La Côte d’Ivoire commémore, ce 7 août, un événement fondateur : l’indépendance politique acquise en 1960 et son corollaire, l’accession à la souveraineté internationale.
Traditionnellement, la fête de l’Indépendance rassemble, fédère, parce qu’elle exalte la liberté retrouvée autant qu’elle revalorise le sens du sacrifice à consentir par chacun, dans la lignée de ceux accomplis par les combattants de la liberté du siècle dernier, pour que cette liberté perdure et se forge un destin autre qu’incantatoire.
L’An 57 de la Côte d’Ivoire intervient dans un contexte particulier, qui en rajoute à la gravité du moment et à sa symbolique originelle. Le contexte politique, d’abord. Le pays célèbre, en même temps que ses 57 ans d’indépendance, l’an 1 de la troisième République inaugurée en novembre dernier avec la promulgation de la loi sur la nouvelle constitution adoptée à une écrasante majorité le 30 octobre. Ce texte refondateur a vocation à stabiliser davantage les institutions, à moderniser la vie publique en en évacuant tout germe d’aventurisme politique.
La Côte d’Ivoire est entrée dans une nouvelle ère politique, avec un duo Président de la République et vice-Président inédit, une chambre haute parlementaire attendue, et surtout la réaffirmation de valeurs républicaines fortes. C’est indéniablement une avancée démocratique majeure, que le bon choix des hommes et des femmes désignés pour les incarner doit pouvoir conforter. Ce défi de la gouvernance institutionnelle étendue à celle des entreprises est au centre de la réussite du projet d’émergence économique du pays. Il est heureux que les autorités, qui ont déjà réalisé d’importantes réformes dans ce sens, continuent d’afficher leur détermination à parfaire le dispositif institutionnel d’une gouvernance démocratique, transparente, et par-dessus tout, efficiente.
Le contexte économique, ensuite. Première puissance économique d’Afrique de l’Ouest francophone, la Côte d’Ivoire affiche depuis cinq ans un taux de croissance annuel de 9% en moyenne, et aspire légitimement à devenir un pays à revenu intermédiaire dans trois ans. Cette année, des difficultés sont apparues, dont la chute de 30 % des prix du cacao (40% des exportations, 15% des recettes publiques, 4 à 5 millions de personnes impliquées directement ou indirectement), qui a affecté le budget de l’Etat. Sortir de la cacao-dépendance apparaît, derechef, comme un enjeu stratégique majeur pour l’économie ivoirienne. Pour réaliser les bonds quantitatifs et qualitatifs nécessaires pour devenir un pays émergent, la transformation structurelle de l’économie doit s’accélérer.
La transformation structurelle a été l'un des concepts les plus souvent abordés par les spécialistes du développement au cours des dernières années – notamment depuis les travaux de Margaret McMillan et Dani Rodrik en 2011.
Tous les pays en développement qui ont le mieux réussi, souligne une étude de la Commission économique pour l’Afrique des nations unies (Cea), sont parvenus à orchestrer des changements fondamentaux dans la structure de leur économie. En réaffectant les ressources des activités traditionnelles (telles que l'agriculture de subsistance) vers des secteurs à forte productivité (tels que la manufacture et les services modernes), ces pays ont réussi à améliorer rapidement leur niveau de vie. Non seulement le changement structurel permet de stimuler la croissance économique, mais il peut également contribuer à une croissance plus inclusive et durable. L’an 57 doit par conséquent être un tournant dans cette mutation fondamentale à laquelle s’attèle le gouvernement du Premier ministre Amadou Gon Coulibaly.
Le contexte social, enfin. Après des mois de discussions, les syndicats de fonctionnaires qui avaient déclenché début janvier une grève de trois semaines, pour revendiquer entre autre le paiement d’un stock d’arriérés dus par l’Etat, ont annoncé le 27 juin, avoir trouvé un terrain d’entente avec le gouvernement. Début juillet, face au patronat, le chef du gouvernement a dévoilé les grandes lignes de cet accord. « L’accord que nous avons est de payer le stock des arriérés sur huit ans, selon les capacités budgétaires de l’Etat. En contrepartie, nous espérons la signature d’une trêve sociale pendant cinq ans », avait-il précisé.
Il faut espérer que le front social s’apaise durablement ; le pays en a fort besoin pour se concentrer sur l’essentiel : bâtir une nation économiquement forte et socialement avancée, unie et rassemblée autour des valeurs houphouétistes cardinales de la paix, de la tolérance, de la liberté et du progrès partagé.
Le 7 août doit être l’occasion d’un examen objectif de ces presque six décennies d’indépendance, qui obligera nécessairement à se souvenir des bienfaits que le pays a récoltés lorsqu’il s’est présenté uni, et des malheurs qu’ont engendrés les discordes politiques et la marginalisation des valeurs houphouétistes, pour en tirer de nouvelles résolutions de vie pour le futur.
Bonne fête de l’indépendance !
Valentin Mbougueng
Publié le :
8 août 2017Par:
Forestier de Lahou