De la même manière que le soldat inconnu représente le sacrifice de tous les soldats, cet écrivain et présentateur à la télévision en Martinique espère que ses récits sur des "Noirs inconnus" mettront en lumière la vie de nombreux autres.
"Il y a encore une méconnaissance de notre histoire (des Noirs) parce qu’elle est écrite par d’autres. +L’histoire est écrite par les vainqueurs+, dit-on", estime M. Bilé. Or "les Noirs ne sont pas que des figurants, ils ont eu un rôle, un rôle qui n’est pas relayé, qui n’est pas raconté.
L’écrivain entend "restituer leur place à tous ces gens, quels qu’ils soient" - "je ne suis pas le seul, d’autres aussi y travaillent", souligne-t-il.
Car "cette mémoire est importante pour nos enfants, qui auront le sentiment que quels que soient les évènement de la vie et du monde, ils ont aussi participé", explique M. Bilé.
- Un lecteur féru d’arts martiaux -
"Yasuké, le samouraï noir" est dans cette veine. Il raconte la vie de Yasuké, un Makua (principale ethnie de l’actuel Mozambique) capturé par des marchands d’esclaves, vendu à Goa à des Jésuites qui l’emmènent ensuite au Japon, où il entre au service du seigneur Oda Nobunaga. Celui-ci, surpris par la couleur de Yasuké, le fait même se déshabiller et se laver pour s’assurer que la couleur de sa peau n’est pas un artifice...
Une histoire que M. Bilé a découverte grâce à ses lecteurs.
"Depuis mon premier livre +Noirs dans les camps nazis+ (Serpent à Plumes) en 2005, mes lecteurs m’envoient des messages pour me dire +telle ou telle personnalité pourrait vous intéresser+. C’est comme ça que j’ai écrit un livre sur le seul passager noir du Titanic (Grand West)", raconte-t-il.
Pour Yasuké, "un lecteur martiniquais féru d’arts martiaux m’a écrit pour me dire qu’il avait appris l’existence d’un samouraï noir. A partir de là, j’ai commencé à travailler, à mettre en place tout un réseau de recherche dans les archives japonaises et portugaises avec des amis japonais et portugais, et c’est comme ça j’ai retrouvé la trace de ce samouraï."
Serge Bilé brode un peu sur la vie de Yasuké pour rendre son personnage vivant mais il reste dans le carcan historique, citant des textes et témoins de l’époque, jusqu’à la dernière bataille de son seigneur, date à laquelle on perd la trace de Yasuké.
Cet écrivain qui a quitté la Côte d’Ivoire pour la France n’a jamais oublié ses racines. Lors de son premier poste de journaliste en Guyane en 1994, il a ainsi été à la rencontre des Bonis ("Noirs marrons") découvrant qu’une partie venait de son pays natal. Il a organisé un voyage touristique de retour en Côte d’Ivoire il y a une vingtaine d’années pour faire découvrir à certains d’entre eux la terre de leurs ancêtres.
Aujourd’hui, il revient tous les trois mois en Côte d’Ivoire où il tente de diffuser ses écrits. "Mon éditeur Owen m’a offert les droits pour l’Afrique. Avec la maison d’édition que j’ai créée ici (Kofiba), je publie mes livres qui se vendent entre 3.000 et 5.000 francs CFA (4,50 à 7,50 euros). Sinon, comme produits d’importation, mes livres coûteraient trop cher pour les bourses ivoiriennes", dit-il. "C’est ma petite contribution au pays".
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