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Demission du ministre gabonais de la justice:Quel impact ?

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« Un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne ».  Séraphin Moundounga vient de  donner  à cette  boutade de Jean Pierre Chevènement, un écho tropical. En effet, l’homme vient de claquer la porte du gouvernement d’Ali Bongo où il occupait le poste de ministre de la Justice, des droits humains, Gardes des Sceaux et de vice-Premier ministre. Et pour ne pas faire dans la demi-mesure, il annonce aussi son départ de la présidence du parti présidentiel qu’il occupait jusque-là ! Motif invoqué de cette défection de haut niveau dans l’entourage du président Bongo, l’homme entend  « bénéficier de [sa] totale liberté, afin d’œuvrer avec le peuple gabonais à ce que la paix soit garantie dans le pays ». Il s’approprie de ce fait le combat du peuple révolté contre le hold-up électoral en cours et réclame le  « recomptage des voix bureau de vote par bureau de vote et procès-verbal par procès-verbal ». Le moins que l’on puisse dire est que l’évènement en Afrique est suffisamment rare pour susciter l’admiration.
 
Cette défection est symptomatique du malaise ambiant dans le camp Bongo
 
En effet, en rendant  le tablier pour prendre le parti du peuple en lutte contre l’hégémonie absolutiste de la dynastie des Bongo, Moundounga se revêt de la toge des héros.  Il fait non seulement preuve d’une rare témérité en raison des risques évidents liés à la chape de terreur qui enveloppe aujourd’hui le Gabon, mais il pose surtout un acte de responsabilité en refusant de cautionner la forfaiture de Bongo fils.  Par cet acte d’une rare noblesse, il fait preuve de grande dignité en faisant l’option du départ,  n’étant plus en conformité avec ses principes et ses convictions dans la voie prise par le gouvernement et  dément ainsi le cliché qui fait de la politique, le seul règne du mensonge et des intrigues sur le dos des peuples. Quelle lecture faut-il faire de cette abdication du ministre de la Justice ? Si d’aucuns y voient déjà la chronique « des rats qui quittent le navire qui prend l’eau », cette défection est pour le moins symptomatique du malaise ambiant dans le camp Bongo. Séraphin Moundounga n’est certainement pas le seul intellectuel du parti présidentiel à avoir le sommeil troublé par le passage en force engagé par le président Bongo, et pourrait n’être que la partie visible de l’iceberg. Il n’est donc pas exclu que son exemple fasse des émules dans les rangs des intellectuels honnêtes qui refusent de cautionner le mensonge. L’impasse dans laquelle se trouve le pays n’est qu’apparente et peut cacher des mouvements de fond qui pourraient faire évoluer la situation. Cette démission traduit aussi toute la rage de la guerre que se livrent les deux camps pour gagner la bataille de l’opinion. De ce fait, la démission du président du parti présidentiel qui rejoint avec armes et bagages le camp adverse, marque une importante victoire pour l’opposition mobilisée autour de Jean Ping. A l’opposé, il constitue un coup de poignard dans les flancs d’Ali Bongo qui perd un de ses plus fidèles lieutenants, à un moment crucial de la bataille qu’il mène contre son peuple pour se maintenir au pouvoir. Cela dit, quelles conséquences cette démission du ministre de la Justice, peut-elle entraîner ? Elle viendra, à coup sûr, renforcer la détermination du peuple révolté pour lequel elle constitue un véritable viatique.  Du fait qu’elle place les intellectuels face à leur conscience et en appelle à leur sens de responsabilité, cette démission peut susciter d’autres défections dans le camp Bongo. Elle pourrait constituer, de ce fait, un précieux renfort pour la mobilisation tout en fragilisant à l’opposé le camp d’en face dont les rangs des militants vont aller en se clairsemant.  Mais il en faudrait sans doute plus pour chasser du palais du bord de la mer, Ali Bongo dont le mutisme traduit toute sa détermination à ne pas lâcher prise. Par ailleurs, ce départ vient en rajouter au discrédit généralisé qui jette l’opprobre sur cette élection, tout en mettant sous pression la Cour constitutionnelle qui devrait être trop gênée aux entournures pour avaliser les résultats d’une élection si décriée. Au-delà du Gabon, cette démission a une haute portée pédagogique. Séraphin Moundounga, en se démarquant de ces élites intellectuelles qui, cédant à l’ivresse du pouvoir et à la séduction de l’argent, se sont transformées en véritables  prédateurs et en oppresseurs de leur peuple, donne à l’Afrique tout entière une  belle leçon de morale politique. Sa décision est porteuse d’espoirs pour l’avenir, car au-delà du fait qu’elle apporte la preuve que le continent marque des progrès, elle trace la voie à suivre pour les nouvelles générations.
 
On attend de voir le remède qu’apportera la délégation de haut niveau de l’Union africaine
 
Mise en parallèle avec les déboires judiciaires actuels du dernier gouvernement de Blaise Compaoré qui a manqué de courage pour s’opposer au projet de modification de l’article 37 de la Constitution, la démission du ministre gabonais de la Justice vient rappeler que l’on peut être amené à répondre tôt ou tard du refus ou du manque de courage de s’assumer. « Quand un homme refuse, il dit non » et que ce soit dit donc pour la postérité en Afrique.  Il faut malheureusement aussi craindre l’effet inverse, celui de voir les dictateurs qui écument encore le continent, développer une réaction d’auto-défense, en ne confiant désormais le maroquin de la Justice qu’à des membres du sérail familial, pour se prémunir contre toute humiliation. Cela dit, il faut s’attendre à une sortie du gouvernement Bongo, tendant à présenter cette démission comme un non-évènement. Pire, si le pouvoir venait à reprendre la main sur le pays, il n’hésiterait pas à déballer au grand dehors les casseroles du démissionnaire, pour ensuite lui chercher des noises judiciaires comme on a pu le voir ailleurs en RDC et au Congo, avec les cas Moïse Katumbi et du Général Mokoko.  Ce serait faire la politique de l’autruche face à une réalité qui crève les yeux : le mur Bongo se lézarde. Cela dit, on attend de voir le remède qu’apportera la délégation de haut niveau que l’Union africaine (UA) compte dépêcher au Gabon dans les brefs délais. Sans préjuger de rien, tout porte à croire que ce sera une mission inutile. Car, plutôt que de prendre leurs responsabilités en main en reconnaissant la défaite de Bongo fils, les missi dominici de l’UA se contenteront comme à l’accoutumée de ménager les susceptibilités du dictateur pour in fine, préconiser un gouvernement d’union nationale, avec tous les risques qui vont avec. Sacrée UA !
 
« Le Pays »



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