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Prévention du sida : le laboratoire Gilead rechigne à lâcher la manne du Truvada

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Alors que l’efficacité de la pilule anti-VIH remboursée à 100 % en France vient d’être confirmée, un bras-de-fer s’est engagé autour de son brevet. Moins cher, un générique permettrait de le démocratiser.

«Le Truvada ? Cela aura été le chouchou du congrès», lâche le professeur Gilles Pialoux, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Tenon à Paris. Il a recensé 83 communications, orales ou écrites, autour du Truvada et de la Prep, dont les derniers résultats sur son efficacité ont été rendus publics lors de la conférence mondiale sur le sida qui s’est achevée mercredi à Paris.
La Prep, c’est un concept inédit qui mélange la prévention et le traitement, deux univers d’ordinaire séparés. «Prep» pour prophylaxie pré-exposition : on prend un médicament - une pilule de Truvada en l’occurrence, soit la thérapie anti-sida aujourd’hui de référence - avant et après une relation sexuelle à risques. Et vous avez la quasi-assurance de ne pas être contaminé par le sida. Bref, un moyen aussi efficace que le préservatif. Presque un vaccin.
De fait, cela fait plusieurs années que l’on s’était rendu compte que les molécules anti-VIH non seulement soignaient les malades, mais avaient aussi un fort potentiel préventif. Depuis cinq ans, des études ont été lancées. Et toutes ont abouti à montrer que si la personne suivait le schéma de prise, elle pouvait se considérer protégée du VIH à plus de 90 %. Deux possibilités pour la personne : soit une prise quotidienne de Truvada, soit à la demande, c’est-à-dire au minimum deux heures avant, puis une pilule toutes les vingt-quatre heures pendant deux jours. Pour la petite histoire, on s’en souvient, un des essais décisifs pour établir l’efficience de ce traitement avait été baptisé «Ipergay». Les résultats présentés lors du dernier congrès sont ceux de la deuxième phase de cet essai mené sur 362 volontaires, des gays à hauts risques. «Ces résultats montrent la très grande efficacité de la Prep à la demande : 97 %. Ils permettent également de confirmer sa bonne tolérance et qu’elle n’entraîne pas une hausse des autres infections sexuellement transmissibles», a expliqué le Pr Jean-Michel Molina, qui coordonnait la recherche.

«Accès»

En France, depuis les premiers résultats, les choses ont vite bougé. Le Truvada, dans son indication préventive, a ainsi été pris en charge à 100 % par l’assurance maladie en 2016 et, un peu partout dans le pays, des consultations Prep ont vu le jour. Des gays à risques s’y procurent des ordonnances. Aujourd’hui, ce sont plus de 4 000 personnes qui en bénéficient. Et la plupart des «prépeurs» se disent satisfaits. A l’image de Thierry, trentenaire parisien : «Avant d’être sous Prep, j’étais dans un cycle permanent de prise de risques, inquiétude, test, soulagement… raconte-t-il. J’utilisais presque tout le temps des capotes en dehors du couple, mais parfois sur un coup de tête, il n’y avait pas de préservatif. Je m’inquiétais pour moi, mais surtout pour mon copain.» Avec la Prep, il se dit soulagé, gérant le risque avec efficacité. Le Truvada comme outil de prévention est bel et bien lancé. Et on en attend beaucoup en France car les chiffres de contamination restent élevés dans la communauté gay. Selon des données récentes, elle représente près de 4 000 contaminations sur les 6 000 que connaît le pays chaque année. «Tout l’enjeu est de passer à une vitesse supérieure pour que le Truvada soit plus facile d’accès, argumente le Pr Gilles Pialoux. Il fallait toucher les gays à risques, c’est presque fait. Mais il faut se tourner aussi vers les autres populations clés, en particulier les migrants.»
Pour autant, tout le milieu de l’infectiologie n’est pas convaincu par la Prep, certains mettant en avant des arguments financiers. Le Truvada coûte 500 euros par mois à l’assurance maladie pour chaque patient, alors qu’un préservatif pas plus de 50 centimes. D’où l’importance de ce qui se joue ces jours-ci autour de la fin du brevet du Truvada et de l’apparition de génériques. Car le médicament est aussi la plus belle des cagnottes au monde. En France, c’est l’antirétroviral le plus prescrit. 64 % des personnes séropositives traitées dans le pays le sont avec le Truvada, soit environ 73 000. Auxquelles s’ajoutent entre 5 000 et 6 000 utilisant le Truvada en préventif, et jusqu’à 40 000 prévues pour 2020. Or le brevet sur le Truvada devait tomber mardi, signant la fin du jackpot pour Gilead, le labo.

Certificat

Depuis quelques semaines, ce sont donc les grandes manœuvres, et elles sont d’autant plus délicates à comprendre qu’elles sont secrètes. L’association Aides a ainsi découvert que Gilead bénéficiait pour le Truvada du certificat complémentaire de protection (CCP) : un dispositif peu connu permettant de contourner la durée maximale de vingt ans des brevets. Celui du Truvada pourrait ainsi être étendu jusqu’en février 2020. «Le surcoût pour les finances publiques françaises de cette extension de brevet sur la période juillet 2017 - février 2020 avoisine les 815 millions d’euros», explique Caroline Izambert, de l’association Aides.
Gilead va-t-il faire jouer le CCP, discuter avec les laboratoires qui s’apprêtent à produire le générique du Truvada, ou trouver un accord avec les autorités sanitaires ? Pour l’heure on en est là, on attend. Et l’enjeu est de taille : si le prix du Truvada baisse fortement, alors l’avenir se dégage pour la Prep. Car ce traitement reste cantonné aux pays occidentaux, et surtout destiné aux gays. Son arrivée massive comme outil de prévention en Afrique subsaharienne et en Asie centrale changerait la donne dans ces zones où la contamination hétérosexuelle est dominante. Et fournirait aux femmes un moyen efficace de se protéger.
Eric Favereau



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