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Côte d’Ivoire : où en est le projet de transfert de la capitale à Yamoussoukro ?

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Né en 1983 de la volonté d’Houphouet Boigny, premier chef d’Etat de la Côte d’Ivoire moderne, le transfert de la capitale ivoirienne d’Abidjan à Yamoussoukro, n’est pas encore une réalité. Alors qu’il a bénéficié de l’adhésion de tous et d’énormes moyens de l’Etat. Les raisons sont diverses...
 
La question du transfert de la capitale d’Abidjan à Yamoussoukro tire son origine d’une déclaration de l’un des anciens maires d’Abidjan dans les années 1980 avant l'officialisation de ce projet.  Le maire Emmanuel Dioulo, c’est de lui qu’il s’agit, a émis l’idée, lors d'un séjour à Dakar au Sénégal, de voir ce transfert se déroulé dans la ville natale d'Houphouët-Boigny, c’est-à-dire Yamoussoukro. Le but poursuivi par ce dernier était de désengorger la ville d’Abidjan, poumon de l’économie ivoirienne. Une autre idée militait également en faveur de ce transfert. Il s’agissait d'anticiper sur la montée des eaux en région côtière de Côte d'Ivoire comme Abidjan qui concentre plus de 5 millions d'âmes. Une montée des eaux représentant un fort risque de catastrophe humanitaire même si cette thèse n'est pour l'instant pas confirmée.
Le Transfert de la capitale ivoirienne, volonté d’Houphouët Bobigny, sera par la suite voté par l’Assemblée nationale et formalisé par la loi n° 83-242 du 21 mars 1983. En mars 1983, Yamoussoukro, renommé en hommage à la Reine Yamousso dans les années 1930, est devenue la capitale politique et administrative de la Côte d'Ivoire à l'image de Brasilia au Brésil, d'Abuja au Nigeria, après Grand-Bassam (1893-1900), Bingerville (1900-1933) et Abidjan (1933-1983).Cela, même si la majeure partie des activités économiques est toujours concentrée à Abidjan.
En tout cas le transfert à Yamoussoukro, moyen de décentralisation du pouvoir, devait créer, de par ses effets induits, un pôle économique afin de donner un coup de fouet au développement du centre du pays.
Quel impact devait-il avoir sur le développement de Yamoussoukro ?
Ce sont au total 115.000 emplois que devait générer le transfert de la capitale à Yamoussoukro. Les chantiers envisagés dans le cadre de ce transfert devaient avoir une incidence réelle sur cette ville, notamment des retombées économiques non négligeables. Le transfert effectif de la capitale à Yamoussoukro devait avant tout, créer du travail pour des centaines d’ouvriers des corps du bâtiment : maçons, menuisiers, électriciens, peintres.
L’esquisse du transfert sous l’ex-président Laurent Gbagbo
Mais cette loi relative au transfert de la capitale ne sera rendue applicable que qu’en 1997 par Henri Konan Bédié alors président de la république de Côte d’Ivoire. Le successeur d’Houphouët Bobigny, après quatre ans de pouvoir, donne un peu plus de teneur à ce projet par le décret N° 97-177 du 19 mars 1997 en inaugurant la voix principale qui débouche sur la cité devant abriter les institutions administratives. Le but est de transférer l'administration d’Abidjan à Yamoussoukro (ville du centre du pays située à 240 km d’Abidjan). Malheureusement cette loi restera sans la suite sous le régime du président Bédié jusqu’à sa chute en 1999.
Le projet prend vie sous le président Laurent Gbagbo. Le successeur de Bédié, qui a fait du transfert de la capitale à Yamoussoukro l’une de ses priorités, va alors dépoussiérer cette loi. Après sa prise de pouvoir en Octobre 2000 commence effectivement les travaux qui matérialisent le transfert de la capitale malgré la crise politico-militaire en Côte d’Ivoire. Cela, avec la mise sur pied en 2002 du Programme Spécial du Transfert de la Capitale à Yamoussoukro (PSTCY) chargé de suivi de ce projet. On assiste alors à la construction de l’Hôtel des Députés disposant de 300 chambres et 10 suites. Ce joyau architectural réalisé à hauteur de 18 milliards de FCFA est reconnu comme le plus grand de toute l'Afrique. Financé par l'Etat ivoirien et divers investisseurs (République populaire de Chine…) le projet, est confié à Pierre Fakhoury (avec son entreprise PFO), à la BNETD, à la société AFECC.
 
