Le sceptre du COVID19 plane sur l’humanité. Apparue à Wuhan, en Chine, la maladie a d’abord détendu son manteau de deuil sur l’Occident puis l’Afrique. Le bilan macabre évolue chaque jour à un rythme effrayant, faisant de cette pandémie l’événement le plus funeste de ce début de 21e siècle. Les conséquences sont terribles : morts en cascade, effondrement de l’outil économique, crise sociale et humanitaire. Face à cette guerre totale qui ne dit pas son nom, la mobilisation générale a été décrétée partout. Si le sacrifice est considérable pour tous et dans tous les pays, la responsabilité de la diaspora, elle, est particulière, car double : elle doit agir en amont dans le pays de résidence et en aval en Afrique.
Avant de se porter au secours de l’Afrique, la diaspora doit d’abord jouer pleinement son rôle de résident ou de citoyen modèle en faisant corps avec la communauté d’accueil contre le péril du COVID19. Elle doit dans cette veine mettre à contribution toutes ses ressources intellectuelles, matérielles et morales au service de la communauté. L’effort minimal demandé à tous à cet égard est le respect strict des consignes de sécurité énoncées par les pouvoirs publics. Il faut éviter à tout prix d’être des vecteurs de cette maladie. Le niveau de qualification de la diaspora africaine constitue un atout. Ils sont nombreux, nos médecins, infirmiers, aides-soignants en première ligne du combat. Ils sont nombreux aussi, nos scientifiques, biologistes, qui s’affairent dans les laboratoires à trouver des remèdes au mal. Ils sont nombreux enfin nos économistes, nos informaticiens, nos sociologues et spécialistes des sciences humaines et sociales qui réfléchissent à la gestion de la crise sociale et économique et qui préparent le monde de demain. C’est le lieu de leur rendre un vibrant hommage et les encourager à donner le meilleur d’eux même. Nous sommes fiers d’eux et rêvons qu’au sortir de cette crise, des membres de notre communauté rentreront dans l’histoire pour leur contribution exceptionnelle à la lutte contre la pandémie.
Bien sûr l’Afrique, notre cher continent ne doit pas être oublié. Une fois la tempête passée en Occident, il faudra aider le continent à se relever et accroitre sa résilience. Pour l’heure, si la crise sanitaire semble maitrisée, la crise sociale et humanitaire, elle, est déjà profonde. Le chômage déjà inquiétant a explosé et tous les secteurs d’activités sont sinistrés, alors même que les États sont exsangues. Selon les ministres africains des finances réunis le 31 mars 2020, « l’économie africaine est confrontée à un ralentissement profond, synchronisé et ne pourra s’en remettre qu’au bout de trois ans ».
L’importance de la diaspora, 6e région de l’Afrique, dans le développement du continent n’est plus à démontrer. Depuis plusieurs années sa contribution dépasse l’aide au développement. Son apport en ce moment précis est on ne peut plus crucial. Déjà au plan individuel, les transferts habituels de fonds constituent des soupapes de sécurité bienvenues en cette période de disette. Mais, elle peut et doit mieux faire en mutualisant ses forces. Sur le plan sanitaire, la crise a révélé la fragilité du système. Le déficit est énorme : un médecin et dix lits pour dix mille habitant là où l’OMS préconise sept médecins et trente lits. Nos actions humanitaires à travers des ONG pourraient aider à combler ce déficit. Dans la même veine, il faudra des actions plus vigoureuses pour soutenir les familles accablées par la pauvreté et éviter que la crise ne remette en cause les acquis obtenus de haute lutte contre l’analphabétisme, l’exploitation des enfants et l’émancipation des femmes.
Mais à côté des inclinations du cœur, Il y a aussi le business. La crise du COVID a créé une redistribution des cartes. Des opportunités d’affaires existent notamment dans les secteurs sinistrés par la crise : le transport, le tourisme, la bourse, etc. Il faudra s’apprêter à intervenir seul ou idéalement en groupe. En investissant pour s’enrichir, on hâte du même coup la sortie de crise. Plus nous investirons, plus vite le continent s’en remettra. En occupant plus d’espace économique sur le continent, la diaspora permet à l’Afrique de contrôler ses richesses. Trêve donc de débats futiles sur l’impérialisme, l’histoire est à un tournant qu’il faut saisir.
Enfin, aux intellectuels, personne n’écrira notre histoire à notre place. Il faut se saisir de chaque instant de ce moment historique pour analyser le vécu et la contribution de la diaspora à partir de sa propre perspective. Il faut arracher à l’oubli et à l’indifférence nos héros d’aujourd’hui. Il faut révéler dans nos romans et nos films nos drames et émotions vécues. Il faut décrire dans ses moindres détails comment nous avons traversé cette crise et proposer des remèdes qui entreront dans la conception de la société résiliente de demain.
On a cru à tort que le 21e siècle commençait avec le 11 septembre 2001. Cette crise marque véritablement la rupture avec le 20e s. Le monde ne sera plus jamais comme avant, il y aura un avant et un après COVID19. Mais la crise au sens chinois du terme signifie à la fois défis et opportunités. Nous subissons déjà durement ses défis. Aurons-nous suffisamment de force pour bien en saisir les opportunités ? Oui. La solution passe par une diaspora pleinement et collectivement engagée à jouer son rôle en amont et en aval. Unissons-nous pour poser des actions humanitaires, entrepreneuriales et financières.
Prenez soin de vous et de vos familles !
Dr Nabi Youla Doumbia