Ce jeudi 16 janvier, dans les rues ensablées du quartier aéro- canal jouxtant l’aéroport Félix Houphouët Boigny et la zone Kamboukro, règne une atmosphère peu ordinaire. Face aux bruits assourdissants des atterrissages et décollages des avions, les habitants de cette zone affichent, eux, une certaine inquiétude et de la tristesse. Regroupés par petits groupes de trois à quatre personnes, ils devisent sur leur avenir. Car, dans peu de temps ils devront s’en aller. Ainsi en a décidé le gouvernement, après la mort il y a quelques jours, de ce jeune élève de 14 ans, nommé Laurent Barthélémy Ani Guibahi qui tentait de se rendre dans l’hexagone. Il a pour ce faire, escaladé la clôture de l’aéroport Félix Houphouët Boigny pour s’agripper au train d’atterrissage d’un avion de la compagnie Air France qui s’est envolé avec lui pour Paris (France). Malheureusement son corps sans vie sera retrouvé à l’aéroport Roissy Charles de Gaulle, six heures de temps après.
Choqué par ce drame, qui met en lumière les failles de la sécurité autour de l’aéroport international, sans oublier les différents crashs d’hélicoptères survenus en décembre 2017 et janvier 2018, dans la même zone, les autorités ont décidé de faire déguerpir toutes les habitations qui s’y trouvent. Une décision subite qui affecte la vie de nombreuses familles. Lesquelles crient à l’injustice. « Ils auraient pu nous dire directement de partir que de trouver des prétextes comme la mort de cet adolescent », martèle Adjoua Kouamé. Assise devant un gril de Banane braisé, cette femme pense à son relogement. « Nous allons reprendre tout à zéro. J’ai des enfants qui fréquentent dans la zone, leur déplacement sera maintenant compliqué », ajoute-t-elle.
Pour Kouassi. F, la menace pèse sur eux depuis des lustres, mais « on ne savait pas quand la décision allait s’appliquer », souligne cet étudiant à la faculté de criminologie de l’Université Félix Houphouët Boigny. Contrairement à M. Kouassi, d’autres riverains s’interrogent encore, comment un adolescent a pu escalader une clôture haute de plus de 5m , sans compter les barbelés électriques qui les surmontent ? « C’est impossible, avec toutes ces caméras postées ça et là, comment cet adolescent peut arriver à s’intégrer dans l’enceinte sans être pris ? » s’interroge un adulte, répondant aux initiales de F.G. Pour lui le train d’atterrissage aurait pu consumer l’enfant si vraiment il s’y trouvait. Bref ! Ce sont là, autant d’interrogations et de supputations qui nourrissent les conversations que les uns et les autres entretiennent sur le sujet. Cela pour traduire leurs mécontentements et angoisses par rapport à la décision de quitter les lieux. Face à la relative soudaineté de celle-ci, le maire de la commune de Port Bouet Dr Emmou Sylvestre, à dépêché une équipe composée de son directeur de cabinet Fulbert Lokougnan et du directeur des services techniques Anderson Kouamé pour « négocier auprès du ministère des Transports, un peu plus d’assouplissement dans la mise à exécution de la décision du déguerpissement», souligne une note de la mairie.
Après plusieurs tractations, la municipalité a obtenu dudit ministère le report de l’opération de déguerpissement, initialement prévue ce mercredi 15, au lundi 20 janvier. Elle devra s’étendre sur une semaine, pour la première phase, allant de la zone Aéro-canal jusqu’à Kamboukro, et à partir de la clôture de l’aéroport jusqu’à 50m du côté d’Adjouffou. La deuxième phase qui aura une durée de 45 jours, débute toujours le lundi 20 janvier. Elle s’étendra sur 350m, à partir de la clôture du côté d’Adjouffou, faisant ainsi un total de 400m, explique le service communication de la mairie de Port - Bouet.
Concernant les mesures d’accompagnement, des négociations sont en cours, selon le maire. Il rassure l’ensemble de ses concitoyens, sur l’engagement de l’administration communale à faire tout ce qui est humainement possible afin de les soulager.
Il convient de rappeler que ,lors d’une conférence de presse, tenue le lundi 13 janvier, dans les locaux de l’Autorité nationale de l’aviation civile (Anac), par Ahmed Diomandé, directeur de cabinet du ministre des Transports, Sinaly Silué, directeur général de l’Anac, et Gilles Darriau, directeur général de l’Aéria, il a été décidé d’établir un périmètre de sécurité de 200 m de large autour de la plateforme aéroportuaire de Port-Bouët à partir de lundi. Pour le directeur général de l’Anac, le déguerpissement n’est pas entrepris pour faire du tort ou un quelconque mal à qui que ce soit. Non loin s’en faut, c’est pour la propre sécurité de ces riverains. Il cite les accidents de deux hélicoptères survenus aux abords de l’aéroport en décembre 2017 et juin 2018.Lesquels ont occasionné des dégâts dans ce quartier. Déplorant la mort de cet adolescent, le directeur général de l’Anac révèle que les caméras de surveillance ont montré qu’il n’est pas passé par la voie normale.
Paul de Kouamé