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Societe

Ces femmes que l'on appelle prostituées alimentaires, je les ai rencontrées

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Zone de vulnérabilité, un dysfonctionnement institutionnel est en chantier. Vous êtes ces "nouvelles pauvres ordinaires" ignorées.
Les factures s'additionnent. Le frigo est vide. Le bus est payant, on rentre à pied avec courses et enfants. Il faut un nouveau cartable pour le grand, un appareil dentaire pour la plus jeune. Les huissiers ne sont pas loin. On en perd le sommeil. Plus le choix. L'idée tombe d'un nouvel emploi ....... Objet de polémiques séculaires entre politiques, intellectuels et féministes de tous bords, la prostitution est rarement un acte choisi. Et pourtant! Une carrière personnelle mise entre parenthèses au profit du ménage et de la maternité, un divorce laissant sans le sou, un licenciement, un problème de santé, je ne pensais pas, aux prémices de cette enquête, Vous rencontrer. Vous, mères de famille monoparentale, diplômées, infirmières, assistantes sociales, contraintes de "choisir" de pratiquer le "hard discount" pour joindre les deux bouts. Vous, jeunes étudiantes, zappant vos rêves de prince charmant pour jouer de vos atouts éphémères, afin de financer vos études, celles qui permettront de décrocher le précieux sésame certifiant.
 
