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1er mars 1919-1er mars 2019, le Burkina Faso, ancienne Haute-Volta, a 100 ans

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1er mars 1919-1er mars 2019, le Burkina Faso, ancienne Haute-Volta, a 100 ans. C’est dans ce cadre que nous vous proposons cet écrit du Frère Philippe Moch. Religieux de l’institut des Frères des écoles chrétiennes (FEC), il est historien de formation et a enseigné dans différents collèges lasalliens au Burkina Faso.
 
 
 
 
Mao tsé Toung voulait qu’on marchât avec deux pieds et saint Jean-Paul II qu’on respirât avec deux poumons. On nous pardonnera de rapprocher ces deux grandeurs d’ordres aussi distincts que les ordres pascaliens... Elles ne sont convoquées ici que pour exhorter nos jeunes Etats postcoloniaux à marcher et à respirer. Etats et désormais nations. Car si leur création, toute récente, tient pour une grande part de l’artifice administratif, il y a bel et bien aujourd’hui une forte conscience nationale animant ces Pygmalion. Ces fantaisies cartographiques sont en effet de pures inventions (et l’emploi de ce mot est ici dans son sens moderne, création ex nihilo, et nullement étymologisante ou liturgique -InventioSanctæCrucis) ; et le fait d’agents colonisateurs pas plus âgés que nos grands-pères. Ce sont les mêmes intellectuels frottés d’université, et avec eux toute la généreuse jeunesse africaine, qui sont de sévères contempteurs du caractère tout artificiel des frontières héritées de la colonisation « et à la fois » de sourcilleux, ombrageux, susceptibles nationalistes. Qu’on songe que le Burkina – Haute-Volta d’où M. Macron a lancé son « discours programme »(1) africain n’a pas cent ans, et pourtant de quelle vivacité le patriotisme burkinabé et le nationalisme burkinabè ne font-ils pas montre !
 
Ces jeunes nations sont formées de très vieux peuples. Et ces vibrants nationalismes vont de pair avec un attachement farouche aux racines et cultures ethniques, au prix sans doute d’une certaine schizophrénie mais dans un alliage solide. L’appartenance nationale ne remplace nullement la conscience ethnique. C’est là toute la richesse de l’Afrique contemporaine : le continent de l’avenir se revendique « berceau de l’humanité », « vieil empire, jeune nation »(2). Ce double héritage est une fierté, il est l’atout majeur de nos pays, la raison de la confiance qu’ils peuvent avoir en leur devenir. Oui : deux pieds, deux poumons.
 
 
 
Unijambistes tuberculeux
 
 
 
Mais alors que la vieille Europe, toute repentante, ne nous vole pas l’héritage que nous tenons. Comment ces jeunes nations, fabrication du dynamisme colonial, qui doivent leur constitution en Etats-nations et leur entrée dans la modernité à la seule initiative coloniale (ne craignons pas d’abuser du mot), comment peuvent-elles grandir de façon équilibrée, confiante, s’il faut sans cesse dénoncer « le colonialisme » ? Où aller si on ne donne le départ qu’à des unijambistes tuberculeux ? Qu’on ne nous bassine pas (pardon pour la familiarité du terme…il faudrait plus justement dire « qu’on ne nous empoisonne pas ») avec les horreurs et méfaits de la colonisation. Bien évidemment qu’ils ont existé : redrubber, Océan-Congo, Tiaroye… et la litanie peut être allongée. Mais les descendants de Robespierre et Turreau, du général André et des inventaires, (sans remonter à l’aimable empereur à la barbe fleurie évangélisateur des Saxons ou au Roi soleil dévastateur du Palatinat) n’ont-ils de mémoire que pour les autres ? Merci. Qui nous dira la fierté d’avoir eu pour fonder nos pays toute l’abnégation de tant d’administrateurs zélés, de missionnaires dignes des grands évêques évangélisateurs de la Gaule et de peuples d’Europe ? Les volumes de « Hommes et Destins »   prennent hélas la poussière.
 
