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Politique

Enquête Express- Coronavirus: À Abidjan, les hôtels de passe en risque de "chômage technique"

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Malgré ce contexte anxiogène dû à la pandémie du coronavirus, il se trouve des gens pour continuer à fréquenter les hôtels de passe. Comme si de rien n’était. Comme si la peur n’avait pas inhibé le muscle le plus sollicité dans ces lieux d’alcôve. Certes, ces usagers d’hôtels de passe sont peu nombreux par ces temps où la crainte du « virus à couronne » hante les esprits. Ce qui fait d’ailleurs pleurer les propriétaires et autres gérants de ces établissements. 
C’est le constat que nous y avons fait le week-end du vendredi 3 au dimanche 5 avril 2020, essentiellement à Cocody, la commune qui compte le plus de personnes contaminées à Abidjan. 
Le dimanche 5 avril, nous voila dans un de ces espaces, d’ordinaire très fréquenté, situé à la Riviera 2, à une cinquantaine de mètres du marché d’Anono. Il est environ 18 h. A notre passage, un couple sortait à peine d’une chambre. Sans masque, évidemment, et s’en allait prestement. Au même moment, un autre faisait son entrée. A l’homme qui se présente au guichet, la caissière ordonne d’aller d’abord se laver les mains.
Recettes en baisse de 80 %
Un seau d’eau est en effet installé dans un couloir à l’entrée de l’hôtel. A quelque trois mètres de ce dispositif, deux belles de nuit rôdaient, attendant certainement d’éventuels clients. Approchée, Tatiana, la caissière, nous explique que la crise sanitaire et les mesures gouvernementales qu’elle a engendrées impactent leur business. « A cause du couvre-feu, on est obligés de fermer au plus tard à 20 h. Or, c’est dans la soirée qu’on avait le gros des clients », se désole-t-elle.
Et de renchérir : « On est obligés de travailler dans la journée. Mais les clients ne viennent pas assez par peur de contracter le coronavirus. A partir de 19 h, on n’a plus de clients ». Plus précise, elle fait savoir que d’ordinaire, l’hôtel recevait au moins 100 clients par jour. Mais aujourd’hui, il n’en accueille qu’une vingtaine. « A cause de cela, nous avons dû réduire le personnel, en passant de 15 à 3 employés », explique Tatiana.
Pour sa part, le gérant nous fera savoir que ses «recettes ont chuté de 80 % ». Puis de se faire plus explicite : « Avant, on gagnait entre 150 000 F CFA et 200 000 F CFA par jour. Aujourd’hui, c’est environ 40 000 F CFA par jour. On a constaté cette baisse après le message à la nation du chef de l’Etat ». Au-delà de l’incidence économique, le personnel dit avoir une certaine appréhension liée au contexte sanitaire pour le moins alarmiste.
« Nous avons des masques, des gants, du gel hydroalcoolique et des seaux pour le lavage des mains. On a aussi gardé nos habitudes consistant à changer de drap et de serviette après chaque client. Aujourd’hui, on désinfecte plus que d’ordinaire les chambres », explique la caissière. Elle plaide pour un assouplissement du couvre-feu, dont le l’horaire de début peut être repoussé à minuit.
Dans un autre hôtel de passe où nous sommes passé peu après 17 h 40, le même dimanche, le refrain est quasiment le même chez notre interlocuteur prénommé Georges. Au moment où nous mettions les pieds dans cet espace de plaisir, situé dans les environ de l’allocodrome de la Riviera 2, deux couples sortaient des chambres quand un autre y faisait son entrée. Preuve s’il en est que les Abidjanais n’ont pas vraiment cessé de fréquenter ces lieux malgré la peur suscitée par le Covid-19 et son corollaire de distanciation sociale. Comment, en effet, deux tourtereaux peuvent-ils respecter la distance d’un mètre dans un tel espace d’alcôve ?
« Il n’y a plus de clients. Franchement, ça ne va pas. La situation ne nous arrange pas », se lamente pourtant Georges. Lui aussi maudit le coronavirus et son corollaire de couvre-feu, qui amputent  l’établissement d’une bonne partie de sa clientèle. Interrogé sur l’état d’esprit du personnel en cette situation de crise sanitaire, il lâche, un rien philosophe : « On a peur mais on va faire comment ? Tout le monde est inquiet mais on ne peut pas rester à la maison. Si on reste à la maison, on va manger quoi ? ».
Des clients volent le gel hydroalcoolique
Au dire de Georges, l’hôtel s’est doté d’un seau pour le lavage des mains, installé à l’entrée et fait usage, comme d’habitude, de l’eau de javel pour le lavage des draps et serviettes. Il dit attendre beaucoup des mesures annoncées par le Premier ministre, Amadou Gon Coulibaly, notamment celles touchant aux factures d’électricité. « Nous avons payé ces jours-ci une facture d’électricité de 800 000 F CFA. Nous attendons donc l’entrée en vigueur de ces mesures », lâche-t-il.
Autre lieu, mêmes complaintes. Au village Blockhauss, un autre hôtel de passe se plaint lui aussi de la rareté des clients et de son incidence sur ses chiffres d’affaires. Pour autant, les clients n’ont pas tous arrêté d’y venir prendre leurs pieds. A notre passage, le vendredi 3 avril, peu après 16 h, un couple sortait fraîchement d’une chambre. D’autres couples devraient être occupés dans d’autres chambres, à en juger par la présence de quatre véhicules devant l’établissement.
Ici aussi, un dispositif de lavage des mains a été installé à l’entrée. « Avant qu’on parle de coronavirus, ça allait bien. Mais dès qu’on a annoncé le premier cas, la méfiance s’est installée et après les premières mesures prises par le gouvernement, tout s’est arrêté », nous fait savoir le gérant Aubin. Qui ajoute : « En temps normal, on gagne autour de 200 000 par jour. Mais actuellement, on a moins de 100 000. On peut dire qu’il y a une baisse de recettes journalières de près de 60 % ». 
Selon lui, le couvre-feu aussi impacte leur activité. « Aujourd’hui, on ferme à 19 h. Or, habituellement, on est ouvert jusqu’au matin parce que certains clients sortent s’amuser avant d’entrer en chambre. Mais aujourd’hui, les clients qui viennent pour les passes viennent autour de 14 h et les derniers s’en vont vers 19 h », explique-t-il. Une situation qui a entraîné, selon lui, la mise au chômage de deux des employés. Et de s’inquiéter pour les acteurs de ce secteur d’activité. « Si ça  dure encore un mois, c’est que nous serons tous renvoyés, car le patron va finalement fermer. Or, c’est avec ce qu’on gagne ici qu’on aide nos parents restés au village ».   
Interrogé sur d’éventuelles mesures sanitaires prises dans l’établissement, Aubin nous apprend qu’en raison de la pandémie du coronavirus, ils avaient commencé à placer du gel hydroalcoolique dans les chambres. « Mais les clients les emportent quand ils sortent. On a donc arrêté », révèle-t-il. 
On le voit donc, les Abidjanais n’ont pas déserté les hôtels de passe mais ils n’y affluent plus, par peur du Covid-19. Au grand dam des gestionnaires de ces espaces de plaisir.
Karine Koré
 
 
 
 



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