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L’école africaine idéale

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On ne peut imaginer l’école africaine idéale sans se pencher sur l’histoire du continent et à celle de son développement. L’éducation africaine a hérité de plusieurs handicaps majeurs, à commencer par la désertification du Sahara qui a ralenti l’arrivée des progrès techniques européens et asiatiques, et notamment celui de la roue. Il faut savoir que la Chine et le Vietnam, par exemple, doivent leur développement au vélo et donc à la roue, que l’on retrouve aussi sur le drapeau de l’Inde.

 
En Afrique subsaharienne aujourd’hui, les difficultés de déplacement, et notamment l’absence de ramassage scolaire, ont toujours obligé les élèves à se rendre à l’école à pied. Cela a contraint les décideurs à créer un établissement scolaire tous les quatre kilomètres, ce qui n’aurait probablement pas été le cas si les vélos s’étaient démocratisés comme en Asie. En résumé, il a fallu multiplier les établissements scolaires pour éviter les déplacements, et cela a souvent pesé sur la qualité de l’enseignement. Au Bénin, on a aujourd’hui une carte universitaire aberrante puisqu’on a construit des centres universitaires un peu partout. Comme ils coûtent chers et sont sous-utilisés, il faut maintenant en supprimer.

Le droit de vote à l’âge de 9 ans

Le deuxième handicap est lié à l’esclavage qui a introduit l’idée de soumission. En Afrique, la hiérarchie est souvent liée à l’âge. En clair, c’est le plus vieux qui a raison. Cela peut avoir deux impacts sur la jeunesse : une envie de révolte qui conduit au renversement du pouvoir (comme cela s’est produit dans de nombreux pays), soit une relative soumission. Un autre handicap vient du fait qu’en Afrique, le corps électoral n’est pas représentatif de la population.
En France, le corps électoral représente 75 % des Français, en gros ceux qui ont plus de 18 ans et qui possèdent leurs droits civiques. En Afrique subsaharienne, c’est seulement 45 %. Au Bénin, pour que le droit de vote représente 75 %, il faudrait mettre le droit de vote à l’âge de 9 ans. Au Niger, il serait à l’âge de 8 ans. En France, l’âge médian (50 % de la population est plus âgée et 50 % l’est moins) est de 41 ans. Au Bénin, il est de 17 ans et au Niger de 15 ans. L’une des conséquences apparaît comme une évidence : les gens qui prennent des décisions en faveur des jeunes sont extrêmement éloignés de leurs idéaux et de leurs aspirations.
 
En matière d’enseignement, on ne peut comparer la situation du Maghreb, où les Arabes ont inventé l’algèbre et où l’on compte près de 3 000 ans d’écriture, et l’Afrique subsaharienne, où dans certaines villes l’écriture n’est arrivée qu’en 1940. L’université maghrébine, au moins sur le plan scientifique, n’est peut-être pas idéale mais elle est de bon niveau. N’oublions pas que le Maroc est dirigé par des ingénieurs des Mines et des Ponts qui ont fait Polytechnique.
En Afrique subsaharienne, la situation est moins bonne. Même si les facs de lettres sont réputées pour être des « usines à chômeurs », je pense que l’université idéale devrait être très équilibrée entre les disciplines de sciences, de lettres et de médecine. Si le droit n’offre pas suffisamment de débouchés, l’Afrique subsaharienne possède des ressources artistiques importantes et d’excellents écrivains comme le prouvent les listes des différents prix littéraires, où l’on rencontre des Congolais, des Ivoiriens, des Camerounais…

Développer la psychologie

Or les progrès dans la pensée africaine viennent de ces grands écrivains que beaucoup d’étudiants ignorent malheureusement. L’université idéale doit donc avoir un versant littéraire non négligeable, à cheval sur les littératures européennes et africaines. Il faut aussi développer les sciences humaines et notamment la psychologie, puisqu’il n’y en a quasiment pas.
En Afrique subsaharienne toujours, il faut commencer par privilégier les lycées agricoles et techniques. Il suffit de regarder les terribles problèmes de maintenance pour voir que le niveau de formation n’est pas suffisant. On peut l’expliquer par le fait que les Africains ont hérité des défauts français en matière d’éducation, notamment un certain mépris pour l’enseignement technique.
 
Mais on ne pourra s’approcher d’un enseignement idéal sans prendre en compte le critère démographique. Pour les pays d’Afrique subsaharienne, les effectifs scolaires ont été multipliés par 40 depuis les indépendances en 1960. Au Bénin, le rythme d’augmentation est d’à peu près 5 % par an pour le primaire, 10 % pour le secondaire et 20 % pour le supérieur !
Dans ces conditions, l’aspect quantitatif de l’enseignement risque de primer sur le qualitatif. Pour obtenir des crédits de la Banque mondiale ou de l’Union européenne, des gouvernements sont souvent amenés à « gonfler » leur population scolaire et universitaire. Patrice Talon, nouveau président du Bénin, a rétabli certaines vérités en assurant qu’il n’y avait « que 16 % de reçus au BEPC et non 30 % » et que, dans certains départements, « le quart des écoles primaires n’avaient aucun diplômé au certificat d’études. »
En Afrique comme ailleurs, on parle beaucoup des nouvelles technologies et d’e-learning. Mais l’état des connexions laisse encore souvent à désirer. Les cours d’Harvard, par exemple, sont difficilement accessibles au Bénin ou au Togo. Dans un avenir proche, je pense donc que rien ne pourra remplacerl’usage des livres. L’université idéale africaine devra en posséder beaucoup, et surtout des ouvrages qui tiennent compte des réalités africaines.
Odon Vallet est écrivain et enseignant, doctorant en droit et en sciences des religions. Administrateur de la société des lecteurs du « Monde », il dirige la Fondation Vallet qui, depuis 2003, a remis près de 12 000 bourses à des étudiants béninois.

 
 



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