L’état des lieux aujourd’hui
Sur les chantiers de l’Assemblée nationale et du palais présidentiel que nous avons visité le jeudi 27 juillet dernier aux environs de 10 h, règne un calme olympien. Donnant tout l’air d’une cité fantôme. Un silence de cimetière qui contraste avec l’ambiance habituelle du temps où les ouvriers étaient à l’ouvrage. De part et d’autre, les bâtisses inachevées sont envahies par la broussaille verdoyante, à l’image de ce site déclarée Zone Administrative et Politique (ZAP), le quartier d’affaires en construction de Yamoussoukro. Cette Zone, naguère si bruyante avec les ballets incessants de machines et autres camions dans les différents chantiers, présente aujourd’hui l’image d’un village abandonné par ses habitants.
Après la chute du Président Laurent Gbagbo le 11 avril 2011, c’est l’arrêt des différents chantiers. Seuls ne sont visibles que des vigiles dans ces chantiers jadis grouillant de monde. Ils sont chargés de veiller à la sécurisation de quelques machines encore en place rendues non fonctionnelles par les aléas climatiques. Les travaux bloqués, le doute et le désespoir gagnent les populations. « Sorot Guillaume, président de l’Assemblée nationale, a dit la dernière fois que les Députés n’auront plus à venir à Yamoussoukro du fait de la réhabilitation des locaux de l’Assemblée Nationale  d’Abidjan. Cela nous amène à nous poser la question de savoir si les institutions de la république seront encore effectivement transférées ici », nous a confié un cadre de Yamoussoukro. C’est également le sentiment  de bien d’autres autorités locales de la ville que nous avons interrogées.
 
Blocage des travaux du transfert de la capitale : les raisons
L'exécution effective de la loi peine à démarrer après l'adoption du décret portant transfert de la capitale politique et administrative d'Abidjan à Yamoussoukro, 34 ans après son adoption. Diverses raisons expliquent cet état de fait.
Plusieurs difficultés qui menaçaient le ralentissement de ce projet d'envergure sous le règne de l’ex-président Laurent Gbagbo. Au paiement des purges des droits coutumiers exigés par les propriétaires terriens de la commune de Yamoussoukro sur les terres cédées à l'État dans le cadre du transfert de la capitale politique se sont ajoutés les velléités politiques et mercantiles. Et mettre fin aux litiges fonciers que l’Etat devait freiner est devenu un véritable casse-tête chinois. En plus, on verra la dissolution du PSTCY et le transfert confié au ministère des affaires présidentielles en 2012.Toutes choses qui mettent à mal l’opération. Pire l’ancien Ministre de la construction, lors d’une visite, le jeudi 19 janvier 2012, sur les restes des chantiers de la ZAP au lendemain de la prise du décret présidentiel qui dissolvait le PSTCY, structure alors en charge de ce transfert, avait expliqué que certains espaces réservés à des infrastructures devant accueillir des Institutions, avaient été déclassés sans tenir compte des procédures légales. « Il y a beaucoup de sites qui avaient été prévus pour réaliser des équipements administratifs ou alors des espaces verts, un certain nombre de projets, le palais de Justice, la maison de la culture, la maison d’exposition. Tous ces espaces sont en train d’être malheureusement affectés à des projets de lotissement privé et nous le regrettons. Et nous sommes obligés d’être transparent vis-à-vis du peuple et de tous nos concitoyens pour dire que comme le président de la République l’a souhaité, et le Premier ministre l’a souhaité, nous sommes venus faire ces constats avec les autorités administratives et politiques. Nous allons avoir une séance de travail pour nous mettre d’accord sur les règles et conduites à suivre. Et puis les corrections qui sont nécessaires à apporter, nous n’hésiterons pas à insister pour que ces corrections soient apportées au schéma directeur initial », a-t-il affirmé après sa rencontre avec les autorités locales. Avant l’annonce  ce jour de la suspension de tous les lotissements à Yamoussoukro. Suspension qui sera par la suite levée plusieurs mois après
La décision du président Ouattara
Après la dissolution du PSTCY, la charge du transfert de la capitale avait été confiée au Ministère des Affaires présidentielles qui n’existe plus. Le gouverneur du District Autonome, le Dr Augustin Tihama s’est voulu rassurant en affirmant à l’époque que « «le transfert de la capitale est un projet qui tient particulièrement à cœur au président de la République ». L’élaboration du Plan stratégique de développement, intitulé ’’Yamoussoukro, capitale de la Côte d’Ivoire, pôle de développement durable et ouvert sur le monde’’ du District Autonome de Yamoussoukro s’inscrivait dans la même veine du transfert de la capitale. Cette structure ayant compris la nécessité d’éviter de se laisser surprendre. L’élaboration de ce plan fait suite à l’état des lieux qui prend en compte les contraintes, les potentialités et les recommandations pour assurer un développement moderne et harmonieux de Yamoussoukro sur les 15 prochaines années selon M. Kouamé Alexandre, expert au BNETD à l’époque. Soulignant qu’au total 406 projets de développement, notamment dans les secteurs du tourisme, de la santé, l’éducation, les infrastructures économiques ont été à cet effet identifiés et allaient être chiffrés pour leur mise en œuvre effective.
 
