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Economie

La crise du cacao, un coup dur pour l’économie ivoirienne

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Après trois quarts d’heure de marche depuis la route goudronnée, N’dri Koffi s’arrête devant ses jeunes cacaoyers, pensif. « Je les ai plantés il y a deux ans. On nous disait alors d’arrêter de faire de l’hévéa [arbre à caoutchouc] et de miser sur le cacao qui rapportait plus. » Aujourd’hui, cet exploitant de trois hectares de terrain à Boussoué, à une centaine de kilomètres au nord d’Abidjan, fait grise mine.
« Dans mon transistor, j’ai entendu que le gouvernement avait baissé le prix d’achat garanti [de 1 100 à 700 francs CFA, soit 1,07 euro le kilo au 1er avril], soupire-t-il, sa machette à la main. Ça m’a choqué mais que puis-je faire ? Ça se décide là-bas, sur le marché mondial, et moi, je subis les conséquences, c’est décourageant. »
Par manque d’argent, ce quinquagénaire a dû stopper net la construction de sa maison « en dur ». Avec sa femme et ses trois enfants, il va devoir vivre encore quelque temps sous un toit de feuilles de palmier et entre des murs de terre séchée, sans électricité ni eau courante.
Comme N’dri Koffi, nombre des quelques 800 000 planteurs ivoiriens souffrent de la chute du cours du cacao de près de 35 % en six mois. En cause, une récolte record et une demande mondiale qui s’est tassée. La Côte d’Ivoire, premier producteur d’or brun (40 %), rêvait d’un autre contexte pour l’inauguration, ce 25 avril, du siège de l’Organisation internationale du cacao (ICCO) à Abidjan. Un déménagement à grande valeur symbolique, après presque un demi-siècle de présence sur la place financière londonienne.
 
La Côte d’Ivoire est le premier producteur de cacao. Le pays compte 800 000 planteurs.

Cure d’austérité

Illustration de la dépendance de la Côte d’Ivoire au cacao (15 % du PIB, 30 % des recettes d’exportation), le chef d’Etat, Alassane Ouattara, a annoncé le 20 avril une cure d’austérité pour la première puissance économique d’Afrique de l’Ouest francophone. « A l’exclusion des salaires, nous avons été obligés de réduire les dépenses de 10 %. Tous les ministères vous diront que leurs budgets ont été réduits de 5 à 10 % », a-t-il expliqué. « Au plus haut sommet de l’Etat, nous avons senti une vive inquiétude quand le cours de cacao a dégringolé », confie une source à l’ICCO.
Depuis la fin de la guerre civile en 2011, l’ex-colonie française voguait à des taux de croissance spectaculaires. Le Fonds monétaire international prévoit désormais un ralentissement en 2017 à 6,9 %, contre 8 % l’an dernier. « La baisse des investissements de l’Etat va peser sur le dynamisme économique. Le déficit budgétaire va également se creuser », indique depuis Londres Laura Hyde, analyste chez BMI Research, une filiale de l’agence de notation Fitch.
Economiste chez Bloomfield Investment à Abidjan, Claude Koua demeure optimiste : « Même si toute la filière cacao est touchée, la Côte d’Ivoire a une économie relativement diversifiée, le choc devrait être absorbé, surtout que les cours de l’hévéa et du coton, eux, remontent. » Après les mutineries de soldats et la grève des fonctionnaires en début d’année, cet observateur craint toutefois un « choc social ». Six millions d’Ivoiriens, soit un quart de la population, vivent directement ou indirectement de la production de cacao.
« Il suffit d’une petite baisse de revenu pour que tout devienne plus difficile : se soigner, payer les frais d’école pour les enfants, etc. », énumère Philippe Brou, planteur à Boussoué. De 2011 à 2015, malgré une forte croissance, la pauvreté n’a diminué que de cinq points (de 51 % à 46 %) dans le pays.

« Beaucoup de spéculation »

En 2012, le gouvernement avait pourtant réformé le système de gestion de la filière du cacao. Grâce à la prévente en début de saison d’une grande majorité de la récolte, un prix stable est garanti aux producteurs. Organe étatique, le Conseil café-cacao (CCC) est chargé d’organiser et de contrôler toute la chaîne.
« Mais cette année, il y a eu beaucoup de spéculation, des exportateurs ont réservé de grosses quantités de cacao en pariant sur la poursuite de la hausse du cours. Mais le prix a chuté, ils ont refusé d’honorer leurs ordres d’achat, et le CCC et les producteurs se sont retrouvés avec des stocks sur les bras, raconte un économiste occidental en poste à Abidjan. Les autorités ont manqué de réactivité pour intervenir, mais ici, le cacao est une question politiquement sensible. »
 
Le gouvernement a renoncé à prélever certaines taxes sur le cacao pour garantir le prix plancher aux planteurs. « Dans l’ouest du pays où j’habite, des acheteurs n’hésitent pas à proposer un prix plus bas que le minimum garanti, et des producteurs démunis n’ont d’autres choix que d’accepter… », regrette un planteur.
Mi-février, une manifestation de producteurs de cacao en colère avait été dispersée à coups de gaz lacrymogène dans le quartier d’affaires d’Abidjan. « La situation est catastrophique, assure Moussa Koné, responsable du Syndicat national agricole pour le progrès en Côte d’Ivoire (SYNAP-CI). Le CCC devait nous aider grâce à ses fonds de réserve, mais on se demande si l’argent censé avoir été mis de côté pendant les bons jours, n’est pas tombé dans la lagune d’Abidjan ! ». Des accusations rejetées par l’autorité régulatrice. Le SYNAP-CI a toutefois porté plainte contre le CCC pour ses « dérives et l’opacité de sa gestion ».

Renforcer la coopération avec le Ghana

Pour limiter la fluctuation des cours, la Côte d’Ivoire et son voisin, le Ghana, 60 % de la production mondiale de cacao à eux deux, souhaitent renforcer leur coopération. Certains imaginent déjà la constitution d’un cartel ou d’une « OPEP du cacao ». « Il est devenu impératif pour nos pays de prendre des décisions sur […] la production et la stabilité, et sur l’épineuse question de la volatilité des prix », a déclaré le 12 avril Massandjé Touré-Litsé, directrice du CCC, à la sortie d’une réunion avec son homologue ghanéen.
« Il y a une volonté de coopération sur le papier, mais dans la réalité, chacun des pays joue encore sa propre partition », commente un analyste du marché du cacao. « Si j’étais plus près de la frontière ghanéenne, je me débrouillerais pour vendre ma récolte là-bas car les prix y sont meilleurs en ce moment », reconnaît Philippe Brou. Des camions de fèves de cacao de contrebande en route vers le Ghana sont d’ailleurs régulièrement interceptés par les forces de l’ordre.

 



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