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Politique

Côte d'ivoire : L’Assemblée Nationale n'a pas vocation à devenir une extension de la caverne d'Ali Baba

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L’Assemblée Nationle est une pièce maîtresse de notre système démocratique, en tant que représentation du peuple dans son rôle de législateur exprimant la volonté générale dans la Loi et de contre-pouvoir par le rôle qui lui est dévolu de contrôler l’action gouvernementale au nom du peuple qu’il représente et de l’intérêt commun de la communauté nationale. Elle est cependant contenue dans le dispositif constitutionnel qui fonde la République, en limitant le rôle  et la compétence de tous les organes qui l’animent, dans un équilibre harmonieux à travers une organisation et une distribution des pouvoirs visant le bon fonctionnement de l’État, dans l’intérêt de la Nation, en garantissant son efficacité, son impartialité et son caractère démocratique. Porter atteinte à l’image de l’Institution, dévoyer son rôle par des considérations personnelles et politiques partisanes, agir contre le caractère républicain de la norme supérieure, trahir le but du mandat populaire dont il jouit pour fonder sa légitimité, constituent autant de fautes graves, susceptibles de troubler la légalité constitutionnelle et d’entraîner la destitution des principaux dirigeants de l’Institution.
 
A – Dysfonctionnement de l’Institution et commission de fautes graves de la part de ses dirigeants.
 
L’Institution ne saurait se transformer en un refuge de tous les criminels, voleurs et brigands de la République. Ce serait porter une atteinte grave à son image, à son honneur et à son intégrité morale. L’Institution doit inspirer considération et porter l’intérêt général, et non des ambitions politiques et des positions partisanes ou corporatistes. La recevabilité de l’initiative de son Bureau au regard de l’Article 92 de la Constitution relève d’une méconnaissance flagrante des dispositions relatives à l’immunité de procédure dite d’inviolabilité du statut de parlementaire, durant l’inter-session. La Constitution de 2016 n’interdit nullement les poursuites contre un député durant celle-ci, mais son arrestation. L’organe compétent pour se prononcer sur l’autorisation de cette dernière est la chambre à laquelle appartient le député inculpé. De même, l’initiative du Président de l’Assemblé Nationale, si elle s’avére conforme à l’état des informations publiées dans la presse en ligne, visant à apporter son soutien au député concerné (Jacques EHOUO) sort de son rôle de modérateur du débat démocratique, porte atteinte à la séparation des pouvoirs, notamment du pouvoir Judiciaire, et consacre un détournement de l’intérêt général au profit d’intérêts particuliers (ethniques, partisans, corporatistes). L’immunité parlementaire doit obéir à son objet et celui-ci ne doit pas conduire à l’impunité en matière de droit commun. Lorsque des activités personnelles sont nettement disjointes de l’activité parlementaire, et qu’elle font l’objet de crimes ou de délits, le maintien de l’immunité fonctionnelle ne se justifie pas, dans la mesure où elles ne sont pas liées à l’exercice du mandat parlementaire. Les activités commerciales de M. EHOUO Jacques relèvent de sa personne, en tant que sujet de droit privé. Ce type  d’activité et les règles qui les régissent permettent d’établir des distinctions, entre les différentes fonctions du concerné et d’éviter la confusion. Quand il agit en tant que simple citoyen , il est soumis aux lois communes de la République. C’est l’individu et non le député qui est poursuivi et inculpé. Celle-ci a induit une partie de l’opinion publique en erreur et rendu  douteuses, voire inconséquentes, les déductions du Bureau de l’Assemblée Nationale. C’est cela l’objectivité. C’est cela une institution exemplaire et mature par son sens de responsabilité. C’est cela représenter dignement un peuple. Le but du mandat parlementaire n’est pas de se soustraire à la justice et de se protéger contre les conséquences des actes posés dans notre vie privée. Cette confusion est inadmissible et pervertit l’Institution. L’immunité n’est pas un parapluie contre la responsabilité individuelle, civile et pénale, tant qu’elle n’implique pas une relation publique de type institutionnelle ou l’exercice du mandat parlementaire. C’est cela respecter l’ordre constitutionnel, honorer l’Institution qu’on anime, à plus forte raison qu’on dirige, et ne pas vouloir être au-dessus  et en dehors des lois qu’on a la charge d’édicter. Tous ces éléments sont constitutifs de fautes  lourdes susceptibles d’engager la responsabilité des dirigeants de l’Institution devant ses pairs. Le cas s’est produit en Centrafrique et a conduit à la destitution du Président de leur Assemblée Nationale. Attention à ce que nous faisons. Si aucune norme (Constitution ou Loi) ne permet de destituer le Président de l’Assemblée Nationale, et surtout pas l’argument farfelu de ne plus appartenir à la majorité qui a permis son élection, ce type de faute lourde, est de nature à permettre de remettre en cause par celle-ci, la poursuite de son mandat de Président au motif de porter atteinte aux intérêts de l’Institution. Je suis au regret de l’observer et de tenir des propos d’une telle portée, car ils ne visent aucune personne en particulier, mais l’entière Institution dans son fonctionnement, d’autant plus qu’elle ne s’illustre pas non plus positivement dans sa mission de contrôle de l’action gouvernementale, notamment l’évaluation des politiques publiques..
 
