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Pierre Soumarey répond au Ministre Bacongo sur la constitutionnalité de l'ordonnance relative aux sénatoriales

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Les propos du Ministre Cisse Ibrahim Bacongo ( "Le Patriote" du 02|03|2018) élude avec habilité le débat de fond sur la constitutionnalité de l'ordonnance querellée. L'article 106 de la Constitution sur lequel il fonde le principal de son argumentaire stipule expressément que "Le Président de la République peut, pour l’exécution de son programme, demander au Parlement, par une loi, l’autorisation de prendre par ordonnance, pendant un délai limité, des mesures qui sont normalement du domaine de la loi.". Cette disposition précise l'objet de la loi d'habilitation dont pourrait se prévaloir celui-ci pour agir. A l'évidence, sous réserve de l'existence de cette loi d'habilitation, la détermination des conditions d’éligibilité et de nomination des sénateurs, le régime des inéligibilités et incompatibilités et les modalités de scrutin de leur élection, ne rentre pas dans le champ d'application de cet article. Celle-ci ne s'aurait s'analyser comme étant une mesure visant l'exécution du programme de Gouvernement, mais comme une mesure portant organisation des pouvoirs constitutionnels. En excédent le domaine de sa compétence, le Président de la République a méconnu les limites qui lui sont imposées par la Constitution, tant sur la forme que sur le fond.
Le Ministre Bacongo, pour les besoins de sa cause, fait diversion quand il s’en tient à la capacité dont dispose le Président de la République de prendre par ordonnance des mesures qui sont normalement du domaine de la loi, en ignorant volontairement les conditions dans lesquelles, il peut le faire (Demande préalable au Parlement, Objet des mesures à prendre, durée de validité, Projet de loi de ratification). Cette possibilité n'est nullement niée. Ce sont les conditions de sont exercice qui le sont, au cas d'espèce. On observe au passage qu'il extirpe de l'article 106 les mots pertinents qui le contredisent. Pour un éminent intellectuel de son rang, les autres intellectuels apprécieront le procédé.
La jurisprudence à laquelle il nous renvoie concerne la France et non la Côte d'Ivoire pour créer dans ce dernier pays un droit. Elle n'a donc aucune force. Les analogies qu'il établit sur la compétence de la loi ordinaire, en matière électorale relativement aux députés, sortent du cadre du débat. En tout état de cause, elles n'éteignent pas les dispositions de l'article 90 qui donnent explicitement cette compétence à la loi organique en ce qui concerne les sénateurs. Celles-ci revêtent un caractère obligatoire. En résumé, le Ministre Bacongo nous a produit un épais rideau de fumée.
Conclusion : Dans la pensée démocratique, une loi d'habilitation, lorsqu'elle est motivée, doit se limiter aux domaines techniques et à la gestion courante des affaires , mais jamais aux engagements de l'État ou aux dispositions relatives à l'organisation des pouvoirs constitutionnels. Ces derniers domaines relèvent de la souveraineté et du contrat social et politique de la Nation. Ils ne sauraient être réservés à la compétence de l'exécutif. Les ordonnances doivent être contenues dans un périmètre prédéfini et restreint par la Constitution. Ce n'est pas un chèque à blanc. L'approbation de la représentation nationale est nécessaire sur ces questions.
 
Pierre Soumarey
Le Ministre Cisse Ibrahim Bacongo dans le quotidien "Le Patriote" de ce jour:
" A propos de l’organisation de l’élection des sénateurs sur la base d’une ordonnance et non d’une loi organique, je note que les voix les plus autorisées pour éclairer l’opinion publique, les Juristes constitutionnalistes, observent une certaine circonspection si ce n’est de la discrétion, sinon de la retenue ou une réserve dans le débat. 
Le Professeur Francis Romain Vangah Wodié, que Dieu désigna pour dire le Droit en Côte d’Ivoire, selon ses hagiographes, a éludé la question, avec l’élégance qu’on lui reconnait habituellement, en restant évasif dans sa déclaration sur le sujet, au sortir de la rencontre qu’il a eue avec le Président du PDCI, le Président Henri Konan Bédié. 
