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Partir, c’est aussi Diriger

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L’Afrique de l’ouest tangue entre tranquillité démocratique au Ghana, la parole publique de la CEDEAO comme créance sur la Gambie et les accès de débordements micro insurrectionnels contre l’autorité publique (factures d’électricité et primes des soldats) et l’autorité de l’Etat voire l’autorité même de ceux qui incarnent les institutions en Côte d’Ivoire. Et aussi cet évidement complet du droit à la sécurité, à la conservation de la vie au Mali au regard de l’affaissement de l’Etat quant à son rôle d’assurer sécurité et protection aux citoyens pendant que les Chefs d’Etat d’Afrique et de France s’échangent des convenances en rupture de ban avec les attentes du peuple Africain et de celui de France. Aux défis sécuritaires sont venus se greffer des enjeux d’approfondissement de la démocratie et des mécanismes de gestion des contentieux, advenant l’échec du dialogue fraternel. Le moins qu’on puisse dire, c’est que le peuple africain est tiraillé entre l’Espoir sans substance dû à ce perpétuel continuum des insuffisances du leadership africain sur les vrais sujets, les vraies préoccupations des citoyens, les défis d’avenir et la tentation du pire. Peut-on espérer le meilleur en anticipant le pire ?  Une vérité s’impose tant aux dirigeants qu’aux citoyens ordinaires : l’Afrique a payé nos études, nos formations, nos expertises pour qu’on lui rende le meilleur de nous –mêmes comme engagement, comme mémoire et anticipation et enfin comme chemin de son honneur pour mieux la représenter.
Cette vérité appelle l’observance d’un certain nombre de leçons de leadership léguées  par Mandela. Je vais dans le présent éditorial, m’essayer à expliciter le sens de la Leçon no. 8 de Mandela appliquée au cas typique gambien: Partir, c’est aussi diriger. En quel sens, partir du pouvoir, c’est aussi diriger ? L’absence est un pouvoir raffiné, une source d’inspiration, une mémoire et une anticipation. Partir c’est aussi appliquer une certaine éthique de la responsabilité envers autrui, envers soi-même et l’avenir émancipatoire.
Le cas gambien interpelle chaque citoyen africain, démocrate et républicain intransigeant, sur la parole donnée par l’autorité, l’erreur de jugement, l’erreur de bonne foi et le respect strict de l’Institution judiciaire dans chaque pays souverain, sollicitée dans les délais et règles de l’art pour arbitrer les contentieux des citoyens. Nous avons salué la reconnaissance du verdict des urnes en Gambie par le Président sortant et candidat à sa propre succession, El Hadj, Docteur, Professeur, Babili Mansa Yahya Jammet de Gambie. Une leçon d’élégance démocratique avons-nous dit. Patatras ! Une semaine après, le Président Jammet est revenu sur sa parole. Il engagea conformément à la loi de son pays la saisine de la Cour Suprême pour se prononcer sur le contentieux électoral, ainsi, commençant. Toutes les conjectures ont été énoncées. La CEDEAO a pris la ferme résolution de concilier les positions antagoniques de Jammet et Barrow et, en l’absence de solution négociée, opté pour l’intervention militaire. Voici le contexte.
  1. PARTIR, c’est aussi diriger. L’Indomptable Mandela aurait suggéré à Yahya Jammet de savoir lâcher sa proie -le pouvoir n’est la proie de personne, c’est la chose du peuple souverain dans une république électorale représentative- comme en psychologie, il est conseillé le lâcher prise. Diriger n’est pas seulement la prise de décision autocratique ou concertée. C’est aussi le pouvoir de l’influence que l’on garde en observant l’élégance démocratique  et citoyenne à laquelle chaque dirigeant souscrit dans un Etat de droit démocratique en constatant, respectant et acceptant avec humilité que la position défendue publiquement ET CONTRADICTOIREMENT est en minorité. L’humilité grandit son praticien, tous les Livres Saints le consacrent. Etre humble est un chemin de gloire pour le dirigeant humble parce que comme mémoire, cette posture réhabilite le contradictoire et conjure les postures autocratiques voire dictatoriales. Personne n’a la science infuse. De ce fait même, il importe de réhabiliter la qualité de l’écoute comme l’Arbre à palabres le consacre en Afrique politique traditionnelle et de ce fait, déverrouille les conflits et autres contestations d’autorité. La parole de l’humilité est un argument d’autorité. Le dirigeant humble fait de sa parole, l’appel à l’autorité, un appel décisif parce que moment décisoire. Le leadership de prépondérance l’est d’autant plus qu’il est ce type de leadership qui sait constater sa propre erreur de jugement, ses propres insuffisances pour s’autoriser de se draper, advenant le cas, dans sa couverture éthique et responsable, de l’erreur de bonne foi. L’humilité à l’inverse du mépris est dans ce cas, le parfait voile pudique du chef.