Les populations rappellent au président sa promesse de campagne
« Le président Alassane Ouattara a dissout le programme spécial du transfert en 2012. Il a rattaché ça à la présidence », a souligné le Député de Yamoussoukro commune lors d’une rencontre tenue le mois dernier avec les autorités coutumières et de nombreuses populations de Yamoussoukro. Selon l’honorable Patrice Kouassi Kouamé, cela devrait concourir rapidement au transfert de la capitale puisque désormais le programme est rattaché directement à la présidence de la république. Malheureusement le Ministère en charge des affaires présidentielles est désormais inexistant. « Jusqu’à ce jour aucun signe avant-coureur n’indique que le transfert de la capitale à Yamoussoukro est pour demain (…) Nous nous souvenons que le président Alassane Ouattara avait fait la promesse de venir s’installer ici dès son élection à Yamoussoukro. Nous souhaitons qu’il vienne s’installer à Yamoussoukro. Nous attendons également que le transfert de la capitale soit effectif », a souhaité le député qui estime que les travaux de ce transfert devraient apporter une réponse au problème du chômage à Yamoussoukro. « Je pense que c’est l’une des solutions pour résorber le problème du chômage à Yamoussoukro. Nous voudrions donc demander au président de la république de faire en sorte que le transfert de la capitale soit effectif’ » a-t-il conclu. Quant à Yao Benjamin, ancien cadre chargé du foncier au PSTCY désormais au chômage, il a regretté que ce projet de transfert de la capitale, qui devait donner un coup d’accélérateur au développement de Yamoussoukro, soit mis sous l’éteignoir. « C’est dommage que le transfert de la capitale voulu par le président Houphouet Boigny n’ait pas été effectif jusque-là. (…) Le président Ouattara a dit que lorsqu’il serait élu les trois mois qui suivent il viendra habiter à Yamoussoukro. Cela devait être un soulagement pour la population de Yamoussoukro parce que nous avons pensé qu’avec sa venue le transfert allait continuer. Mais malheureusement on n’a pas compris cela. Mieux en 2012 après la dissolution du PSTCY  nous ne savons plus ce qu’il en ait de ce transfert. On souhaiterait que ce transfert revienne au goût du jour pour permettre à la jeunesse et aux femmes de Yamoussoukro d’être occupés. Parce qu’aucune infrastructure n’existe ici qui puisse les employer. Cela va éviter le libertinage des jeunes », s’est-il convaincu.
 
 Les anciennes autorités du PSTCY que nous avons rencontrées à Abidjan ainsi que les autorités locales interrogées lors de nos investigations sont restées évasives sur la question. Où en est le gouvernement avec le transfert de la capitale? La question reste posée. Alors que les documents officiels de la Côte d'Ivoire font mention de ce que la capitale politique et administrative est  Yamoussoukro Abidjan demeure encore pratiquement aujourd’hui à la fois la capitale économique, politique et administrative de la Côte-d'Ivoire.
Peck Koi
 



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