Que ton âme soit apaisée cher défunt loin de nos tribulations si cruellement vivantes .

Les grosses cylindrées flambants plus neuves que vielles en nombre et en qualité avaient créés un embouteillage ce samedi matin sur cette voie d’ordinaire silencieuse menant à l’édifice religieux. Parés de grands et exceptionnels boubous plus blancs que colorés ils s’avançaient avec leurs jantes en aluminium bataillant avec la lumière du jour à une allure cérémoniale jusqu’au parvis de la mosquée conduits par des chauffeurs au visage professionnellement crispé . Enfoncés dans leurs profonds et moelleux fauteuils en véritable cuir noir rafraîchis par le froid glaciale de leur climatisation, ces dignitaires semblaient si lointains , si inaccessibles derrière leurs vitres montées . Sur le grand parking , ils s’extrayaient majestueusement de leurs véhicules avec sur le haut de la tête leur ‘Sekou Touré’ de couleur blanche ,cette chéchia ayant accompagné tout le long de son règne le premier président de la Guinée Conakry. Avec des mines contrefaites dans un craquement de bazin brillant de mille feux ,un bruitage provoqué par un amidonnage d’enfer, ils vous laissaient leur discret parfum mais luxueusement imposant . Suivis par une cohorte de courtisans comme un essaim d’abeilles, ces hommes et femmes à pouvoir s’en allèrent tranquillement occuper des sièges à eux réservés . À leur passage des hommes sautaient de leur siège comme ayant des ressorts aux fesses , la main douloureusement tendue à l’extrême en attente d’une probable poignée de main. D’autres pliés en deux , le chapeau gisant à terre, la tête cognant leur genoux espérant un regard pourtant même condescendant de ses habitants de l’olympe .
Les dignitaires de seconde zone conscients de leur rang garèrent plus loin. Ils terminaient les derniers mètres à pied en s’engouffrant dans la cour de la mosquée avec en toile de mire l’occupation de sièges intéressants . Un poste d’observation où tous pouvaient les apercevoir mais qui leur permettaient de ne rien rater de la fresque de ce jour . Des chaises rouges aux fers dorés les plus proches de l’épicentre de la cérémonie . C’est à dire près des religieux déjà en plein psalmodie du saint coran avec des voies suraiguës pleins de zèles de certains refusant d’être noyés dans la foule des lecteurs anonymes. Être près surtout de toute la république annoncée en ces lieux . Il fallait y être vu ce Samedi pour se rappeler au bon souvenir de la veuve, la camarade présidente du parti et écraser pour elle une larme qui vaudra un jour son pesant d’or. Il fallait y être afin d’avoir l’illusion d’être auprès des hommes puissants de notre petit carré d’Afriki . Les en bas de en bas repartaient chez eux dans leur trous à rats auréolés des senteurs et effluves du pouvoir . Chez eux où les attendait au menu du soumbara-lafri sans huile ni magni (poisson sec) mais trop heureux d’être la vedette du jour dans leur grin ,face aux yeux arrondis et envieux de ses compagnons buvant à la petite cuillère son compte rendu d’un moment passé à côté du pouvoir. 
Du beau et grand monde sous ces chapiteaux blancs rafraîchis par ces énormes armoires .Trop de distraits et bavards avec un calendrier bien précis, loin des souvenirs et larmes. 
-Chuuuuuuuuut silence nous sommes biens à des funérailles. Ouiiiiiiiiiiiii mais ça fait dix ans .
-Quoi , dix ans ?
-C’est l’anniversaire de la mort seulement , il y’a dix ans qu’Allah a fait son travail. Moi je suis là pour un selfie qui va me débloquer une situation compliquée.
une intéressée chuchote
-Moi je veux le contact de ton brodeur , ton boubou est mal chic.
Dix ans okkkkkkkkkkk.
Que ton âme soit apaisée cher défunt loin de nos tribulations si cruellement vivantes . Mahoua S. Bakayoko