Il y a 100 ans, Vladimir Lénine déclenchait la révolution d'Octobre pour faire de la Russie un pays communiste qui allait exporter son idéologie à travers le monde. Si peu de Russes ont le coeur à commémorer ce soulèvement qui amorçait des décennies de répression, la figure de Staline regagne en popularité.
Dans la mer Blanche, près du cercle arctique, se trouve la forteresse monastique de Solovki. L’endroit est isolé, loin de tout, paisible. C’est pour cela que des moines s’y sont installés dès le 15e siècle, mais la révolution d’Octobre est venue tout bouleverser le 25 octobre 1917.
Les moines de Solovki célèbrent régulièrement des messes à la mémoire des 15 000 prisonniers qui ont trouvé la mort quand le monastère a été transformé en prison, puis en camp de travail.
Pendant une trentaine d’années, 1 million de personnes ont été emprisonnées dans cet archipel d’où personne n’est arrivé à s’enfuir.

L’endroit est resté sauvage et s’y déplacer tient de l’aventure.
Au nord de Solovki, on aperçoit une petite église où se trouvait le cachot disciplinaire. Les prisonniers les plus récalcitrants y étaient détenus dans des conditions abjectes. Dans la forêt environnante, de nombreuses croix marquent les tombes de prisonniers. Le sol s’est effondré à plusieurs endroits où se trouvent des fosses communes.
Quand les restes des hommes ont été trouvés, ils avaient des trous de balle dans la nuque et certaines personnes avaient les mains attachées dans le dos.
Un modèle pour les camps de travail
C’est un coup de canon tiré du croiseur Aurora, à Saint-Pétersbourg (Petrograd à l’époque), qui devait changer le monde il y a un siècle.
Lénine avait pris la tête d’une insurrection visant à renverser le gouvernement provisoire formé après la démission du tsar Nicolas II. Le coup de canon donnait le signal à des centaines de militaires, de travailleurs et d’anarchistes pour qu’ils s’emparent du siège du gouvernement. La révolution socialiste était en marche.
Dans les mois qui suivent, Lénine commence à envoyer des opposants, des contre-révolutionnaires, à Solovki. Joseph Staline, qui lui succède, décide de faire de cette forteresse monastique un centre d’expérimentation qui sera utilisé à travers toute l’Union soviétique.
Les goulags se multiplient au fil des ans. Plus de 18 millions de personnes seront envoyées dans ces camps de travail et 4 millions de détenus y trouveront la mort.
C’est pour tout cela qu’il n’y aura pas de grandes cérémonies de commémoration, encore moins de célébrations, de cette révolution d’Octobre. On organise des expositions dans des musées, des séminaires, mais rien de plus.
Staline, symbole de force
Malgré tout, Joseph Staline connaît un regain de popularité.
Pour bien des gens, Staline est le symbole de la force, de l’ordre, d’une forte volonté. Mais, bien sûr, ses années de pouvoir totalitaire demeurent une des périodes les plus tragiques, les plus dramatiques de l’histoire.
Si le blason du dictateur soviétique retrouve un peu de lustre, c’est que, sous Vladimir Poutine, on met en veilleuse cette révolution d’Octobre. On célèbre plutôt, en grande pompe, le 9 mai, date à laquelle la Russie de Staline a vaincu le nazisme.
« Seulement 8 % de la population avaient une opinion positive de Staline en 1989, estime Lev Gudhov, qui dirige le centre de sondage Levada. Maintenant, ça change peu à peu : la propagande a commencé à montrer une image de Staline, avant tout, comme l’homme de la victoire dans cette guerre, mais aussi de la modernisation, de la construction du grand État russe. »

Poutine, l'héritier
Andrei Kolesnikov, du Centre Carnegie de Moscou, a publié le 5 octobre dernier une étude sur l’orientation que l’actuel gouvernement russe veut donner à l’histoire du pays.
« Poutine se pose en héritier de cette gloire, de cette victoire dans la grande guerre patriotique, dit-il. Ce qui est important, c’est l’ordre, pendant ces années de pouvoir de Staline, son aptitude politique à gérer le pays, et dans ce sens, Poutine est l’héritier du grand Staline. »
Peu à peu, des statues de Staline réapparaissent dans le pays, comme récemment, au Musée d’histoire militaire, à Moscou.
Mais ceux qui refusent d’oublier les goulags et leurs millions de morts peuvent aller se recueillir devant une pierre, transportée de Solovki jusqu’au cœur de Moscou, près du Kremlin.