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L’enquête du jeudi. Côte d’Ivoire. Pollution au ciment à Abidjan : de nombreux cas de maladie et de décès signalés

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« On souffre. On mange ciment. On boit ciment. On se lave avec ciment », se plaint Marie-Claude. Tout comme elle, la plupart des habitants du quartier France-Amérique, dans la commune de Treichville, vivent quotidiennement une pollution liée à la fabrication du ciment. Ils accusent CIM IVOIRE, une cimenterie située au sein du quartier, de leur causer cette souffrance depuis son implantation, il y a trois ans.


De loin, l’on remarque aisément la poussière de ciment sur les murs et les toits des maisons du quartier France- Amérique, ainsi que sur les voitures et tout autre objet se trouvant dans les environs de la cimenterie. « Il faut vous rendre également dans chaque cour, pour vous en rendre compte. Il y a la poussière de ciment partout », fait savoir Mory T, que nous avons trouvé assis devant une habitation en bordure d’une rue, en compagnie de ses frères et amis. « Quand vous lavez votre voiture, dans moins de 30 minutes, si vous passez la main dessus, vous constatez qu’elle est couverte de ciment », déclare l’un d’entre eux. Celui-ci présente quelques arbres plantés en bordure de la rue, dont le tronc et les feuilles sont blanchis par des dépôts de poussière de ciment. « Vous remarquez que les maisons ont l’air vieillissantes. C’est le fait du ciment. Quand on fait la peinture, la poussière de ciment vient les couvrir », renchérit un autre.

« Vous nettoyez votre nez, vos oreilles, vos cheveux, tout est couvert de ciment. Dans nos maisons, c’est du ciment. Avant on pouvait dormir dehors. Maintenant ce n’est plus possible. Quand vous vous levez le matin, votre corps est couvert de ciment », explique Marie-Claude, que nous avons rencontrée en compagnie de sa sœur. Pour confirmer ses dires, elle nous conduit chez elle. De là, l’on aperçoit l’usine en face. Les façades et les fenêtres de sa maison ont pris la couleur grise du ciment. Le sol bien carrelé de sa cour en est couvert. Marie-Claude y tient aussi un restaurant. Elle passe la main sur les tables et nous la présente, toute couverte par la poussière de ciment. Elle entend ainsi témoigner de l’ampleur de la situation.


Plusieurs habitants ont quitté le quartier


Il ressort aussi de plusieurs témoignages, que les activités de la cimenterie ont causé de nombreux cas de maladies, et même des décès. « Il y a des enfants qui sont atteints d’asthme, certains sont anémiés. Une jeune femme a perdu son bébé de six mois. Il est décédé d’une infection pulmonaire », explique Marie Claude. Le domicile des parents du bébé est situé en face de la cimenterie. Marie Claude soutient qu’elle aussi ressent les effets du ciment sur sa peau. « Je pensais que c’était des coups de soleil », confie-t-elle. « Ce frère est tombé malade à cause de la poussière de ciment », témoigne également Mory T, en nous présentant une autre victime, qui le confirme sans donner de détails .

Selon nos interlocuteurs, plusieurs habitants ont quitté le quartier du fait de la pollution causée par les activités de la cimenterie. « Vous voyez cet immeuble jaune-là, nombre de ses habitants sont partis », confie un habitant du quartier. Un ressortissant libanais habitant l’immeuble en question, explique-t-il, s’était séparé de sa servante, au motif que celle-ci ne faisait pas bien le ménage. Puisqu’à son retour du travail, il constatait qu’il y avait toujours de la poussière de ciment dans la maison. Mais un dimanche, il a dû se rendre compte de la réalité, car la maison avait été nettoyée en sa présence. Et les heures qui ont suivi, elle était envahie à nouveau par la même poussière. A la fin du mois, il a déménagé avec sa famille.


