît que plusieurs drainages ont été mal maîtrisés. Surtout à la célèbre Rue Ministre à la Riviera dans la commune de Cocody. « Neuf zones à risques continuent d’être habitées. Les bassins d’orage sont constamment agressés. Les agents techniques font ce qu’ils peuvent pour construire et curer les caniveaux. Nous sommes malheureusement confrontés chaque année à des drames à la Rue Ministre parce que des sites qui ont été identifiés comme à risques sont toujours habités, ce qui empêche le ruissellement normal des eaux. Or il faut absolument que ces bâtiments soient démolis afin que les agents du drainage puissent correctement faire leur travail » insiste-t-il.


Et la situation des quartiers précaires ?


Toutes ces personnes interrogées sont unanimes qu’il y a d’énormes efforts à fournir pour mettre fin à ce cycle infernal qui occupe l’actualité nationale chaque année.

Toutefois, ces responsables des ministères de la Construction, de la Salubrité et de l’assainissement et de la Ville appellent les populations à quitter les zones à risques, au respect des mesures d’urbanisme (éviter de construire dans les zones à risques), au respect des règles environnementales en ne jetant pas les ordures dans les caniveaux.

Au gouvernement, ces responsables insistent sur les sanctions par démolition systématique de tous les sites et habitations construits sur les zones à risques.

Autre souhait des responsables des ministères concernés et qui revêt du volet social et humanitaire, c’est la réinstallation des personnes déguerpies. Surtout les familles pauvres des quartiers précaires.

Ni le ministère de la Construction ou de celui de l’Assainissement encore moins de la Ville n’a donné de réponse satisfaisante à cette question, indiquant que seul le gouvernement devra trouver un site à moyen terme, pour réinstaller toutes ces familles dont les habitations se sont effondrées du fait des fortes précipitations.

En fait, cela est d’autant plus primordial qu’aussi bien à Yopougon, Abobo qu’Anyama, les prochains spectacles macabres des catastrophes, consécutifs aux inondations, glissements de terrains et pluies diluviennes pourraient venir de ces communes qui regorgent de quartiers précaires. Où les menaces en la matière sont chaque année un peu plus prononcées du fait de l’érosion pluviale que subissent les sols.


Yopougon compte plusieurs zones à haut risque

.Au quartier Gesco, dans le secteur appellé Pays-Bas, où nous nous sommes rendus le jeudi 25 juin 2020, des maisons sont construites dans des bas-fonds et sur des flancs de collines faites de terre argileuse. Pour y accéder, il vous faut impérativement monter ou descendre une côte. Pareille pour Jean Paul 2, un sous quartier situé entre Yopougon Toit Rouge et Attécoubé Santé.

Dans cette autre agglomération située derrière le cimetière municipal de Yopougon, appelée Niagon Attié ou encore Atiésso, des maisons modernes basses et même en étages sortent de terre dans des bas-fonds.

Même décor à Mossikro et Santé dans la commune d’Attécoubé. Des habitations sont également construites sur des flancs de collines, avec des branchements électriques anarchiques. « Nous sommes conscients des dangers auxquels nous sommes exposés. Le gouvernement nous demande de quitter nos lieux d'habitations. Mais, pour quelle destination ?», s’interroge Traoré Maïmouna, une habitante de Mossikro.

Habitations au bord de l’effondrement

Au Camp-Militaire, la situation du sous quartier le Vatican est très préoccupante. Les fortes pluies qui se sont abattues sur le grand Abidjan ces derniers jours, ont détruit les clôtures de plusieurs habitations situées à proximité d'un gros ravin, comme ce fut le cas pour la Cité Coprim, Niangon nord, il y a quelques années.

Pour se protéger des dégats causés par les pluies, certains riverains du quartier Vatican ont construit des murs entre ce trou et leurs habitations.

« Les dernières pluies qui sont tombées ont cassé une partie des murs de ma maison. Et l'eau est entrée jusqu'au salon et dans les chambres. Nous craignons que le pire arrive avec l'élargissement de cette voie d'eaux usées », nous dit très inquiète Mme Zogbé Patricia.

Sur le chemin de retour du Camp-Militaire, nous faisons un crochet au quartier Doukouré, l'un des plus grand quartiers malfamés appelés Sicobois dans la commune de Yopougon, situé non loin du Complexe Sportif.

En plus d'être une zone à risque, ce quartier précaire est caractérisé par une insalubrité notoire.

« En 2018, lors de la saison des pluies, plusieurs maisons ont été inondeés par l'eau. Et nous avons perdu un enfant de 2 ans. Le Maire avait promis nous réinstaller, mais nous sommes toujours là », relate Karamoko Ladji, un vieillard rencontré devant sa cour.