B – Trouble à la l’ordre constitutionnel et à l’ordre public.
 
Dans le climat de tension précédent l’échéance électorale de 2020, la classe politique doit faire preuve de responsabilité. Porter une critique ouverte et publique contre les Institutions de la République, violer la Constitution et ne pas respecter la séparation des pouvoirs est une chose grave, qui porte atteinte au bon fonctionnement de l’État. Cette gravité est d’autant plus accentuée, lorsqu’il s’agit du chef d’une Institution ou de ses organes représentatifs. Les Présidents Bédié et Gbagbo sont à présent des personnalités libres de leurs propos et actes, sous réserve de leurs propres responsabilités. Ce n’est pas le cas des Présidents d’Institution qui sont en fonction. La recomposition du paysage politique doit être constructive pour préparer l’avenir et non pour entraîner la Nation vers le chaos . Pour l’instant nous avons affaire à un personnel comportant toutes sortes de catégories (les nomades, les orphelins, les sans domicile fixe, les esprits chagrins, les nostalgiques, les revanchards et les opportunistes), dans un espace politique très étendu (droite identitaire et autocratique, droite réformatrice et libérale, gauche progressiste et humaniste, gauche socio-libérale et démocratique, extrêmes de tout bord, etc. …) duquel n’émerge pour l’instant aucun projet, solide et viable pour la Nation.  Nous sommes dans la facilité : la critique systématique ou la démagogie en faisant de la réconciliation un fond de commerce politique et de la contestation un moyen d’accroître sa  propre visibilité et son capital sympathie, fussent-t-ils au détriment de l’intérêt général. Aussi, les entrepreneurs politiques quels qu’ils soient, quels que soient leur position sociale et leur positionnement politique, sont invités y compris le Président de la République, à ne pas troubler l’ordre constitutionnel et l’ordre public. En cas de manquement à la Loi, ils peuvent engager des procédures de recours et le Président de la République doit garder la nécessaire distance et neutralité vis à vis du corps social, tout en défendant de manière pédagogique (uniquement) sa vision et son action.  C’est l’enjeu de la compétition démocratique. Il ne faut pas donner à croire, par opportunisme et démagogie,  que le Judiciaire bafoue le principe de la liberté et  de l’égalité des citoyens devant la Loi. On ne saurait entretenir sans risque et sans dommage une telle réputation sur l’un des piliers de la République. La contestation de la Loi et de l’autorité de l’État ne doit pas devenir une nouvelle forme de mobilisation politique. On peut contester une politique et des pratiques, certainement contestables, mais pas la Loi. On peut contester une  application défectueuse de la Loi, mais exclusivement par des voies légales. On peut contester la sélectivité du Parquet quant à l’opportunité des poursuites, mais pas sa détermination à appliquer la Loi. On peut soupçonner des motifs politiques, penser à des prétextes, à des règlements de compte, mais on ne peut pas défendre le détournement des fonds publics, quel que soit l’individu et l’argument avancé (comparaison, appartenance, irresponsabilité du statut parlementaire). Le pouvoir législatif ne peut pas contester l’application de la Loi qu’il édicte, sans être en contradiction avec lui-même. Soutenir le député Jacques EHOUO, c’est participer à la fronde contre les lois républicaines, alors que l’on est saisi par des voies légales aux fins de se prononcer sur son cas. Pourquoi alors choisir l’illégalité pour apporter sa réponse ? L’indépendance de chacun des pouvoirs constitutionnels doit être respectée par tous ceux qui les animent. Contester ce principe de séparation trouble l’ordre constitutionnel et porte atteinte à la magistrature. A ce titre c’est un fait délictuel. Refuser l’application des dispositions constitutionnelles relatives à la poursuite et l’arrestation d’un parlementaire(compétence, période, procédure), c’est être dans l’illégalité. Ceci est inconcevable de la part du législateur. Encourager l’illégalité, c’est attenter à l’ordre public. On observera au passage que le député Jacques EHOUE n’a pas appelé ses partisans et son ethnie au calme et à la sérénité, pour que l’état de droit prévale et non le réflexe tribal, la solidarité corporatiste et le désordre.
 