On ne peut rester dans une éternelle crise d’adolescence et condamner l’Afrique au ressentiment et à l’aigreur d’un anticolonialisme inoculé par les intellectuels parisiens. Pour bâtir, il faut hériter, et pour se développer, il faut non ne vivre qu’en ruptures et dénonciations mais bien en continuités ; il faut « assumer » pour causer psycho-moderne. A y regarder, Faidherbe ou Gallieni (pourtant pas un tendre celui-là…) avaient plus de respect pour les peuples d’Afrique que tous les tiers-mondistes, qu’ils soient du Quartier latin ou des palais présidentiels de nombre de nos capitales. Nous avons besoin de tout ce que le colon a planté, institué, mis en place – avec toutes les imperfections et limites d’une œuvre humaine, avec son « hommerie ». Et en même temps, oui « et en même temps », nous revendiquons l’antique sagesse des ancêtres, la cohésion et l’ordre des sociétés tribales… sans là non plus ignorer ou masquer les terribles limites qui furent les leurs. Mais là aussi un héritage étouffé, car si on nous enseigne négritude et grandeur de notre histoire ancienne, les programmes donnent à admirer des tyrans destructeurs (le damel du Cayor ne prenait pas la peine d’aller chez des voisins pour s’approvisionner en esclaves) et non la civilisation des communautés villageoises qui furent trop souvent leur proie.
 
Si les Français ont hissé Vercingétorix au rang de héros de la résistance ‘nationale’ face aux colonisateurs, ils sont tout de même fiers de leur héritage romain, ils le cultivent, ils y trouvent leurs racines culturelles, politiques, institutionnelles, juridiques, etc. Qu’on ne nous prive pas de nos Romains que sont les fils de ces Gaulois ! Et nous ne pourrons nous affirmer, développer sainement nos identités nationales que dans la fécondité originale de notre double héritage. Quel chef d’Etat africain aura le courage, un peu provocateur, de revendiquer à une tribune internationale son héritage colonial, sa fierté ? Que cela serait vraiment libérateur ! En nous délivrant de l’impérialisme culturel et politique qu’est l’anticolonialisme de convention… Ce président audacieux rendrait sans doute service aux Européens en même temps qu’aux nations d’Afrique.
 
 
 
L’Afrique, le continent, le colonisé
 
 
 
Puisque le jeu adolescent où on réduit l’Afrique postcoloniale est celui de l’éternelle victime, sachons au moins indexer nos bourreaux. Les plus puissantes forces anticolonialistes sont celles du double impérialisme américain et soviétique. Dans ce contexte le colonisateur n’a pu accomplir l’œuvre entreprise et abandonna de très fragiles pays à peine naissants dans une décolonisation précipitée. Ils sont nombreux les hommes qui, nés avant la conquête, sont morts après les indépendances. L’Afrique est le continent le moins colonisé : à peine soixante ans. Les métropoles n’ont pas eu le temps de faire un travail de Romain ». Certes le traumatisme est le plus récent sur ce continent et la plaie reste vive. On s’emploie d’ailleurs à empêcher toute cicatrisation, par la paranoïa anticoloniale ressassée.
 
Fût-elle marâtre, la métropole reste mère. Les crimes et trahisons de la France décolonisante et repentante ne se limitent pas aux harkis. La nostalgie d’un amour déçu n’est pas l’excentricité d’un Koffi Yamgnane, elle suinte dans le cœur silencieux des vieux dans tous nos villages. Pendant que la mère dénaturée, qui colonise le cerveau des demi-intellectuels de nos universités, instille dans le cœur des jeunes générations le mépris et le rejet d’une France qui fut aimée. Quel gâchis, Monsieur Macron (et tant d’autres, de tous bords…) ! La démagogie – d’autant plus fertile qu’on cultive l’inculture – ne porte pas de bons fruits. N’est-il pas déjà trop tard ?  L’Afrique Noire française (ex-AOF et ex-AEF) était constitutivement épargnée de l’idéologie d’impasse où l’Algérie s’est engouffrée. Tous les efforts concourent maintenant à l’y plonger. Le supplice de la baignoire a une version intellectuelle. Faudra-t-il donner raison à la thèse de Bernard Lugan : la colonisation n’aura été qu’une parenthèse et l’Afrique retourne à ses vieux démons par une fatalité qui tiendrait de la « malédiction » ?
 
On ne refait pas l’histoire, on ne la censure pas non plus, tant pour les nostalgiques que pour les contempteurs. Ces paragraphes à rebrousse-poil ne demandent qu’un peu de justice : pouvoir marcher et respirer. Le pas ferme, sur le chemin des peuples et de l’histoire, et y respirer un air moins pollué. Est-ce trop demander ? Peut-être, car cela demande quelques remises en cause, une sévère hygiène intellectuelle, une réelle liberté et indépendance d’esprit.
 Philippe Moch
Frère lasallien
 
 
(2) Ministre français d’origine togolaise du temps de Mitterrand
 



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