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Massacre de Las Vegas: Stephen Paddock, un homme normal

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On dit jusqu'à plus soif que Stephen Craig Paddock est un «monstre» hors norme, un «fou» ou un «malade», alors que l'homme qui a ouvert le feu tuant au moins 58 personnes, retraité blanc aisé, est a priori tellement dans la norme.

Et voilà qu’on nous ressert le couvert. Pour la énième fois. Mais quand cela va-t-il cesser ? Le geste de Stephen Paddock, qui a supprimé au moins 58 vies au hasard à Las Vegas et blessé pour toujours des centaines, est celle d’un «fou», d’un «malade», bien que l’homme fût a priori «normal» et sans aucuns signes extérieurs alarmants. Ce qui est le cas de millions d’Américains en possession d’armes à feu.
Son frère, qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau, sous le choc, a très bien résumé l’affaire : Stephen est allé à l’université, il a travaillé, cautions suprêmes, et avait un casier judiciaire vierge. Il est devenu joueur de poker professionnel, gagnant jusqu’à 250 000 dollars grâce à ses martingales, il avait une compagne, il pouvait s’offrir tout ce qu’il désirait. Il a acheté des appartements, il en a revendu. Il avait un permis d’aviation. Il aimait les croisières. Il envoyait des gâteaux à sa mère. Un «winner», aurait dit Donald Trump en d’autres temps, lui qui l’a pourtant associé au «mal» incarné, à peine l’information diffusée, et divorcé deux fois, comme Trump. Banal. C’était un mec sans enfants et sans histoires, dont les voisins n’avaient pas à se plaindre. Sans aucune affiliation religieuse ou politique, a priori. Certes, son père était un malfrat. Un braqueur de banques, évadé d’une prison du Texas, toujours en cavale, qui a disparu de sa vie à peine celle-ci entamée. Mais bon.
Une fois de plus, tous les ingrédients sont réunis : la folie (supposée), l’hérédité (flagrante!), l’indice psychanalytique (l’identification au père) constituent le cocktail idéal pour expliquer un geste monstrueux, inimaginable. On ajoutera, finement, car nous sommes français et ironiques, lacaniens, en somme : le paddock c’est, littéralement, l’enclos.
Je m’empresse de le dire : je n’ai aucune explication au geste de Stephen Paddock. Ce que je sais, profondément, c’est que nous sommes tous des Stephen Paddock. Qu’on le veuille ou non. Nous sommes tous enclos. Formellement.
Traiter Stephen Paddock de «fou», c’est non seulement insulter les fous en les assimilant à des criminels aveugles – ce qu’ils ne sont à peu près jamais –, mais refuser de voir la monstruosité inhérente à la nature humaine. Donnez un arsenal au premier venu. Et voyez ce qu’il adviendra.
Le massacre, c’est l’œuvre de l’homme normal. Affreusement normal. La guerre, son pain quotidien. Le meurtre, le propre de l’homme. Voyez l’histoire. Lisez les journaux. Suivez l’actualité. La législation sur les armes à feu aux Etats-Unis ressemble à la politique entre Israël et la Palestine. Quelque chose comme un constat désespéré, une initiative à jamais reportée, sans issue.
Je me souviens avoir traversé le Nevada en voiture et avoir vu des panneaux publicitaires pour des institutions bancaires annonçant : «Ouvrez un compte chez nous, nous vous offrons une arme en échange.» Sur l’affiche, il y avait, face à face, en une équation visuelle sans ambiguïté, des dollars et une carabine.
En Californie, où j’habite, la législation est beaucoup plus dure. Ceci expliquant sans doute cela, le taux de violence par armes à feu est au-dessous de la moyenne. Mais ce qui est encore plus intéressant, c’est que le taux de suicide est très au-dessous de la moyenne nationale. Et ce n’est pas qu’une histoire de climat. La pulsion de mort, contagieuse, s’arrête, en partie, au marchand d’armes. Qu’on se le dise.
Laure Murat professeure au département d'études françaises et francophones et directrice du Centre d’études européennes et russes à UCLA



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