Pour comprendre la prudence observée ainsi par les juristes, il suffit de se référer aux dispositions pertinentes de la Constitution, à savoir les articles 90, 102, 109 et 110 de la Constitution. 
L’article 90, alinéas 3 et 4 est libellé comme suit : «Une loi organique fixe le nombre de membres de chaque chambre, les conditions d’éligibilité et de nomination, le régime des inéligibilités et incompatibilités, les modalités de scrutin ainsi que les conditions dans lesquelles il y a lieu d’organiser de nouvelles élections ou de procéder à de nouvelles nominations, en cas de vacance de siège de député ou de sénateur. Le montant des indemnités et les avantages des parlementaires sont fixés par la loi organique.»
L’article 102 définit les lois organiques comme étant «(…) sont celles qui ont pour objet de préciser ou de compléter les dispositions relatives à l’organisation ou au fonctionnement des Institutions, structures et systèmes prévus ou qualifiés comme tels par la Constitution». 
Quant aux articles 109 et 110, ils prévoient que, désormais, les lois organiques, du reste comme les lois ordinaires, doivent être soumises, successivement, en vue de leur adoption, aux deux chambres, l’Assemblée Nationale d’abord, puis le Sénat. 
Certes, l’article 90 vise, expressément, une loi organique, notamment pour fixer, en l’occurrence, le nombre de membres du Sénat, les conditions d’éligibilité et de nomination des sénateurs, le régime des inéligibilités et incompatibilités et les modalités de scrutin de leur élection. Mais, ces questions sont traitées, jusque-là, par le Code Électoral, qui résulte d’une loi ordinaire, s’agissant des Députés à l’Assemblée Nationale. 
Donc, je ne vois pourquoi, elles ne pourraient pas être traitées, également, par le même Code Électoral, concernant les sénateurs. D’autant plus que, désormais, les lois organiques et les lois ordinaires sont soumises à la même procédure pour leur adoption, comme l’atteste l’article 102, alinéa 2, 2ème tiret, qui prévoit que «le projet ou la proposition de loi organique est adopté (…) à la majorité absolue (…)» des membres de chaque chambre, comme le projet ou la proposition de loi ordinaire. C’est dire que, dans le fond, l’ordonnance contestée, qui a la même valeur juridique que le Code Electoral, aurait pu valablement traiter de l’élection des sénateurs. 
En ce sens, je pourrais me renvoyer, pour étayer mon propos, à l’ordonnance prise par le Général de Gaule, pour mettre en place le Sénat Français, suite à l’adoption, en 1958, de la Constitution de la 5ème République. Il est vrai que, par précaution, cette ordonnance avait été qualifiée par son auteur «d’ordonnance portant Loi organique.» Mais, en dehors du fait qu’elle a servi de simple ruse politique, cette précaution n’ajoutait rien et n’enlevait rien à la nature du texte, qui demeurait une ordonnance. 
Il est vrai, par ailleurs, que l’article 182 de la Constitution dispose que, dans l’attente de la mise en place du Sénat, «(…) les attributions du Parlement sont exercées par l’Assemblée Nationale». Mais, comme je l’ai déjà dit, le vote des lois organiques est soumis désormais à la même procédure que les lois ordinaires. Dès lors, le Président de la République, conformément à l’article 106 de la Constitution, pouvait «(…) prendre par ordonnance (…)», comme il l’a fait, «(…) des mesures qui sont normalement du domaine de la loi», telles que celles relatives à l’élection des députés et des sénateurs. 
Pour me résumer, je voudrais dire qu’autant on ne saurait nier que l’article 90 dispose que le nombre de membres du Sénat, les conditions d’éligibilité et de nomination des sénateurs, le régime des inéligibilités et incompatibilités et les modalités de scrutin de leur élection sont déterminés par une loi organique, autant il serait excessif d’affirmer, sans réserve, que l’ordonnance prise par le Président de la République, relativement à l’élection des sénateurs, viole la Constitution. 
