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Politique

A Kinshasa, «ils veulent nous décourager de voter mais on restera là toute la nuit s’il le faut»

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Ce dimanche matin, le son des cireurs de chaussures a disparu de Kinshasa. D’habitude, les petits travailleurs tapotent en rythme leurs cale-pieds en bois pour signaler leur présence. Mais en cette date d’élection historique, alors que le jour n’était pas encore levé, un déluge s’est abattu sur la capitale congolaise. Dans la plupart des quartiers, le sol devient boue, le moindre trou devient flaque et des rues entières se changent en rivières. Qui pense encore à astiquer ses chaussures quand il s’agit de les sauver ? Pour rejoindre le centre de vote de l’école Sanza, dans le quartier populaire de Mombele, les premiers électeurs n’avaient d’autre choix que de remonter jupes et pantalons pour franchir les mares noirâtres qui l’entouraient.
Sept heures plus tard, le soleil a asséché l’entrée, mais ils attendent toujours de déposer le premier bulletin dans l’urne. «Les machines à voter fonctionnent, elles sont allumées, mais nous n’avons pas reçu les listes électorales, transpire le chef du centre de vote, M. Ndaki, 60 ans. Je suis allé à l’antenne locale de la Commission électorale nationale indépendante (Céni), et ils m’ont dit qu’ils allaient m’envoyer les listes. On n’a toujours rien. Ça devient risqué pour nous.» A l’extérieur de son grand bureau sombre (il n’y a pas d’électricité), des jeunes du quartier crient leur frustration. Lassés d’attendre, certains ont organisé une parodie d’élections devant le portail du centre. Chacun peut participer à ce vote placebo autour d’urne en papier construite à la va-vite.

Câbles d’alimentation

L’école Sanza n’est pas un cas isolé. Dans la plupart des centres de vote de la commune de Limete, bouillonnant bastion de l’opposition, les opérations de vote n’avaient pas débuté à la mi-journée, alors que les foules commençaient à enfler. Policiers et militaires ont été déployés par centaines aux carrefours. A l’antenne locale de la Céni, le responsable, M. Willy, chemise rose et yeux gonflés, se défend mollement. «Cette agitation est habituelle, le vote se déroule globalement de façon satisfaisante, assène-t-il sans ciller. On règle les derniers problèmes matériels.»
Devant la cour, des agents électoraux se ruent pour récupérer des câbles d’alimentation qui permettent de recharger les machines à voter. Un homme en polo bleu s’étrangle de rage en tournant sur lui-même. «Il a frôlé la mort», chuchote sa voisine. Dans son centre, qui n’a toujours pas ouvert, le responsable électoral a évité «de justesse» d’être lynché par des électeurs en colère.
 
«Après deux ans d’attente [le mandat du président sortant, Joseph Kabila, a pris fin en 2016, ndlr], après un report technique d’une semaine, après tout ce qu’on a supporté, on doit encore subir ça,s’agace Jacob, 32 ans, qui attend dans une file du lycée technique et scientifique de Limete. Selon moi, c’est volontaire. Ils veulent qu’on se décourage mais on restera là toute la nuit s’il le faut.» Dans son bureau, à 13 heures, les opérations de vote viennent tout juste de commencer. Mais le rythme de passage est désespérément lent. Beaucoup d’électeurs se plaignent par ailleurs de ne pas trouver leur nom sur les listes.
A l’école Mokengeli, dans le quartier voisin, le vote a ouvert à 8 heures – avec deux heures de retard –, car l’encre indélébile qui sert à marquer le pouce des votants était introuvable. «Ça chauffe la tête de chercher son nom partout sur les panneaux, souffle une dame en fichu coloré, impatiente «d’en finir» avec ce scrutin. Mais ce qui m’inquiète le plus, c’est cette machine à voter. Je ne l’ai jamais vue et elle ne m’a jamais vue. J’ai peur de rater.»

«Jusqu’au petit matin»

Ces retards devraient contraindre un grand nombre de bureaux de vote de Kinshasa à rester ouverts jusqu’à tard dans la nuit. Selon la loi électorale, les opérations se poursuivent jusqu’à ce que les derniers électeurs présents dans la queue à l’heure de la fermeture aient voté. «Je fais des provisions pour tenir», s’amuse un observateur en train d’acheter des beignets à une vendeuse. La phase de dépouillement du triple scrutin (présidentiel, législatif, régional) pourrait durer «jusqu’au petit matin», affirme-t-il.
 
Les incidents de Limete et les irrégularités signalées ici et là dans des villes de province ne manqueront pas de faire l’objet de plaintes de la part de l’opposition. Mais la contestation restera-t-elle sur le plan juridique ? Jusqu’à présent, les deux «candidats du changement»autoproclamés, Martin Fayulu et Félix Tshisekedi, ont tout fait pour éviter des manifestations qui auraient pu donner aux autorités un nouveau prétexte pour annuler ou reporter l’élection. Dès lundi, le scrutin étant enfin passé, la donne aura changé.



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