La porteuse de canne de commerce de Mahoua S. Bakayoko

Cette histoire s’est déroulée il y’a bien des années, alors que la porteuse de canne était encore de service sur le marché de Marcory. Á cette époque, jamais á cours d’idée pour le commerce, sa nouvelle trouvaille était la vente de colas au détail en plus de ses innombrables marchandises qui débordaient ses grandes tables. Et nous en bonnes héritières devrions pointer tous les jeudis et les week-ends quand l’école nous libérait. Un dimanche matin, pressée de sortir ses marchandises avant l’affluence des clients, elle vit arriver vers elle une femme blanche portant son enfant métis au dos. Avec son pagne noué gauchement qui l’obligeait á le tenir d’une main, la toubab s’arrêta devant l’étal face aux yeux arrondis de la porteuse de canne. D’une voix hésitante sans oublier le ‘’chocobi’’, la toubab lança 
-Bonjour madame je veux du yérrrrrrrrrrrérrr woooorooo colas. 
En l’écoutant, la porteuse de canne se dit intérieurement tu en as bien besoin ma petite. En effet avec le visage bouffi et les yeux rougis certainement par une nuit d’insomnie meublée par des pleurs, la belle toubab présentait le visage du malheur et un yèlè woro colas ne serait pas de trop. Pour exceller dans la vente de colas il est impératif de maitriser le langage des colas et Dieu sait qu’il y’a en a. Une colas fendillée sur l’ouverture est dite en bambara ‘’yèrè woro’’ la colas rieuse, du bonheur . Cette colas est synonyme de joie, de bonheur, la donner donc en sacrifice faciliterait la realisation de cet objectif. Vous trouverez ainsi le dimi woro contre les grandes peines, le marassa woro contre des épreuves qui ne finissent pas , le dakabana woro celle donnerait l’aura , la colas chevaline .......bref toute une science.
La porteuse de canne de commerce assez facile voulut savoir un peu plus sur cette belle toubab qui souffrait visiblement.
La jeune dame ne quitta le banc de la porteuse de canne qu’á midi après s’être complètement vidée. Du désaccord de ses parents de la voir suivre son mari en Afrique en passant par ses déboires conjugaux auprès de cet homme transformé (ou son naturel ) au contact de l’Afrique. Un homme devenu volage et violent avec d’innombrables maitresses qui n’hésitaient pas á l’agresser. Tout y passa face á cette oreille attentive qui la comprenait. Dirigée par une voisine vers un marabout, elle voulait récupérer son mari á arme égale avec les africaines. Malheureusement ce mariage ne fit pas long feu, la belle toubab que nous surnommions ‘’yèlè woro colas’’ comme d’ailleurs toutes ces malheureuses toubabs qui venaient nous acheter de la cola, regagna sa France natale avec un profond sentiment d’échec. Un homme qu’elle avait aidé avec amour et abnégation durant ses études dans l’hexagone et qui devint pourtant son bourreau une fois revenu en Afrique. Combien de ‘’yèrrrè woro colas’’ abusées par des africains une fois revenues en Afrique , écument donc le continent noir ?…………………Mahoua S.Bakayoko