« L’installation de cette usine qui ne respecte aucune règle environnementale et sociale »


« Dans cet immeuble, les gens ne font que déménager », confirme un voisin, qui s’est invité à notre entretien avant d’ajouter que ceux qui restent dans le quartier n’ont pas d’autre choix. La jeune femme, qui a perdu son bébé de six mois, et son mari ont également dû partir du quartier.

Dès le début des activités de l’usine, des voix se sont levées pour dénoncer la pollution que subissent les habitants. Les réseaux sociaux ont été mis à contribution dans ce combat. « Nous allons alerter l’opinion publique internationale face à l’installation de cette usine qui ne respecte aucune règle environnementale et sociale. Aujourd’hui à Treichville c’est la poussière de ciment qui est devenue notre quotidien », fait savoir S. T. dans son poste du 30 janvier 2021. Un autre message invite les populations de Treichville à se lever, pour former une seule entité, afin que l’usine de cimenterie soit délocalisée. « Les cimenteries ne devraient pas être construites en pleine ville au milieu des habitations », fait remarquer Mory.

Des pétitions ont donc été signées en vue d’exiger la délocalisation de l’usine. « Mais cela est resté sans suite. Quand les jeunes faisaient des pétitions pour les leur envoyer, ce sont les forces de l’ordre qui les accueillaient. On avait décidé de marcher avec des rubans rouges. Quand ils ont appris cela, ils ont alerté les forces de l’ordre », explique Marie-Claude.


Le dossier CIM IVOIRE est connu des différents ministres


Et qu’a fait la Mairie dans cette affaire pour défendre les populations victimes de cette pollution ? A cette question, certains habitants confient que cette affaire dépasse le Maire. Puisque, indiquent-ils, son premier adjoint habite le quartier. Lui et sa famille sont également victimes de ladite pollution.

Pour connaître le point de vue du Centre ivoirien Antipollution (COAPOL) sur le sujet, nous nous sommes rendus dans ses locaux au Plateau. En l’absence du directeur de ladite structure, c’est M. Kouadio, responsable de la communication qui nous a reçu. Pour lui, le dossier sur cette cimenterie de Treichville est bien connu des autorités compétentes. Il y a moins d’un an, le ministre de l’environnement et du développement durable Jean-Claude Assi y avait effectué une visite. Et ses prédécesseurs avaient également été sur le site. Il est certain que l’actuel ministre tient également le dossier. « Le CIAPOL est toujours en train d’instruire les dossiers des cimenteries. On leur a dit ce qu’il faut faire pour réduire la pollution », a-t-il indiqué.

Des recommandations ont été faites aux cimenteries d’installer des équipements contre la pollution. N’étant pas technicien, notre interlocuteur ne peut pas déterminer le type d’équipements qui leur a été recommandé. Toutefois, confirme-t-il, des visites ont été effectuées avec les techniciens et des représentants des riverains. Si malgré ce qui a été fait la pollution perdure, et que le CIAPOL est saisi, le dossier sera instruit. Des agents seront envoyés sur le site pour des constats. Le dossier remontera par la suite au niveau du ministre. « Il est prêt à taper du poing sur la table car il est soucieux de la santé des populations », souligne-t-il avant de préciser par la suite que : « même s’il le voulait, le CIAPOL ne pourrait pas tout de go se lever pour aller fermer une entreprise. C’est une longue procédure qu’il faut suivre. ».

Nous n’avons malheureusement pas pu rencontrer les responsables de CIM IVOIRE, l’entreprise mise en cause par les populations. « Le directeur commercial a perdu un proche. Tous les responsables de l’entreprise sont aux obsèques à Korhogo. Ils seront certainement là le vendredi », a expliqué l’agent que nous avons trouvé sur place le mercredi 24 avril 2024. S’il ne peut répondre à nos préoccupations, il affirme cependant, savoir l’existence du problème. Car des rencontres et réunions auraient déjà eu lieu à ce sujet. Nous poursuivrons nos efforts pour avoir des précisions de leur côté.

Diomandé Karamoko





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