Ceux qui contestent la constitutionnalité de l’ordonnance s’en tiennent à la forme de l’article 90, alinéa 3, pour les besoins de leur cause. Or, il convient de prendre en compte également le fond de cet article, en liaison avec les articles 109 et 110 de la Constitution. En droit, comme dans la vie tout court, le lien entre la forme et le fond est ténu. Autrement dit, la forme ne va pas sans le fond. 
(...) Je ne vois pas en quoi la prise de position de l’ex-président du Conseil constitutionnel, éminent juriste et constitutionnaliste, donnerait une autre tournure au débat sur l’ordonnance relative à l’élection des sénateurs. Pourquoi serait-il crédible dans ce débat, plus que lors des travaux de la CCCE, où il a soutenu, au moins par abstention, les conditions d’éligibilité anti-démocratiques et xénophobes contenues dans la Constitution de la 2ème République, qu’il s’est bien gardé de défendre à Marcoussis ? 
Je rappelle qu’il a affirmé, bruyamment, à l’époque, que la Constitution de la 3ème République aurait dû être élaborée par une Assemblée constituante, sans se référer ni au moindre texte de droit interne, ni au précédent de la procédure d’élaboration de la Constitution française de 1958. Il a plutôt préféré se réfugier derrière une hypothétique et aérienne exigence démocratique, sans réussir à convaincre. 
Sa prise de position, plutôt clandestine, dans le débat actuel sur l’ordonnance relative à l’élection des sénateurs, me parait suspecte. Au surplus, elle viole le serment qu’il a prêté en ces termes, avant son entrée en fonction comme Président du Conseil Constitutionnel, conformément aux dispositions de la Constitution de la 2ème République reprises à l’article 129 de la Constitution en vigueur : «Je m'engage à bien et fidèlement remplir ma fonction, à l'exercer en toute indépendance et en toute impartialité dans le respect de la Constitution, à garder le secret des délibérations et des votes, même après la cessation de mes fonctions, à ne prendre aucune position publique dans les domaines juridique, politique, économique ou social, à ne donner aucune consultation à titre privé sur les questions relevant de la compétence du Conseil constitutionnel.»
Je dois dire que les allégations du Pr Wodié, quand il dit:« Il y a des germes de tensions… et des risques d’affrontement...ce pays qui nous appartient ne peut pas être au service d’un groupe, d’un parti politique ou de structures que ce soit », ne manquent peut-être pas de fondement. C’est pourquoi, je pense qu’il aurait dû les assortir de faits précis ou les étayer par quelques exemples de ce qu’il appelle «des germes de tensions», au lieu de s’étouffer de mots. 
Je devine la gêne qu’éprouve l’Intellectuel de haut vol, en ne désignant pas le groupe, le parti politique ou les structures au service desquels se trouve le pays, parce qu’il sait que le pouvoir en place est cogéré par un groupement de six (6) partis politiques, dont le parti qu’il a lui-même créé. Il sait que ces formations politiques représentent l’ensemble des groupes ethnolinguistiques qui composent la société ivoirienne, du nord au sud, de l’est à l’ouest, en passant par le centre. Il a conscience de marcher sur des braises ardentes à travers ses propos, qui sont de nature à raviver le feu de l’origine, de la race et de la religion. 
En tout état de cause, je perçois, à travers la prise de position de l’Eminent et Emérite Pr de Droit, comme une pointe de nostalgie de la Conférence nationale des années 1990, puisqu’il propose une concertation pour éteindre les sources de tensions. Sans être impertinent et avec tout le respect dû à son âge et à son statut, je voudrais dire que le Pr Wodié n’a rien appris, ni rien oublié des années glorieuses de la gauche démagogue des pédagogues."
 



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