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Politique

Mathias Hounkpe: en Côte d’Ivoire, «ce qui va se jouer c’est la division Nord-Sud»

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Veillée d'armes en Côte d'Ivoire. À un an de la présidentielle, Henri Konan Bédié se rapproche de Laurent Gbagbo et durcit son discours contre Alassane Ouattara. Le conflit Nord-Sud risque-t-il de resurgir ? Qui va l'emporter l'an prochain ? Le chercheur Mathias Hounkpe est membre de la fondation Open Society, basée à Dakar. Il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.
RFI : Il y a une nouveauté depuis dix ans, c’est que désormais messieurs Gbagbo et Bédié se rapprochent contre Alassane Ouattara.
Mathias Hounkpe : Je pense que ces trois personnalités rendraient service à la Côte d’Ivoire, si elles décidaient simplement de ne pas se présenter pour les élections prochaines, afin de permettre à la Côte d’Ivoire de voir d’autres visages.
Oui, mais vous avez lu la dernière interview d’Henri Konan Bédié à Jeune Afrique : « Redevenir président, ce serait ma revanche ».
Oui. Je crois qu’il a fait la différence entre être sa revanche et rechercher une occasion de se venger. Je crois que la différence est importante. Donc il pense qu’il n’a pas achevé sa présidence. La première fois où il a été président de la République, cela a été écourté, comme vous le savez, par des mouvements militaires et donc il pense maintenant que ce serait comme une revanche sur son propre destin. Mais personnellement, je pense que c’est mieux pour la Côte d’Ivoire que ces trois personnalités comprennent que leurs noms créent beaucoup de tension. Et que, même si leur formation politique continue à opérer, il vaut mieux que les Ivoiriens voient de nouveaux visages.
Oui, mais quand Henri Konan Bédié déclare : « Tant que je suis en bonne santé, tant que le PDCI a besoin de moi, je dois le servir », n’est-il pas en train de dire qu’il a très envie d’être candidat l’année prochaine ?
Oui, on voit très bien que, gagner les élections aurait une signification particulière pour lui. Mais vous êtes justement patriote, parce que vous êtes capable de renoncer à ce qui vous revient pour promouvoir ce qui appartient à tout le monde.
Lors du meeting PDCI-FPI il y a dix jours, à Abidjan, on a remarqué aussi la présence du représentant de Guillaume Soro. Pourrait-il être aussi un candidat de l’opposition, l’année prochaine ?
Je pense que pour le moment il semble vraiment travailler beaucoup pour être candidat. Je crois qu’il fait tout pour montrer que politiquement il se prépare à être candidat. Je pense qu’il ne faut pas oublier Blé Goudé, aussi. Et donc je pense que ce serait difficile pour Guillaume Soro, de mon point de vue, d’y aller contre Gbagbo, Ouattara et Bédié, à la fois. Vous savez que ce sont des tickets qu’il y a en Côte d’Ivoire en ce moment. Peut-être qu’un schéma pourrait être pour Guillaume Soro, d’aller sur un ticket avec l’un ou l’autre.
Un ticket président - vice-président, comme aux États-Unis ?
Comme aux États-Unis… Et donc je n’écarterais pas ce genre de schéma.
Selon les grandes institutions internationales, le bilan économique d’Alassane Ouattara est positif. Est-ce que l’opposition a tout de même des arguments à faire valoir ?
Disons qu’il faut nuancer le jugement sur le bilan économique. C’est vrai que du point de vue macroéconomique, la Côte d’Ivoire a fait très bien. C’est-à-dire que nous avons eu l’un des meilleurs taux de croissance au niveau mondial même. Mais tout le monde sait que cette performance macroéconomique n’a pas « ruisselé » au niveau des citoyens. Cela n’a pas eu d’impact microéconomique. De sorte que, comme vous le savez, même le budget de cette année a été reconnu comme un budget où un accent particulier a été mis sur la nécessité de travailler à la réduction de la pauvreté, etc. Cela veut dire que ces performances économiques, qui sont reconnues à l’étranger, n’ont pas touché beaucoup d’Ivoiriens. Et le deuxième élément qu’il faut ajouter, c’est que la Côte d’Ivoire a un certain nombre de points de fragilité que les dix ans de Ouattara n’ont pas réussi à résoudre. Par exemple, la réconciliation nationale, les efforts qui ont été faits n’ont pas conduit à des résultats. Comme vous le savez, les problèmes au niveau de la nationalité, les problèmes au niveau des ethnies, les problèmes de désarmement, n’ont pas été complètement achevés. De sorte que, malgré ses performances économiques, la Côte d’Ivoire vit encore beaucoup de points de fragilité que l’on peut facilement politiser et instrumentaliser.
Depuis plusieurs mois, Alassane Ouattara entretient le doute sur sa volonté d’être candidat ou non l’année prochaine. À votre avis, que va-t-il faire ?
C’est difficile à dire. Parce que, malgré l’âge, nos hommes politiques finissent toujours par nous surprendre, lorsqu’il s’agit de leur durée au pouvoir.
Beaucoup disent que le dauphin d’Alassane Ouattara serait son Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. Vous y croyez ?
C’est possible, parce qu’il a un parcours politique, il a un parcours je dirais même technique en matière de connaissance des affaires de l’État… Mais naturellement, cela ne suffit pas… Il faut aussi une sorte de connexion avec la population et ça, c’est une autre histoire.
Et justement, face à l’éventuel candidat Henri Konan Bédié, est-ce qu’Amadou Gon Coulibaly peut faire le poids, à votre avis ?
Disons que, si jamais Henri Konan Bédié se présentait, pour que ce soit crédible, ce serait dans le cadre d’une coalition. Parce que, ce qui va se jouer naturellement, cela va être la division, encore, du pays entre nord et sud. Et je pense que dans une telle perspective il est très difficile d’imaginer ce qui va se produire.
Vous parlez de cette fracture nord-sud. Voulez-vous dire que depuis 2010 les risques de guerre civile n’ont toujours pas disparu ?
Disons qu’il y a des risques, même si ces risques ne sont pas de la même ampleur qu’en 2010. Il y a beaucoup d’évolutions qui réduisent cela, mais tout le monde sait que c’est toujours là. Quand vous allez en Côte d’Ivoire et que vous parlez avec les gens, vous voyez très bien que le problème ethnique demeure là. Et lorsque les candidats qui sont présentés ne sont pas trop marqués par l’histoire, cela peut réduire les risques naissants de résurgence de conflits ethniques, etc. Mais je crois que ce serait imprudent de penser qu’en Côte d’Ivoire c’est terminé.
Et en dehors d’Alassane Ouattara et d’Amadou Gon Coulibaly, voyez-vous un autre candidat possible pour le RHDP au pouvoir ?
Disons qu’il y a un nom qui circule, par exemple de Kablan Dunkan, qui est aujourd’hui le vice-président, qui originellement était du PDCI, même si je crois qu’il a été exclu du PDCI, déjà. Je pense qu’il peut être une figure qui aura peut-être, aussi, le mérite de ne pas apparaître comme un candidat qui prolongerait le maintien d’un candidat du nord, une figure qui pourrait facilement réduire, peut-être, l’intensité du conflit nord-sud que l’on craignait tout à l’heure.



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