Avec la pandémie du coronavirus, le combat sera sur trois fronts : médical, économique et communication. Médical, car il faut soigner les malades, contrôler la propagation du virus, et maintenir les systèmes de santé à flots. Économique, car il faut prendre des mesures drastiques de confinement, tout en trouvant des solutions pour que la population puisse continuer à se nourrir, et les travailleurs à être payés. Mais comment approvisionner les services essentiels (marchés, centres commerciaux, banques, pharmacies, hôpitaux...) dans un contexte de confinement total ? Et enfin, sur le plan de la communication, informer sur les modes de transmission, gérer la psychose, et amener la population à adopter certains comportements. Qu’il s’agisse de se laver les mains, de ne plus faire de bisous bisous, de s’empêcher de rejoindre des rassemblements publics sous prétexte de prier, et surtout, d’arrêter cette manie de certains de cracher par terre et se moucher avec les doigts.
Mais au fait, cela signifie quoi d’inciter les gens à se laver les mains, dans un pays où les délestages d’eau font partie de la vie quotidienne ?
La communication s’adresse à l’intellect des gens, autrement dit à leur capacité de comprendre, qui dépend elle-même de la capacité de l’émetteur à convaincre. Et ce n’est pas évident. Il suffit de voir les reportages qui montrent des énergumènes en France ou aux États-Unis, bravant les mesures prises et se promenant ou en allant à la plage, comme si de rien n’était.
Avec le niveau d’indiscipline et d’incivisme à Madagascar, on ne peut hélas pas espérer que ce processus de conviction fonctionne comme sur des roulettes. En matière de pitreries, ce ne sont pas les tendances qui manquent : ceux qui s’estiment invulnérables ; ceux qui par réflexe ou idiotie, se posent en rebelles, révolutionnaires ou activistes contre l’ordre établi ; ceux qui vont croire les charlatans, qu’ils soient révérends, virologues de Facebook ou détenteurs de tisanes et tongolomagiques ; et ceux qui pensent que leurs activités hors de chez eux est vitale, qu’il s’agisse de voir son amant, acheter des cigarettes, acheter des médicaments ou à manger, mais surtout, travailler. Et qu’on le veuille ou non, ce dernier point est légitime.
Sauver la vie des gens.. mais comment vont-ils la gagner ?
Cela signifie quoi de confiner les gens, quand beaucoup de Malgaches trouvent leurs bols de riz quotidiens dans leur travail quotidien ?
Quand beaucoup mangent à la sueur tombée de leur front dans la journée, et n’ont donc pas les ressources pour faire des réserves de nourriture, alors le confinement implique cyniquement de condamner une partie de la population à mourir de faim. En outre, l’arrêt des activités économiques va amener les gens à manquer d’argent, ce qui sera une porte ouverte vers les troubles sociaux : quand vos enfants auront faim, vous allez immanquablement aller voir chez le voisin, ou dans les centres commerciaux. Avec ou sans argent.
Par conséquent, quand la capacité à convaincre sur la justice des mesures est limitée, alors il faut passer par la contrainte. Dans un contexte de crise, l’adoption d’un comportement totalitaire est souvent le seul moyen pour être efficace. La Chine n’a pas hésité à prendre les décisions qu’il fallait, même si les activistes et droits-de-lhommistes y sont allés de leur petit refrain pleurnichard sur les médias sociaux. Grâce à ces considérations oiseuses, l’Italie est passée de 3 à 47 000 cas en un mois.
Mais à Madagascar, même l’efficacité de la méthode coercitive n’est pas garantie. A-t-on les moyens de faire le suivi de tous ceux qui doivent l’être, et d’empêcher que les gens se sauvent de la mise en quarantaine ? Les tests sont-ils disponibles à grande échelle ? Le système de corruption ne va-t-il pas laisser les mailles du filet grandes ouvertes ? Les matériels (masques, combinaisons, gants etc.) pour protéger les employés des services sanitaires sont-ils en nombre suffisant ? Les gens sont-ils suffisamment éduqués pour adopter un comportement intelligent ? Dans les pays développés, la réponse à ces questions a souvent été « non », rien qu’à avoir la ruée sur les rouleaux de papier toilette.
Poser ces questions signifie-t-il vouloir perturber l’ordre public ? En effet, les réflexes totalitaires apparaissent également en vue de contrôler l’information. D’ailleurs, on voit comment la propagande chinoise commence aujourd’hui à faire admettre au monde entier que la crise est sous contrôle. Mais reflète-t-elle la réalité ? Seul Bouddha le sait. Toutefois, cela pourrait inspirer certains démocrates de pacotille à profiter du coronavirus pour faire le ménage dans les réseaux sociaux : comme dans la lutte contre la corruption, les mauvais sont toujours ceux du camp d’en face.

On espère juste que ceux qui sont capables d’organiser la distribution de T-Shirts à l’échelle nationale pendant les périodes de propagande électorale, seront en mesure d’organiser celle de matériels de protection et de médicaments de façon aussi large.Demokraty
Publié le :
4 juillet 2020Par:
Loethiers Mackan