Ainsi, dans le cas d’espèce, les bottes militaires qui marchent radieusement sur les feuilles mortes de ce paysage marqué par l’harmattan sénégambien, pêchent par le refus,  la connaissance de l’erreur de bonne foi que l’on peut aussi accorder au président sortant Jammet.  Une erreur commise par le Président Jammet dans la concession théâtrale de la victoire au Président Barrow. Il n’est pas encore établi qu’étant autocrate depuis qu’il s’est saisi du pouvoir d’Etat il y a 22 ans, la saisine de la Cour Suprême de son pays, conformément à la Loi, ne soit pas un choix rationnel et raisonnable. C’est même une vertu, une lucidité citoyenne. Même le pire argument d’un dictateur est digne d’être entendu et passé au crible de la loi. Pourquoi alors ces a priori ? Pourquoi l’interférence politique de la CEDEAO là où l’ordre juridique est le chemin optimal ? La CEDEAO était-elle même fondée à invalider le vote des Députés gambiens qui ont prolongé de 90 jours le mandat du président sortant Jammet ? Bien sûr que non !
  1. Le Gambien Jammet et la parole de la CEDEAO se sont donc affrontés sur la foi de leur ego. Les chefs d’Etat ont dit qu’ils vont installer le Président élu le 19 janvier 2017. Se faisant, nos dirigeants ont violé la loi de la Gambie, pays membre, en refusant au citoyen Jammet, le droit de contester les résultats annoncés par la Commission électorale : une Commission qui tonne tantôt ceci dans l’euphorie et après rectification, tantôt annonce cela. La sidération pour tous ! Deux poids, deux mesures. Telle fut la position de nos chefs d’Etat. Accorder l’erreur de bonne foi au président de la Commission électorale gambienne et la refuser au président sortant de Gambie, Yahya Jammet. Voilà, l’injustice de la position de la CEDEAO et de nos dirigeants. La médiation réussie du Président Condé de Guinée est donc à la remorque du principe de force militaire comme principe de réalité et droit de la force. Le droit, l’équité et la transparence auraient voulu, par contre, que l’on laissât la Cour Suprême gambienne prendre le temps de se prononcer et vider le contentieux électoral conformément à la loi. La Cour de Justice de la CEDEAO aurait pu chapeauter et arbitrer ce contentieux.  Les citoyens de notre espace auraient ainsi pu disposer d’une jurisprudence en la matière et faire avancer le Bon gouvernement en Afrique de l’Ouest en matière de contentieux électoral. Et puis, pourquoi le Général Sangaré, expert électoral à l’emploi de la Francophonie et citoyen du Mali a-t-il été choisi pour conduire le deuxième tour des élections présidentielles guinéennes avec un décalage de près de 6 mois ? Constituer un corps expéditionnaire dans un cas comme celui de la Gambie où le plaignant n’a pas été désavoué par l’institution judiciaire, en la forme et dans le fonds, est un précédant dangereux. Qu’en sera-t-il lorsqu’il s’agira d’un grand pays de la sous-région ?