Endza (42) est Arménienne. Elle vit seule, sans papier, avec ses trois enfants - "On baise et j'te passe les clés"
"Mon mari est mort. Je suis sans papiers. Chaque matin, je me lève, j'y crois et je me bats. Mais, quand les factures à payer sont là, le courage ne suffit plus." Valse de sentiments mêlés, Endza s'est décidée, il y a un an, à répondre à une offre de logement un peu "différente". Un set de photos envoyées à une adresse mail titrée d'un pseudo, la mère de famille se présente à l'adresse indiquée en retour pour découvrir le fameux bien. "J'ai dû d'abord retenir un haut le cœur. Les pièces que le propriétaire me faisait découvrir étaient sombres et très sales. Les rares meubles présents ne tenaient pas debout. Les murs étaient envahis de champignons et transpiraient l'humidité. Dans la cuisine, pendouillait juste un robinet tout rouillé qui fuitait ouvertement. Une auge à cochons. C'était presque insultant!". Visite des lieux terminée, "On baise et j'te passe les clés" la caution est fixée à un rapport sexuel. "Il était petit et gros, pas très frais et pas du tout le style d'homme qui me plaît. Et puis, je ne conçois vraiment pas de faire l'amour comme ça!" Et pourtant, acculée par les charges qui tourbillonnent dans sa tête, la jeune femme va accepter de se donner en partage. Elle est aujourd'hui gardienne d'immeuble. En échange de pouvoir vivre dans une simili conciergerie, Endza doit satisfaire le propriétaire des lieux une à deux fois par semaine.
Chloé (23) est étudiante en école de commerce - "Je voudrais juste que mes parents ne sachent jamais. Mon père en mourrait."
"Je viens d'un tout petit village près de Calais et les grandes villes, je ne connaissais pas. Il y a trois ans, je suis montée étudier sur Paris. Mon école de commerce me coûte 4800 euros par an et mon loyer est de 670 euros par mois. Je me suis vite rendu compte que ce serait mission impossible. J'ai donc pensé à une formule d'échange et j'ai posté une petite annonce sur plusieurs sites Internet : "Jeune fille cherche hébergement gratuit contre services". Dans ma grande naïveté, j'espérais trouver une famille, faire du baby-sitting, du repassage ou donner des cours particuliers aux enfants de la maison." Choquée, Chloé va rapidement recevoir beaucoup de propositions, mais purement sexuelles. "J'étais vraiment aux abois. Il n'y avait pas d'autre option. J'ai pris mon courage à deux mains. Je me suis mise devant mon ordinateur et j'ai rapidement commencé à dialoguer avec un type qui me proposait une colocation contre du sexe dans le quartier universitaire. On s'est téléphoné. C'est un homme d'affaire qui voyage beaucoup. Il n'a ni le temps ni l'envie de s'investir dans une relation et m'avoir sous la main lui suffit. Quelques jours plus tard, on a "conclu". Lorsque je me suis retrouvée sur le pas de la porte, un"merci" humiliant résonnant encore à mon oreille, je me souviens avoir longtemps regardé, figée, les passants. En état de choc, je me sentais tellement moche, dégradée. Je me suis, avec le temps, habituée à cette double vie alimentaire. Je voudrais juste que mes parents ne sachent jamais. Mon père en mourrait."
Valérie (32) est secrétaire de direction - "J'ai donné mon âme, j'ai pactisé pour survivre. Nauséeuse, j'ai pensé aux enfants"
"Il y a quelques mois, j'ai perdu mon emploi et mon mari m'a quittée pour ma voisine de palier. J'avais vraiment l'impression d'être au bout de ma vie et ce n'était vraiment pas le moment d'avoir des frais. Un matin, ma chaudière est tombée en panne. J'ai appelé un réparateur qui est arrivé dans l'heure. Il s'est immédiatement mis au travail. Quand il est réapparu deux heures plus tard, il m'a confirmé que tout était en ordre, tout en m'annonçant dans la foulée la douloureuse : 450 euros! J'ai instantanément blêmi, avant de fondre en larmes. Je ne savais absolument pas payer une telle somme! Sans sourciller, il m'a regardée droit dans les yeux. Il a passé ma silhouette au scanner, avant de me suggérer qu'il y avait peut-être une solution. Je suis restée sans voix, tout en le laissant s'approcher de moi. Comme un animal, il a pris ce qu'il devait prendre et il est reparti aussi vite. Je me souviens être restée prostrée dans mon canapé, stupéfaite de ce que je venais de faire. J'avais donné mon âme. J'avais pactisé pour survivre. Nauséeuse, j'ai pensé aux enfants. La solution était là. Dix minutes de douceur, trente minutes d'avilissement, les hommes aujourd'hui passent, je fais des passes. J'arrive à me dissocier de mon corps. Mes pensées vagabondent et je ne ressens rien, ni l'humiliation ni la douleur. Billets en poche, je garde la tête haute. Je le fais pour que ma fille n'ait jamais à le faire".
Zone de vulnérabilité, un dysfonctionnement institutionnel est en chantier. Vous êtes ces "nouvelles pauvres ordinaires" ignorées. Esclavage moderne, votre ration alimentaire ne se trouve plus à l'épicerie sociale, mais dans votre prestation physique offerte. Consommateur, consommable, consommant, consommé, l'économie a fait main basse sur votre sexualité, annihilant votre ultime altérité. Nécessité de survie, l'échange est économico-sexuel. La société vous violente et vous vous faites violence. Votre chair, "corps-marché", saigne pour vous nourrir et nourrir vos enfants. Indicible luxure, votre alternative n'est plus binaire entre le vice et la vertu. Cercle vicieux d'une stagnation du pouvoir d'achat, vous êtes même contraintes de poursuivre ce que vous aviez imaginé initialement n'être qu'une parenthèse. Femmes courages, néo-symboles d'une réalité économique aux paramètres dissonants, je vous salue Endza, Chlöe, Valérie, je vous salue respectueusement mesdames!
Selon l'Insee, une personne est pauvre dans l'hexagone si son niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian de la population française, soit 1008,00 euros mensuels par individu, ce qui représente 9 millions de personnes, soit 14,1 % de la population. Majoritairement les personnes qui frisent le seuil de déclassement sont des femmes. La faible présence des femmes à des postes-clés et les écarts de rémunération qui existent à postes équivalents sont également pointés. Les femmes sont, en moyenne, payées 15,8% de moins que leurs homologues masculins. (Niveau de vie pauvreté – Insee 2017)
 



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