Le juge Coulibaly Kuibiert est désormais le président de la Commission électorale indépendante ( Cei). C’est à lui qu’il revient d’organiser l’élection présidentielle de 2020 et surtout d’en proclamer le vainqueur. La mission s’annonce pour le moins périlleuse tant ce scrutin suscite déjà une vive controverse. Ce qui fait dire que le prédécesseur de Coulibaly Kuibiert, Youssouf Bakayoko, lui a filé une patate chaude et mieux, lui a déposé une bombe entre les mains.
Les dossiers que le sortant a transmis à son successeur, lors de la passation des charges, le 2 octobre 2019, s’apparentent, pour nombre des observateurs, à un cadeau empoisonné. Eu égard aux vives crispations autour de la Cei à l’occasion de l’élection présidentielle et plus généralement des élections qu’elle est chargée d’organiser. En l’occurrence, les tensions et violences ayant émaillé les dernières élections locales et plus graves encore, celles engendrées par le scrutin présidentiel de 2010.
La Cei, faut-il la rappeler, est sortie de la présidentielle de 2010 fort discréditée tant son image a été écornée par la controverse autour des résultats provisoires qu’elle a proclamés. Et partant, par la guerre postélectorale qui s’en est suivie. L’on garde encore en mémoire les querelles intestines qui ont éclaté entre membres du Bureau central lors de la proclamation des résultats et conduit Youssouf Bakayoko à devoir sortir des locaux de la Cei pour livrer les résultats provisoires du second tour de la présidentielle.
Un homme soupçonné d’être marqué
Autant de faits qui ont entaché la respectabilité de cet organe électoral et terni fortement l’image de son président d’alors, Youssouf Bakayoko. Alors que son départ de l’institutionnel devait être salué comme une occasion pour la Cei de se refaire une nouvelle virginité et donner ainsi à l’opinion des assurances quant à sa crédibilité, voilà qu’éclate à nouveau une polémique sur sa nouvelle composition.
Bien que désormais composée de 15 membres avec une plus grande représentativité des acteurs de la société civile, la Cei nouvelle formule reste controversée. Elle est furieusement décriée par une frange de l’opposition, qui la taxe de « Cei à 100% Rhdp ». En effet, n’y sont pas représentés le Pdci d’Henri Konan Bédié et la faction du Fpi se réclamant de Laurent Gbagbo. Par ailleurs, ces absents reprochent à cette Cei new look, la forte représentation des personnes supposées proches du pouvoir comme le représentant de la présidence de la République et celui du ministère de l’Administration du territoire.
C’est dans ce contexte où la Cei est encore au coeur de la controverse, que le magistrat hors hiérarchie, Coubaly Kuibiert, en prend les rênes. Dans un tel climat, c’est peu dire que d’avancer que les choses ne s’annoncent pas bien pour lui. Il semble, pour ainsi dire, mal parti, lui qui est, par ailleurs soupçonné de rouler pour le régime Ouattara. De fait, les opposants le voient comme une pièce de la stratégie mise en place par le pouvoir pour s’assurer une victoire certaine à la présidentielle de 2020.
Se fondant sur ses liens avec le président du Conseil constitutionnel, Koné Mamadou, les adversaires d’Alassane Ouattara le jugent d’emblée frappé de partialité. Pour eux, Coulibaly Kuibiert est un homme marqué, parce que connu pour être le bras droit du président du Conseil constitutionnel. Puisque, soutiennent ses détracteurs, il était secrétaire général du Conseil constitutionnel jusqu’au moment de sa nomination à la Cei et fut très proche de Mamadou Koné depuis le temps où celui-ci était ministre de la Justice, puis président de la Cour suprême. Or, déduisent-ils, Mamadou Koné fut, un temps, secrétaire général par intérim des ex-Forces nouvelles de Guillaume Soro, dont les liens avec le camp Ouattara ne font pas débat.
Comment se défaire de cette étiquette et parvenir à rassurer toutes les parties prenantes à la prochaine élection présidentielle ? Tel est le défi énorme que doit relever le nouveau président de la Cei. Et ce n’est pas une sinécure. « Nous avons prêté serment de nous conformer à la Constitution et au code électoral. On fera en sorte de mériter la confiance de la nation », a-t-il assuré, lors de la passation des charges avec son prédécesseur.
Car, il est bien conscient d’être frappé de suspicion au moment où il prend les commandes de cette Cei, qui tient entre ses mains le destin de la Côte d’Ivoire. « Présumez-nous innocents et jugez-nous aux actes », a-t-il lancé à ceux qui voient en lui un pion du régime Ouattara.
Karine Koré
Publié le :
10 juillet 2019Par:
Bonébo