  2. La modalité militaire menaçante de la CEDEAO a ridiculisé la judiciarisation du contentieux électoral (refus de ce processus, arrêt brutal, sabordage malicieux de la Cour) tout en établissant la préséance du choix politique de l’ego des dirigeants et de l’institution sur la clarté à établir par la Cour Suprême de Gambie, la seule en espèce, sur la réelle volonté exprimée du peuple souverain de Gambie. Les préjugés sur l’autocrate Jammet ont précédé le choix rationnel de l’instrument judiciaire. Même à un autocrate fantasque, l’injustice de traitement ne sied pas. Les Autrichiens ont repris leur élection présidentielle dans les mêmes circonstances pour que le processus démocratique ne soit jamais à la botte du politique, a fortiori  du militaire. Si le Président Jammet se plaignait depuis sa terre d’exil, désormais citoyen ordinaire de Gambie, à la Cour de Justice de la CEDEAO sur la violation de son droit de citoyen qui a saisi les juridictions compétentes de son pays pour lui notifier ceci ou cela, et que des manœuvres malveillantes ont sabordé la Cour. Cette cause comme toute autre est défendable. Lui rétorquera-t-on, qu’ancien autocrate est toujours autocrate ? Peine perdue que celle qui cherche les fesses d’un serpent comme on dirait à Bamako.  Un serpent est un serpent. Précisément, c’est la prudence du serpent qui sied à l’intégrité de la Cour de justice. Sinon le plus fort est toujours le maître, contrairement à la recette de Rousseau dans son Contrat Social de 1762. La CEDEAO est plus forte avec ses militaires, ses chefs d’Etat que Jammet l’autocrate abusé. Peut-être ou peut-être pas. Dans tous les cas, il était important d’aider la juridiction gambienne à se réunir, à trancher et à crédibiliser l’Institution judiciaire. Je ne doute pas un seul instant de l’intégrité personnelle du Général Buhari, le Président du Nigeria. Il est l’un des rares intègres de ce coin d’Afrique. Mais le résultat auquel sa médiation a abouti est-il source d’inspiration ? S’il s’agissait d’établir le fait militaire suprême, nous avons des résultats contre Boko Haram. Bravo. Mais aider le processus démocratique pour que les citoyens africains aient accès au Bon gouvernement n’est point une question militaire pour mettre une pression. Puisque Charles D. Taylor a renoncé à son pouvoir sans pression militaire contre la promesse de non poursuite. Il s’est établi dans l’Etat de Calabar. Il a été arrêté et transféré à la CPI. Jugé et condamné. Ce que les citoyens africains et leurs dirigeants en fin de mandat accepteraient, c’est de mettre des processus électoraux inclusifs, équitables, crédibles et transparents qui recueillent leur confiance. Et les juridictions arbitrales de consensus, acceptées.  
  3. Tout autre moyen est préjudiciable au gouvernement de la Loi comme fulgurance du Bon gouvernement. Enfin, il est navrant que la décision revienne à l’exécutif ouest africain (Conférence des chefs d’Etat de la CEDEAO) de dire qui est l’élu des Gambiens lorsque la Commission électorale elle-même de ce pays a reconnu s’être trompée dans la compilation des votes. Les cartésiens savent que si quelque chose m’a trompé une seule fois, je dois pratiquer à son endroit, la démarche prudentielle. Qui pourrait administrer la preuve devant nos chefs d’Etat que la Commission électorale gambienne s’est trompée une seule fois ? Mais cette seule fois suffit à la prudence de se déployer. Et non la conjecture qui consiste à dire que même dans un tel cas, la tendance globale donne la victoire au Président Barrow. Seule une Cour de Justice peut le dire et non l’ordre politique. Soit dit en passant, le contentieux électoral ivoirien de 2010 est différent. La sagesse aurait voulu, pour le cas gambien,  que la charge soit confiée à la Cour de Justice de la CEDEAO puisque la Conférence des chefs d’Etat n’est nullement au-dessus de la Cour de Justice si tant est que c’est la promotion de l’ordre et de la culture démocratiques qui sont poursuivis par nos élus. L’ordre démocratique doit rester à la charge de l’ordre judiciaire du premier ressort au dernier. Tel fut le cas avec le contentieux électoral opposant  les candidats présidentiels AL Gore et Georges W. Bush aux Etats-Unis. La Cour Suprême sous la houlette de l’Honorable Juge William Rehnquist,  mit fin aux controverses électorales en Floride en tranchant en faveur du candidat Bush. 
Le diktat de la CEDEAO est un fâcheux précédent. Une doctrine bizarre a vu le jour. Attendons-nous donc à l’appliquer à tous les contentieux électoraux d’avenir. Cette anticipation est à la remorque de la mémoire du diktat ante de la CEDEAO en Gambie. Pour sortir de ce traitement schizoïde des contentieux, il faudra bien créer et mettre sous la tutelle de la Cour de Justice de la CEDEAO, la Commission électorale de la CEDEAO. Nos dirigeants doivent se rendre à cette évidence. Sinon ils auront agi par cooptation de X contre P dans le cas gambien. Hélas !
 
 
             



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