A quelques kilomètres de là, une autre situation met les riverains du quartier Ananeraie dans la gêne. En effet, lorsqu'il pleut abondamment, certains voient leurs domiciles envahit d’eaux.

« Chaque année, pendant la saison des pluies, l'eau s’infiltre dans nos maisons. Cette année encore, précisement le jeudi dernier, l'eau est entrée chez moi tard dans la nuit. Nous l’avons vidée jusqu'au petit matin », explique Mme Amenan Clarisse.

Après avoir interrogé un agent de la Société de distribution d'eau de Côte d’Ivoire (SODECI), qui a recquis l'anonymat, nous apprenons que cette situation est dû au fait que les tuyaux de la Sodeci sont aujourd’hui dépassés par rapport à la quantité très élevée qu’ils doivent drainer.

« Puisque les tuyaux sont petits, ils n'arrivent plus à évacuer tout le volume d’eau. Donc, c'est la quantité d'eau qui n'arrive pas à passer dans les tuyaux, qui revient et pénètre dans les maisons en transitant par les regards », explique-t-il.

Vu les dangers auxquels sont exposés les populations des zones à risque de la commune de Yopougon , qu’est-ce qui est prévu par la Mairie ? Cissé Bakary, chargé de communication de la mairie de Yopougon, a bien voulu nous donner la réponse suivante : « avant l’avènement des pluies, nous avons mené des actions de sensibilisations auprès des populations des 20 zones à risques que nous avons recensé, pour leur demander de quitter ces lieux. Mais en termes d'actions concrètes, nous comptons tout d'abord déguerpir les populations des zones à hauts risques et ensuite les recaser sur d'autres sites, plus sécurisés », explique-t-il.

Pour ce qui est du sous-quartier Vatican de Yopougon Camp-militaire, M. Cissé a indiqué que des travaux d'aménagements devraient débuter après la saison pluvieuse, pour freiner l'érosion du sol dans cette zone. Mais, il précise que le démarrage des travaux a été reporté à cause de la Covid-19.

Anyama toujours sous la menace des éboulements

De véritables risques d’inondations planent encore sur des familles vivant dans des maisons construites sur des sites à risques, dans la commune d’Anyama.

La majeure partie des constructions concernées par le problème sont installées sur des flancs de collines, dans des bas-fonds ou non loin de zones marécageuses.

Le cas du quartier Mangaladja , qui a enregistré à la fin juin 2020 le plus de morts du fait des inondations, en est une parfaite illustration. Le quartier est situé derrière le bureau de poste de la commune, sur un relief accidenté, débouchant sur un bas-fond.

Le jeudi 25 juin 2020 aux environs de 22 heures, une semaine après le drame survenu au quartier « Derrière rails », une famille composée de cinq membres a failli être engloutie sous une habitation. Si l’on s’en tient au témoignage de dame Konaté Fatoumata, une des filles du défunt propriétaire de la cour commune en question.

Les faits tels que rapportés par Fatoumata, font état de ce que le chef de famille, exerçant le métier de chauffeur de taxi, après être rentré chez lui, ayant remarqué les fissures du mur suite aux pluies diluviennes, a demandé expressément à son épouse de quitter les lieux avec les enfants.

Juste après le départ de toute la famille, la maison s’est écroulée. Le flair du père a permis de sauver, in extremis, la maisonnée et toutes les affaires.

Le chauffeur a trouvé refuge chez l’un des frères de Fatoumata. Qui n’a fait aucune difficulté à accueillir les sans-abris.

Depuis la survenue de l’incident, les voisins de l’infortuné chauffeur n’ont pas le cœur tranquille. Ils y vivent la peur au ventre.

Aussi, certains de ces locataires refusent-ils de dormir dans leurs maisons. Ils préfèrent passer la nuit dans la maison de Fatoumata et sa génitrice. Qui éprouvent également le même sentiment.

Mais la mère de Fatoumata, une octogénaire, n’a nulle part où aller. De surcroit, la cours en question est l’héritage que son défunt époux lui a laissé. C’est le loyer des différentes maisons de la cour qui lui permet de subvenir à ses besoins. Abandonner la maison, au prétexte qu’elle est située sur un flanc de colline, serait une mort certaine pour cette veuve. Qui n’a d’ailleurs pas les moyens financiers pour s’offrir un terrain, afin d’y bâtir une nouvelle demeure.

Le sentiment de peur est partagé par dame Coulibaly Fatoumata, commerçante, résidant dans le même quartier, et qui se trouve être une amie à la mère de Konaté Fatoumata. « A cause des inondations qui sont monnaie courante en ces temps de saison pluvieuse, j’ai peur que notre maison ne s’écroule une nuit au cours de notre sommeil sur mon époux et nos 6 enfants », explique Coulibaly Fatoumata.