C – Conclusion
 
Nul n’a intérêt à ce que s’installe la « chienlit » en Côte d’Ivoire, surtout pas pour le triomphe de la malversation et de l’imposture, car  la vérité est connue de tous, dans le cas BENDJO et son neveu EHOUO (détournement de fonds publics , trafic d’influence, collusion, faux en écritures publiques, abus de confiance, etc). L’affaire a été révélée à l’étranger par Wikileaks dans l’affaire des Panama Papers qui a nommément épinglé Akossi Bendjo pour les milliards qu’il avait détourné et placé dans des offshore au Panama. Dans tous les pays du monde où des personnalités ont été citées, il y a eu investigation et sanction. Pourquoi devrait-il en être autrement en Côte d’Ivoire. C’est en usant de sa position de Maire qu’il a impliqué son neveu dans son vaste système de  détournement. Celui-ci n’a pas joué au vertueux à cette époque comme il  joue à l’innocent aujourd’hui. Ceux qui détournent des fonds publics, quelle que soit leur appartenance (politique et ethnique), leur positionnement et leur rang,  doivent rendre compte à la justice et autant que possible désintéresser la victime morale (institution, structure publique, État) de son préjudice financier. Les Ivoiriens doivent apprendre à construire un débat objectif et dépassionné avec des points d’accord et de désaccord, pour permettre un réel progrès, plutôt que de catégoriser les contradicteurs. Ici, il convient de reconnaître un fait répréhensible et non de faire des comparaisons et faire un procès d’intention, car la  responsabilité pénale est individuelle et autonome. Quand on fait de la  politique, il faut être propre pour ne pas se fragiliser soi-même. C’est le point d’accord. Le point de désaccord est le caractère sélectif et ciblé des poursuites, qui reste discutable faute d’éléments probants pour fonder une opinion éclairée sur les cas rapportés par la rumeur publique. Dès lors, il serait bon de systématiser les contrôles et les audits des structures de l’état et d’adopter la sanction comme mode de gouvernance pour réprimer, dissuader et éradiquer la délinquance financière chez nos  dirigeants. L’Assemblée Nationale qui a la possibilité d’interroger le gouvernement sur sa politique judiciaire, peut formuler des exigences dans ce sens ou élaborer elle-même une proposition de loi allant dans la même direction, plutôt que de faire et dire n’importe quoi. Les partis politiques à qui appartiennent des personnalités impliquées dans des détournements de fonds publics, qui les tolèrent, les soutiennent et les protègent ne rassurent pas, et doivent être écartés par le peuple,  aux prochaines élections, de la gestion des affaires.
 
Pierre Soumarey 



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