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Avec « Black Panther », la fiction vole au secours d’une réalité fantasmée

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Le premier super-héros noir de Marvel, Black Panther, règne actuellement sur le box-office nord-américain. En seulement quatre jours, le film a effectué le deuxième meilleur démarrage de l’histoire du cinéma aux États-Unis, engrangeant quelque 196 millions d’euros de recettes – on en est aujourd’hui à plus de 700 millions. Si ce succès semble presque normal pour l’entreprise Marvel dont l’emprise sur le box-office est connue, c’est surtout l’impact que ce premier film dédié à un héros noir exerce sur les communautés dites « afro » qui retient l’attention.
Black Panther est en train de dépasser le statut de simple œuvre fictionnelle pour devenir un phénomène social nourrissant tous les espoirs d’une Afrique émancipée et puissante. Pour les Africains du continent comme pour ceux de la diaspora, l’Afrique a enfin son super-héros. Michelle Obama a exprimé l’espoir que les jeunes trouvent en eux, à travers Black Panther, « le courage d’être les héros de leurs propres histoires ». C’est en tout cas l’un des buts poursuivis par le jeune réalisateur Ryan Coogler et il n’a, pour cela, négligé aucun ingrédient.

Une fiction américaine qui se veut africaine

C’est à Wakanda, un pays africain à la pointe de la technologie que Marvel inscrit son univers. À la mort de son père-roi (voir Captain America : Civil War), le jeune T’Challa (Chadwick Boseman) se voit obligé de rentrer au Wakanda pour présider au destin de son peuple. Le Black Panther peut compter sur l’exploitation du Vibranium, métal aux propriétés superpuissantes, qui confère une prospérité à tous points de vue au Wakanda. Mais très vite, le nouveau roi se retrouve au cœur d’un conflit politique d’envergure internationale dont les racines remontent au règne de son défunt père. Ce conflit aux enjeux géopolitiques met en danger le destin du Wakanda que T’Challa se doit désormais de protéger grâce à son pouvoir surhumain de Black Panther.
À première vue, c’est là le scénario classique d’un film de super-héros. Pourtant, le génie de Ryan Coogler, selon la critique, est d’avoir su mêler fantastique et traditions politiques sur fond de réalités africaines. Et c’est sans doute ce qui séduit les communautés africaines et afro-américaines. Tout est mis en œuvre pour que le film interpelle les personnes de ces communautés.
Si ce qui semble susciter d’abord l’enthousiasme est le rôle de premier plan joué par un super-héros noir, il faut noter que Ryan Coogler multiplie les références africaines afin de prouver l’ancrage du film. Outre la distribution essentiellement afro-américaine, l’évocation des cultures africaines occupe tous les plans : design, architecture, langue, vêtements, etc.
On pense en premier aux noms à consonance africaine de certains personnages comme M’Baku, N’Jadaka, N’Jobu, Shuri, Nakia et Okoye. Parmi ceux-ci, la référence la plus flagrante est celle de T’Chaka, le roi unificateur des peuples du Wakanda, que l’on rapproche naturellement du personnage historique de Chaka Zoulou, l’emblématique fondateur du royaume zoulou d’Afrique du Sud.
L’inspiration sud-africaine n’en reste pas là puisque les Wakandais parlent le xhosa, une langue d’Afrique australe comptant plus de huit millions de locuteurs, qui était la langue maternelle de Nelson Mandela.
C’est au niveau des costumes que les références africaines sont les plus apparentes. Pour ce faire, le réalisateur a fait appel à l’une des plus grandes costumières actuelles, Ruth Carter, qui s’est inspirée des tenues traditionnelles africaines. Elle a su à son tour compter sur l’aide du célèbre styliste nigérian Wale Oyejide. Ainsi, on voit Black Panther arborer des tuniques yorouba appelées dashiki. Parallèlement, la coiffure de la reine Ramonda est directement inspirée des coiffures mangbetu ou zoulou. Les mangbetu sont un ensemble de sociétés du nord-est de la République démocratique du Congo, installées à la jonction de la forêt tropicale et de la savane. Les mangbetu sont connus pour leur art, notamment la coiffe féminine en forme de cylindre allongé sur l’arrière de la tête. Ce type de coiffure se retrouve également chez d’autres peuples africains comme les Zoulous. De même, les perles et les bijoux portés par les femmes sont d’inspiration masaï.
Compte Twitter du Musée du Quai Branly–Jacques Chirac. Twitter

Des symboles africains comme ancrage culturel

Plus subtils encore sont les symboles culturels africains qui parcourent le film, à commencer par le titre dont la traduction « panthère noire » n’est rien d’autre que l’évocation du léopard encore appelé la « panthère d’Afrique ». La charge symbolique du léopard est importante dans les cultures africaines. Cet animal, symbole de fierté, est considéré comme un attribut de la caste royale et guerrière. Il représente la férocité, en même temps que l’habileté et la force. C’est pour cette raison qu’un certain Mobutu Sese Seko, ancien président du Zaïre (actuellement République démocratique du Congo), dont l’un des surnoms est « Léopard du Zaïre », en a fait durablement son attribut à travers une toque en peau de cet animal.
Mobutu et sa toque léopard. Capture d’écran/vidéo RFI
L’usage de cet attribut remonte plus loin dans l’histoire du continent. Lors des cérémonies importantes, les prêtres égyptiens revêtaient une peau de léopard. On retrouve également la mention de cet animal dans les récits ethnogoniques (récits à l’initiative de la naissance d’une ethnie) en Afrique. C’est ainsi que les fon, peuple le plus important du sud du Bénin, font remonter leur origine au Léopard. Selon la légende, la princesse qui donna naissance au fondateur de la dynastie fon, a été fécondée par un léopard en allant puiser de l’eau.
 
