« L’heure est grave. Levez-vous. Je ne peux pas accepter que des ivoiriens soient complices des Libanais pour aller déloger leurs propres compatriotes commerçants. Ceux-là se sont des lâches. Au Liban, il y a des rues interdites aux noirs. Si c’était un africain je peux comprendre mais un Libanais, je dis non. Libanais, il ne faut pas que je croise un dans la rue, sinon je suis capable de le renverser avec ma voiture. Enfin, moi je n’ai pas de magasin à Adjamé mais chacun défend ses intérêts. Moi je défends mes intérêts. Ce sont les commerçantes qui me font vivre en tant que chanteuse », a dit en substance la cantatrice Afou Keita, avant d’interpeller le gouvernement ivoirien : « Je demande aux autorités ivoiriennes de faire quelque chose. Car un seul magasin peut nourrir 20 à 100 personnes ».
Retour sur les faits
L’affaire de l’expulsion des commerçants du marché du Forum d’Adjamé remonte à 2001. Le Forum est né du contrat de bail à construction passé entre la commune d’Adjamé et la société SICG, au soir de l’incendie du grand marché en 1997. Depuis plusieurs années, un conflit sur les loyers oppose les différentes parties prenantes du dossier, à savoir, le SICG, la société qui a construit le marché, et l’association des commerçants se disant propriétaires du marché. Alors que certains commerçants continuent de payer les loyers auprès du SICG afin d’acquérir à terme leurs droits de propriété, d’autres estiment être propriétaires et refusent de payer les loyers depuis 15 ans, créant un énorme manque à gagner au promoteur, et à l’État. Dans le cadre de l’exécution de décisions de justice, en attendant que le projet d’accord entre le gouvernement et la SICG, en vue du rachat du marché soit entériné, le promoteur a entrepris d’expulser certains commerçants. À la suite de ces expulsions, un préavis de grève lancé par une fédération de commerçant soutenant ceux qui refuse de payer les loyers, a été suspendu après une médiation du ministère du commerce qui a demandé la suspension des expulsions.
Alors que les discussions doivent se poursuivre sous l’égide du gouvernement, on comprend mal que pour une affaire qui oppose plusieurs parties ivoiriennes ( Mohamed Sahidi est régulièrement ivoirien, il a épousé une ivoirienne, ses enfants sont ivoiriens), Afou Keïta leader d’opinion, veuille en découdre avec la communauté libanaise en Côte d’Ivoire. Ce type de discours qui s’apparente à la xénophobie, et même à du racisme, fait penser au fameux « à chaque ivoirien son français ».
De telles réactions ne devraient plus prospérer dans notre pays, d’autant plus que les commerçants concernés à Adjamé , ne sont pas tous forcément des ivoiriens. Il y en a de toutes les nationalités. Pis à ce jeux de la race, et de l’origine malgré la nationalité ivoirienne du libanais indexé par la chanteuse, Afou Keita pourraient trouver des détracteurs pour lui prêter à elle aussi des origines étrangères, réelles ou imaginaires.
Le conflit au Forum d’Adjamé dure depuis 16 ans. Il est dangereux, et peu responsable de vouloir le réduire à une affaire de libanais contre ivoiriens.
Philippe Kouhon
Philippe Kouhon