Elle aurait bien voulu déménager de Mangaladja. Mais le hic est que son époux, qui travaillait au port autonome d’Abidjan, est sur le carreau. C’est le revenu de son petit commerce qui permet de nourrir la famille.

Des habitants du quartier Nafana, localisé derrière le groupe scolaire GDS, sont tout aussi exposés aux intempéries des pluies torrentielles que ceux de Mangaladja.

Le site le plus exposé est situé dans un bas-fond et plus précisément dans une zone marécageuse. A quelques pas d’un marigot.

Une zone qui est censée recueillir les eaux de pluies et qui est plutôt occupée par plusieurs habitations de fortune.

Sita Diallo commerçante, vivant chez son mari ferronnier et Kouyaté Maimouna commerçante, voisines de cour, ont affirmé qu’elles y vivent la peur au ventre, suite à la tragédie survenue au quartier Derrière rails. Surtout que leurs maisons sont situées au premier plan du bas-fond. Du coup en cas d’éboulement de terrain, leurs logements seront touchés en premier lieu.

Mais également par manque de moyens financiers que leurs maris n’ont d’autres choix que de rester là.

C’est la même situation qui est vécue par Koné Mariam commerçante et Coulibaly Salimata, qui résident au quartier Zoulou toujours à Anyama chez leurs conjoints.

Elles affirment vivre avec la psychose d’inondations, qui pourraient leur coûter la vie

Koné Souleymane, guérisseur, qui habite au quartier Schneider, une maison construite dans un bas-fond situé à près de 200 mètres de l’école primaire publique Plateau, adopte une autre attitude en cas de forte pluie.

En tant que responsable du quartier, il nous apprend que lorsque de fortes pluies tombent, il réunit des habitants pour veiller, afin de parer aux éventuels dégâts.

Les eaux de pluies ont causé, à l’en croire, des trous béants dans le secteur et qui ne font que s’agrandir au fil des années.

La résidence du père de Amani Yao, un étudiant vivant dans le quartier, est menacée par l’un de ces trous, situé à proximité.

L’étudiant confie, que son géniteur mène des démarches en vue de stopper l’agrandissement continue du trou et réhabiliter la route, qui va de l’école Plateau jusqu’au bas-fond.

Il n’y a pas qu’à Anyama que la menace d’éventuelles inondations plane.


Ce ravin qui prend du volume chaque année

La commune d’Abobo, que nous avons également sillonné, est aussi concernée.

Les risques sont perceptibles au niveau de plusieurs habitations, situées derrière le Chr. On constate à première vue des habitats construits dans des bas-fonds. C’est le cas de la mosquée “Salam 1’’. Sa cour arrière est inondée d’eau. Seul le petit portail est accessible.

La situation est également préoccupante pour des habitations situées au quartier Plaque, à quelques mètres de celui situé derrière le Chr.

Plus grave dans ce quartier est la présence d’un grand ravin, situé vers le collège Grace, qui s’agrandit au fil du temps, au bas duquel sont construites des maisons occupées par des personnes.

Ce ravin, qui représente un grand risque pour les habitants, continue de prendre du volume, puisque à chaque pluie le sol s’érode. Et jusque-là, aucune solution n’a été trouvée pour y faire face.

Au sous-quartier Yacouba à Akeikoi-extension, il a fallu de peu pour qu’une famille soit emportée par les eaux de ruissellement.

Parlant sous le couvert de l’anonymat, la mère de famille affirme que les murs de la maison où elle vit avec ses enfants, se sont écroulés le jeudi 25 juin 2020 au environ de 10 heures, suite à la pluie diluvienne. Les membres de la famille, fort heureusement, ont échappé à la mort. Toutes les pièces ont été envahies par l’eau.

Conséquences : les appareils électro-ménagers, ont été endommagés. Sans compter les vêtements, les chaussures et tous les autres effets de la famille, déclare-t-elle. Ce qui, selon ses propos, ne s’est jamais produit auparavant. Elle affirme par ailleurs que c’est par contrainte qu’elle est restée avec les siens. Tout simplement parce qu’il lui a été difficile d’avoir une maison jusque-là.

Le spectacle est tout aussi désolant au quartier Avocatier et à Bocabo.

Lors de notre passage dans ces quartiers, le lundi 29 juin 2020 aux environs de 14 heures, sous une pluie battante, nous avons pu constater de visu que l’eau entrait dans certaines maisons.

Aboubacar Barry,Jérémy Junior,Arielle Kouamé (stagiaire).I. Sékou Koné








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