Revêtu d’une peau de panthère, le roi Séthi Iᵉʳ endosse le rôle de prêtre funéraire de son père Ramsès Iᵉʳ. WikipédiaCC BY
Si le léopard joue un rôle central dans les cultures africaines, il en est de même dans le film dans la mesure où le premier Black Panther, le guerrier Bashenga, a découvert les propriétés de l’herbe qui augmente les capacités physiques grâce à Bast qui lui indiqua dans un songe la « potion magique ». Bast est une évocation de Bastet, divinité féline d’Égypte pharaonique, déesse de la chaleur et du soleil entre autres. Elle est surtout la déesse protectrice de l’humanité. Ses représentations quoique sous les traits de chat sont à rapprocher du léopard.
Par ailleurs, d’autres références culturelles viennent renforcer le scellement africain du film.
Les scarifications ethniques portées sur le tronc par Killmonger sont directement inspirées des marques corporelles à caractère social, rituel et surtout identitaire que l’on retrouve chez certains peuples. Ici, il s’agit notamment des scarifications sous forme de poussées de peau cicatricielle gonflée et dure répandues dans le bassin du Congo, en Éthiopie et au Soudan. Enfin, l’un des points forts salués par la critique est la place importante que le réalisateur donne aux femmes. La garde rapprochée du roi est composée uniquement de femmes. Des femmes courageuses, entreprenantes et engagées qui ne sont pas sans rappeler les amazones du Dahomey, régiment militaire entièrement féminin.
Sur le compte Twitter du musée du Quai Branly–Jacques Chirac. twitter

Une utopie afrofuturiste

Si les évocations des cultures africaines interpellent visuellement, le film tire surtout sa force de la mise en œuvre d’une vision politique et sociale constituant un idéal fantasmé par les défenseurs de la pensée décoloniale. Le Wakanda est un pays qui n’a jamais été colonisé, de même qu’il n’a jamais connu l’esclavage. Le pays est en avance sur le reste de la planète, possédant tout ce qu’il faut pour que les habitants n’aillent pas chercher à vivre ailleurs. Cette arcadie aux antipodes de la situation contemporaine du continent africain projette le spectateur dans une société imaginaire où les fantasmes sociopolitiques trouvent leur place.
Dans un monde marqué par l’affaiblissement politique et économique de l’Afrique, le Wakanda devient le lieu où tous les espoirs renaissent par le biais de la fiction. Par là, le film peut être inscrit artistiquement dans le courant de l’afrofuturisme. Il s’agit d’un courant artistique qui prône la réappropriation de l’histoire africaine par les Africains eux-mêmes en érigeant le futur comme seul espoir de construction de cette histoire. La philosophie de ce courant tient en une conviction : tout ce qui est impossible devient possible dans le futur.
Comme l’envisageait Sun Ra, l’un des artistes promoteurs de ce courant, il s’agit de croire à l’impossible, de transcender le présent pour imaginer un futur plein de promesses.
Les artistes s’inscrivant dans ce mouvement invitent la science-fiction futuriste dans le présent de l’Afrique par le truchement de la littérature, de la musique, de la création plastique et du cinéma. C’est ainsi que les œuvres de Yinka Shonibare, artiste anglo-nigérian dont le nom est rattaché à ce courant, mettent en scène des extraterrestres et des astronautes habillés en tissu wax pour évoquer le futur de l’Afrique. Ainsi, la science-fiction, l’utopie, le futur, l’Afrique, modules qui composent l’afrofuturisme se retrouvent de manière prégnante dans Black Panther.
L’enthousiasme et la fierté que suscite le film auprès des communautés « afro » traduisent le besoin de chaque société de fabriquer un super-héros à travers lequel elle peut projeter ses espoirs et ses rêves d’indéfectibilité et d’irréductibilité. En cela, Black Panther ressemble à son aîné Captain America dont l’impact sur l’imaginaire américain est bien connu.
Il subsiste toutefois une question dans le cas de Black Panther : quand les solutions politiques et économiques peinent à faire leur preuve, la fiction peut-elle devenir le lieu des espoirs – quoique fantasmés – d’une émancipation politico-économique voire culturelle de l’Afrique ? En tout cas, le film de Ryan Coogler montre comment une œuvre cinématographique peut, aux yeux de certains, dépasser le pragmatisme politique – au sens de William James – tant il brouille les frontières entre identité, espace et temps.



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